Du dioxyde de carbone dans l’atmosphère de l’exoplanète WASP-39 b
Le JWST, avec le spectrographe NIRSPEC, inaugure une nouvelle ère de la science des exoplanètes avec la première détection sans équivoque de dioxyde de carbone dans une atmosphère planétaire en dehors de notre système solaire.
WASP-39 b est une géante gazeuse chaude d’une masse d’environ un quart de celle de Jupiter (à peu près la même que Saturne) et d’un diamètre 1,3 fois supérieur à celui de Jupiter. Son gonflement extrême est lié en partie à sa température élevée (environ 900 degrés Celsius). Contrairement aux planètes géantes gazeuses plus compactes et plus froides de notre système solaire, WASP-39 b orbite très près de son étoile – seulement environ un huitième de la distance entre le Soleil et Mercure – complétant un circuit en un peu plus de quatre jours terrestres. La découverte de la planète, rapportée en 2011, a été faite sur la base de détections au sol de la subtile diminution périodique de la lumière de son étoile hôte lorsque la planète « transite », c’est-à-dire qu’elle passe devant l’étoile.
Cette illustration montre à quoi pourrait ressembler l’exoplanète WASP-39 b, d’après la compréhension actuelle de la planète. WASP-39 b est une géante gazeuse chaude et gonflée avec une masse de 0,28 fois celle de Jupiter (0,94 fois celle de Saturne) mais un diamètre 1,3 fois plus grand que Jupiter. Source : NASA, ESA, CSA, Joseph Olmsted (STScI)
Les planètes en transit comme WASP-39 b, dont nous observons les orbites par la tranche, peuvent offrir aux chercheurs des occasions idéales de sonder les atmosphères planétaires. Lors d’un transit, une partie de la lumière des étoiles est complètement éclipsée par la planète (ce qui provoque l’assombrissement général) et une partie est transmise par l’atmosphère de la planète.
Parce que différents gaz absorbent différentes combinaisons de couleurs, les chercheurs peuvent analyser de petites différences de luminosité de la lumière transmise à travers un spectre de longueurs d’onde pour déterminer exactement de quoi une atmosphère est faite. Avec sa combinaison d’atmosphère gonflée et de transits fréquents, WASP-39 b est une cible idéale pour la spectroscopie de transmission. Des observations antérieures effectuées avec d’autres télescopes, dont les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer de la NASA, avaient déjà révélé la présence de vapeur d’eau, de sodium et de potassium dans l’atmosphère de la planète. La sensibilité infrarouge inégalée du JWST a maintenant confirmé qu’il y a aussi du dioxyde de carbone.
Une série de courbes de lumière obtenues avec le spectrographe proche infrarouge du JWST (NIRSpec) montre le changement de luminosité dans trois longueurs d’onde (couleurs) différentes de la lumière du système stellaire WASP-39 au fil du temps alors que la planète transitait l’étoile le 10 juillet 2022. Source : NASA, ESA, CSA et L. Hustak (STScI); Science : The JWST Transiting Exoplanet Community Early Release Science Team
Un spectre de transmission de l’exoplanète géante composée de gaz chaud WASP-39 b capturé par NIRSpec le 10 juillet 2022, révèle les premières preuves claires de la présence de dioxyde de carbone sur une planète en dehors du système solaire. Il s’agit également du premier spectre détaillé de transmission d’exoplanètes jamais obtenu entre 3 et 5,5 microns. Source : Illustration : NASA, ESA, CSA et L. Hustak (STScI); Science : The JWST Transiting Exoplanet Community Early Release Science Team
« Dès que les données sont apparues sur mon écran, l’énorme signal du dioxyde de carbone m’a sauté aux yeux ! C’était un moment spécial, qui nous fait franchir un seuil important dans les sciences des exoplanètes»,
a déclaré Zafar Rustamkulov, un étudiant diplômé à l’Université Johns Hopkins et membre de l’équipe JWST Transiting Exoplanet Community Early Release Science, qui conduit cette recherche.
Aucun observatoire n’a jamais mesuré de telles différences subtiles dans la luminosité de tant de couleurs individuelles sur la plage de 3 à 5,5 microns dans un spectre de transmission d’exoplanète auparavant. L’accès à cette partie du spectre est crucial pour mesurer l’abondance de gaz comme l’eau et le méthane, ainsi que le dioxyde de carbone, qui sont censés exister dans de nombreux types d’exoplanètes.
« La détection d’un signal aussi clair de dioxyde de carbone sur WASP-39 b est de bon augure pour la détection d’atmosphères sur des planètes terrestres plus petites », a déclaré Natalie Batalha de l’université de Californie à Santa Cruz, qui dirige l’équipe.
