La contribution française au JWST

Le télescope Spatial a été lancé par une fusée Ariane 5 ECA depuis la Centre Spatial de Kourou en Guyane le 25 décembre 2021 à 13h20 (heure de Paris). L’observatoire a atteint son orbite autour de L2 le 24 janvier 2022 à 20h04, après que tous ses composants se sont déployés d’une manière parfaite (écran solaire, miroir secondaire, déploiement des segments du miroir primaire…). Les étapes suivantes consistaient à aligner chaque segment qui compose le miroir primaire de manière à obtenir une seule image au foyer du télescope, puis à attendre que les températures permettent aux divers instruments de fonctionner, pendant que les experts opticiens “alignaient” au plus fin tous les segments du miroir primaire. La dernière étape était la “Recette en vol” (ou “Commissioning”), consistant à s’assurer du parfait fonctionnement de tout l’observatoire et des quatre instruments à bord. Toutes ces étapes ont été franchies avec un succès extraordinaire et le 12 juillet 2022, nous avons pu enfin visualiser les images à couper le souffle du Télescope James Webb. Une nouvelle vision de l’Univers s’ouvre à nous avec de nombreuses découvertes à la clé ! Ce site officiel français a l’intention de vous les faire découvrir.

 

Le James Webb Space Télescope (JWST) est un observatoire spatiale qui observe l’univers dans l’infrarouge. Il a été développé par la NASA en coopération avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’Agence Spatiale Canadienne (ASC). La France est présente dans l’aventure du JWST, notamment à travers sa participation au développement de l’instrument MIRI, l’un des 4 instruments à bord du satellite. Pour l’exploitation scientifique de ce fabuleux télescope spatial, la communauté française des astrophysiciens s’appuye sur le Centre d’Expertise (MICE) qui a été mis en place au Département d’Astrophysique du CEA, à Saclay, avec la collaboration de l’Institut d’Astrophysique Spatial (IAS), du LESIA de l’Observatoire de Paris et du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM).

 

Le James Webb Space Telescope (JWST) est la mission phare des années 2020 – 2040 pour faire avancer la connaissance dans de nombreux domaines de l’astrophysique. Quatre thèmes ont été mis en avant :

    -1) Première lumière et ré-ionisation de l’Univers à la sortie de la période dite ‘âge sombre’ période qui se situe environ 300-400 millions d’années après le big bang et qui est vierge de toute observation,
    -2) Assemblage des galaxies,
    -3) Naissance des étoiles et des systèmes protoplanétaires,
    -4) Planètes et origine de la vie.

Suite à sa forte implication dans le consortium qui a construit l’instrument MIRI (Mid InfraRed Instrument) du JWST, l’équipe française a accès à du temps d’observation garanti (GTO). Le consortium européen dispose de 450 heures de temps garanti. Le département d’astrophysique du CEA (DAp) et l’UMR AIM du CNRS qui lui est associée, coordonnent le programme d’étude des exoplanètes (caractérisation de leur atmosphère; 110 heures), et l’étude de la Supernova SN 1987A.

Pour permettre à la communauté scientifique d’avoir très tôt des données d’observations afin de préparer la réponse aux appels à proposition d’observations en temps ouvert, le directeur du STScI a décidé que 500 heures de temps discrétionnaire à sa disposition seraient consacrées à des programmes intitulés ‘Early Release Science’ (ERS). Les observations seront faites dans les 5 premiers mois d’observations du JWST. Les données seront immédiatement publiques. Suite à un appel d’offre, treize programmes ont été sélectionnés. La France est très fortement impliquée dans les 2 programmes dédiés aux exoplanètes.-

 

L’instrument MIRI est le seul des quatre instruments qui opère dans le domaine de l’infrarouge dit « thermique ». Observant dans les longueurs d’onde entre 5 et 28 micromètres, il sera le plus à même pour observer le gaz et les poussières dans des objets beaucoup plus froids que des étoiles comme notre Soleil. Il permettra par exemple de voir des étoiles jeunes encore profondément enfouies dans le nuage de gaz et de poussières dans lequel elles se forment. MIRI sera également le complément indispensable à NIRCam pour identifier les premières galaxies de l’Univers. L’instrument MIRI est réalisé par un consortium de laboratoires européens coordonnés par Gillian Wright de l’Observatoire Royal d’Edimbourg et par le centre NASA JPL qui fournit les détecteurs et leur électronique, ainsi que le système de refroidissement spécial à l’instrument. Dix pays européens ont participé à la réalisation de MIRI (UK, France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Suisse, Suède, Danemark, Irlande.

 

La France, sous l’égide du CNES, garant vis à vis de l’ESA de la contribution nationale et responsable formel de la contribution française a largement contribué à l’instrument MIRI. En effet, la France a été en charge de la conception, de la réalisation, des tests et de la livraison de l’imageur MIRIm (hors détecteur fourni par la NASA). Cette contribution a été réalisée sous la maîtrise d’œuvre du CEA ; trois autres laboratoires français ont participé à MIRIm :
– le LESIA (Meudon) : Coronographes.
– l’IAS (Orsay) : Conception du simulateur de télescope,
– et le LAM (Marseille) : Réalisation des essais en vibration.