En effet, cette observation d’une planète géante gazeuse en orbite autour d’une étoile semblable au Soleil à 700 années-lumière fournit des informations importantes sur la composition et la formation de la planète. Cette découverte, acceptée pour publication dans Nature, offre la preuve qu’à l’avenir le JWST pourrait être en mesure de détecter et de mesurer le dioxyde de carbone dans les atmosphères plus minces de petites planètes rocheuses.
Comprendre la composition de l’atmosphère d’une planète est extrêmement important, car cela nous renseigne sur l’origine de la planète et son évolution.
« Les molécules de dioxyde de carbone sont des traceurs sensibles de l’histoire de la formation des planètes. En mesurant cette raie du dioxyde de carbone, nous pouvons déterminer la quantité de matière solide par rapport à la quantité de matière gazeuse utilisée pour former cette planète géante gazeuse. Au cours de la prochaine décennie, le JWST réalisera cette mesure pour diverses planètes, fournissant un aperçu des détails de la formation des planètes et de l’unicité de notre propre système solaire. » a déclaré Mike Line de l’université d’état de l’Arizona, un autre membre de cette équipe de recherche.
Cette observation de NIRSpec de WASP-39 b n’est qu’une partie d’une investigation plus vaste qui inclut des observations de la planète à l’aide de plusieurs instruments du JWST, ainsi que des observations de deux autres planètes en transit. Cette recherche, qui fait partie du programme Early Release Science (diffusion anticipée des résultats scientifiques), a été conçue pour fournir à la communauté scientifique qui s’investit dans des recherches sur les exoplanètes des données du JWST dès que possible.
« L’objectif est d’analyser rapidement les observations et de mettre au point des outils d’accès libre que la communauté scientifique pourra utiliser. Cela permet des contributions de partout dans le monde et garantit que la meilleure science possible sortira des prochaines décennies d’observations» , a expliqué Vivien Parmentier, cochercheuse à l’Université d’Oxford.
Natasha Batalha, du Centre de recherche Ames de la NASA, coauteure de l’article, ajoute que « les principes directeurs de la science ouverte de la NASA sont centrés sur nos travaux scientifiques de diffusion anticipée, soutenant un processus scientifique inclusif, transparent et collaboratif »
(Texte inspiré du communiqué de Presse 2022-126 du Jet Propulsion Laboratory (JPL) du 25 août 2022)
Pour visionner l’article (en langue anglaise) qui rapporte cette découverte, cliquer ici. Plusieurs français, ou étrangers travaillant en France collaborent activement de cette entreprise. Il convient de citer l’Université Paris-Saclay, Université Paris Cité, le CEA, le laboratoire d’astrophysique de Bordeaux, l’Université de Nice-Sophia Antipolis, la Maison de la simulation (CEA, CNRS, Université Paris-Sud, USVQ), et l’Université de Paris Est Créteil (LISA, CNRS).
Jérémy Leconte (Université de Bordeaux, CNRS), co-auteur de l’article commente:
“Nous sommes extrêmement enthousiastes car le télescope marche super bien, si ce n’est mieux que prévu. Cela est d’un excellent augure pour les découvertes à venir. Le CO2 n’est que la première d’une longue liste de nouvelles molécules que l’on va découvrir dans ces atmosphères. Le JWST ouvre une nouvelle ère dans la compréhension des exoplanètes”
Olivia Venot, qui travaille au Laboratoire Interdisciplinaire des Systèmes Atmosphériques du CNRS (LISA), aussi co-auteure de l’article renchérit:
“Ces premières observations provenant du JWST sont vraiment exceptionnelles ! La qualité des données est vraiment sans précédent ce qui permet enfin une détection claire du CO2.Ces premières données sont vraiment très excitantes et prometteuses pour le futur. On l’attendait depuis des années et on mettait beaucoup d’espoir dans ce télescope, mais c’est confirmé, le JWST va nous permettre d’étudier de façon détaillée l’atmosphère de nombreuses exoplanètes. Il va nous permettre de déterminer avec précision l’abondance de nombreuses molécules, ce qui est crucial pour comprendre l’origine et l’histoire des exoplanètes.Ce qui m’a aussi vraiment impressionné c’est ce travail collaboratif international autour de ces données. Une équipe de plusieurs centaines de chercheurs, provenant de pays et d’institutions différentes, a mis en commun leur différentes expertises pour analyser et publier ces données très rapidement.”
Pascal Tremblin, chercheur au CEA/Université Paris – Saclay, co-auteur de l’article (c’est avec sa modélisation théorique ZTMO que la prédiction de la présence de CO2 avait été faite. Et les observations se sont révélées absolument conformes aux predictions!), montre aussi le même optimisme quant au futur:
“Ce qui est remarquable est l’accès en spectroscopie à une région du spectre entre l’infrarouge proche et moyen qui nous était inaccessible jusqu’alors avec Hubble et Spitzer, ce qui nous permet d’identifier aujourd’hui le CO2 dans l’atmosphère de wasp39b et nous permettra demain l’identification d’autres molécules dans l’atmosphère de beaucoup d’autres exoplanètes.”
Pierre-Olivier Lagage, astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), directeur du département d’Astrophysique au CEA/Irfu et l’un des très nombreux coauteurs de ces travaux, est le responsable au sein du consortium Européen MIRI des études sur les exoplanètes. Il ne dit pas autre chose:, mais insiste sur l’aspect “Super-Terre” bien différent de WASP-39 b. Ainsi a-t’il déclaré à l’AFP et au journal Le Monde (le 25août 2022):
“Pour moi, c’est une porte qui s’ouvre pour des études futures de super-Terres, voire de Terres”!
Acceptons-en l’augure, mais une chose est sure: le JWST avec tous ses instruments nous prépare à bien de découvertes sensationnelles, en particulier en ce qui concerne l’étude des atmosphères d’exoplanètes!
Bonjour !
SVP:
quand vous lisez vos spectres, je crois comprendre que vous y cherchez ce à quoi vous vous attendiez a priori, ce que aviez prédit, d’après le savoir acquis en 2022. Là: CO2; c’est “normal”
Vous attendez-vous à (voire: espérez-vous) tomber un jour quelque chose d’encore inconnu, d’absolument inattendu, dont vous n’avez pas le moindre soupçon (un peu comme quand on analyse les composants chimiques d’une plante – ou d’un coquillage – inconnue, et qu’on tombe sur une substance parfaitement imprévisible (un pic inattendu), et dont il faudra alors déterminer la nature, et ensuite…..la cause, l’origine, de sa présence ?????? bref, la divine surprise du jour !
En ces jours qui précèdent le lancement très prochain de Space Launch System – que je regarderai bien sûr – mon intérêt pour JWST et ses prouesses ne faiblit pas!
Vifs encouragements aux chercheurs…..
C’est quand que vous allez vous pencher sérieusement à la recherche de planètes ou la vie existe et non sur des planètes qui servent à rien. On se bouge là au lieu de recherche des conneries.
Cher Monsieur,
Ce n’est pas une question de foi, et je ne parle pas en terme de croyances “religieuse”. Vos commentaires pour le moins acerbes, m’interrogent. Je suis désolé de souligner que vous n’avez sans doute pas suivi l’objectif des programmes soumis au JWST et le cadre qui les entoure. Le JWST n’a jamais été pensé comme un instrument à la recherche de “planètes qui ne servent à rien” (je vous cite). Ceci dit, toutes les exoplanètes ont quelque chose à nous apprendre. Mais aucune exoplanète “ne sert à rien”.
L’objectif principal du JWST est justement d’essayer de caractériser les atmosphères des exoplanètes, et de rechercher les signaux qui pourraient nous indiquer une signature de la vie. Hélas, nous ne savons pas grand chose de ces signatures. Si je n’ai pas été capable de l’expliquer sur le site, je plaide coupable et je vous prie de m’en excuser.
Ceci dit, si vous pouviez nous indiquer comment trouver les exoplanètes où la “vie existe”, si tant est qu’elles existent, vos informations nous feront gagner beaucoup de temps et d’efforts!
Le JWST s’est engagé dans une recherche des caractéristiques des atmosphères des exoplanètes, et dans la recherche au plus profond des signatures d’une possibilité de vie.
Compte tenu de ces recherches et des efforts déployés, je ne peux vous laisser dire que nous sommes à “la recherche de conneries” (je continue à vous citer).
Ceci étant dit, je serai toujours disponible pour converser avec vous, à condition que ce soit sur un ton plus respectueux.
Cordialement malgré tout,
Patrice Bouchet
Bonjour Françoise,
C’est une bonne question.
Il peut en effet arriver que les astronomes ont une idée à priori de ce qu’ils cherchent
et passent ainsi à coté d’une découverte.
C’est ce qui est arrivé pour la découverte certaine de la première exoplanète
autour d’une étoile comme le Soleil, la planète 51 Peg b.
Alors que le groupe américain cherchait a priori des planètes avec une période orbitale
“raisonnable” comme celle de Jupiter (12 ans), l’étudiant suisse Didier Queloz est tombé
sur une planète avec une période de 4 jours, déraisonnable à l’époque au point que
son patron de thèse était sceptique: https://www.youtube.com/watch?v=aE7y4S8V5xg
Comme le disait Bonaparte, “Celui qui, au départ, insiste pour savoir où il va, quand il part
et par où il passe n’ira pas loin”.
Le dessinateur Daumier avait aussi compris ça: https://luth7.obspm.fr/Daumier.JPG
Merci Jean.. Rien à redire.