D’autres pays européens ont contribué à MIRIM :
– la Belgique – Centre Spatial de Liège : Réalisation des miroirs,
– l’Allemagne – Max Planck Institute : Fourniture du mécanisme de la roue à filtre,
– La Suède – University of Sweden et l’Irlande: Réalisation des filtres optiques.

 

 

La livraison du modèle de vol de MIRIM par le CEA a eu lieu en 2012, soit 9 ans avant le lancement fin 2021. L’imageur MIRIM propose trois modes d’observation: «imagerie» pour photographier le ciel, «spectrographie» pour décomposer la lumière et y trouver la signature d’éléments et de molécules cosmiques, et «coronographie» pour éteindre la lumière d’une source très lumineuse, que ce soit une étoile (recherche d’exoplanètes) ou un noyau de galaxie, pour mieux observer son voisinage.

 

Un concept optique original comprend un banc optique à 5 miroirs (aluminium, usinage diamant), une roue à filtres permettant de choisir entre différents traitements de la lumière reçues par le Télescope et une fenêtre d’entrée supportant la fente du spectrographe ainsi qu’un masque (Lyot) et 3 filtres à 4 quadrants pour la fonction coronographie dite à Masque de Phase.

 

Le modèle de vol de l’imageur MIRIM a été assemblé et testé au CEA Paris-Saclay en 2008 et 2009 ; un banc de test qui permet de reproduire les conditions de vide et de froid que rencontre MIRIM dans l’espace a été développé spécialement pour l’occasion. En 2010, MIRIM a été livré au Rutherford Appleton Laboratory en Angleterre pour être couplé avec l’autre partie de MIRI, le spectromètre MRS, puis testé dans une chambre à vide suffisamment grande pour l’instrument complet. En 2012, MIRI a été envoyé au Goddard Space Center de la NASA (GSFC), près de Washington, où il a été couplé avec les trois autres instruments du JWST. Trois séries de tests cryogéniques ont suivi entre 2012 et 2016. Les 18 hexagones du miroir primaire du télescope ont aussi été assemblés au Goddard Space Center (NGSFC) de novembre 2015 à février 2016. Les instruments ont été montés à l’arrière du miroir primaire du télescope et l’ensemble a été envoyé en 2017 à Houston pour être testé, car la station de test au NGSFC n’était pas assez grande pour accueillir le télescope. L’équipe CEA était sur place pour les tests au moment où l’ouragan Harvey s’est abattu. Plus de peur que de mal; juste quelques nuits au laboratoire sans pouvoir regagner l’hôtel et une voiture complètement noyée!

 

Une fois les tests finis, nous avons «lâché» MIRI pour son voyage dans les locaux de la compagnie Northrop Grumman, en Californie, où il est arrivé début 2018. Là, le télescope a été couplé avec le satellite et les grands écrans thermiques (parasol), qui vont empêcher les rayons du Soleil, de la Terre et de la Lune d’atteindre le télescope. Celui-ci pourra alors atteindre passivement une température d’environ 45K (-228℃), nécessaire pour ne pas gêner les observations dans l’infrarouge.

 

Enfin, fin septembre 2021, le JWST a quitté la Californie pour Kourou où il est arrivé après un voyage en bateau de 16 jours qui l’a amené à passer par le canal de Panama (bloqué quelques mois plus tôt!).

 

 

Après un lancement réalisé bien au delà des espérances (grâce à l’action du CNES, aux performances d’Ariane 5, et la maîtrise des agents à Kourou), les tests des performances de MIRI sur le ciel se sont extraordinairement bien déroulés. Sur la figure ci-dessous on peut voir le gain en résolution angulaire et en sensibilité apporté par MIRI par rapport à son prédécesseur.

 

Une petite partie du temps d’observation est réservée aux astrophysiciens ayant participé au développement instrumental (450 heures pour le consortium européen MIRI). Dans ce cadre, l’équipe du CEA coordonne les observations qui seront consacrées aux exoplanètes, et à la Supernova 1987A.

L’essentiel du temps d’observation sera « ouvert » : chaque année durant les 10 à 15 années de durée de vie du JWST, un appel pour l’utilisation de l’observatoire est programmé. Le premier appel a eu lieu en 2020. Plus de 1000 demandes ont été déposées, impliquant plus de 4000 astrophysiciens à travers le monde. Le nombre d’heures d’observation demandées est très supérieur (4 à 5 fois) au nombre d’heures disponibles et la sélection a été faite par des comités de scientifiques. Il est satisfaisant de voir que MIRI est le deuxième instrument le plus demandé.  Ses promoteurs (en France, Pierre-Olivier Lagage) ont bien fait d’insister pour qu’il « monte » à bord du Webb !
En effet, cet instrument n’était pas initialement prévu pour être incorporé dans le JWST. C’est grâce à l’action soutenue d’un consortium Européen qu’il a finalement été accepté comme le quatrième dans la panoplie qu’offre maintenant le JWST.