Découverte et étendue de glaces de CO₂ et CO dans la région transneptunienne

 

Un grand programme d’observation du télescope spatiale James Webb a récemment fourni la première vue d’ensemble des Objets Trans-Neptuniens (OTNs), les petits corps primitifs de notre système solaire externe, orbitant au-delà de Neptune, d’où sont issus une partie des comètes. Les observations de 59 objets obtenues avec l’instrument NIRSpec ont été analysées par une équipe de recherche internationale impliquant l’Institut d’Astrophysique Spatiale et le Laboratoire de Géologie de Lyon. Les spectres infrarouges révèlent les toutes premières détections de glaces de CO₂ et de CO sur des petits corps du système solaire externe.

 

L'intérêt de l'étude des objets transneptuniens

Impression d’artiste d’un objet de la ceinture de Kuiper (KBO), appelé aussi objets transneptuniens (OTN). Il s’agit de petits corps primitifs de notre Système solaire externe, orbitant au-delà de la planète Neptune.
Crédits : NASA, ESA, and G. Bacon (STScI)

Les OTNs étant formés assez loin du Soleil, ils regorgent encore d’informations concernant leur formation il y a plus de 4 milliards d’années, à l’inverse des planètes naines comme Pluton qui pourraient avoir subi une évolution interne majeure. Les OTNs ont également été témoins de processus de migration planétaire qui les ont, pour la majorité, redistribués loin de leur région de formation. 

 

Caractériser leur composition permettrait de reconstruire une image du jeune système solaire externe avant cette réorganisation drastique. Mais, jusqu’à présent, les observations des OTNs étaient limitées, livrant une caractérisation très partielle de leur composition chimique : seules les glaces d’eau et de méthanol avaient été détectées sur une poignée d’objets.

 

Un cocktail de molécules inattendu !

Spectre infrarouge de la surface d’un objet trans-neptunien avec mise en avant des bandes d’absorption fondamentales de CO₂ et CO.
Crédits : William Gonzalez Sierra, Florida Space Institute.

Contre toute attente, le CO₂ est très répandu, présent sur 95% des objets dans des proportions pourtant variables. Remarquablement, du ¹³CO₂ est également détecté ce qui ouvre la possibilité d’étudier le rapport isotopique du carbone à travers le système solaire externe. Alors que le CO n’est pas stable dans la région transneptunienne, il est pourtant détecté conjointement au CO₂ sur 47% des objets. 

 

Cette diversité de composition, traduite par les variations d’abondance mais également d’état physico-chimique de la glace, va permettre de retracer l’histoire des OTNs pour retrouver leur lieu de formation dans le disque protoplanétaire, en différenciant son influence de celle de processus d’évolution plus tardifs. En effet, si le CO₂ a pu être hérité du disque protoplanétaire, le CO serait plus probablement formé par le vent solaire et les rayons cosmiques qui bombardent continuellement ces surfaces glacées sans atmosphère.

 

 

La NASA récompense l’équipe de la mise en service du JWST

 

La NASA a récemment décerné le Silver Group Achievement Award à 232 experts mondiaux pour leur contribution à la mise en service du télescope spatial James Webb (JWST). Ces experts ont travaillé 24 heures sur 24 pendant les six mois du commissioning. Leur travail acharné a permis d’obtenir pour tous les instruments des performances finales surpassant les spécifications initiales. Parmi cette équipe, on compte six Français.

 

Un travail d'équipe

Figure 2 – Christophe Cossou et Daniel Dicken dans le Centre de Contrôle des Opérations de la Mission JWST au Space Telescope Science Institute (STScI) au moment de la première observation avec l’instrument MIRI (first light), visible sur l’écran en arrière-plan.

Le télescope spatial James Webb (JWST) est le premier observatoire d’astrophysique au monde et un succès incontestable. Les équipes dédiées, qui ont confirmé le fonctionnement des instruments scientifiques (IS) et des sous-systèmes pendant les six mois de mise en service, sont la clé de ce succès. Grâce à des séquences méticuleusement planifiées et à une coordination soignée entre toutes les activités de l’observatoire, ces équipes internationales ont assuré une couverture 24h/24, examiné les données et résolu les problèmes dès qu’ils se présentaient.

Parmi eux, six Français : Pierre-Olivier Lagage (CEA Paris-Saclay), co-responsable de l’instrument MIRI, Christophe Cossou (CEA Paris-Saclay), Daniel Dicken (CEA Paris-Saclay et Institut d’Astrophysique Spatiale), Alain Coulais (CEA Paris-Saclay et Observatoire de Paris), Pierre Baudoz (Observatoire de Paris) et Pierre Guillard (Institut d’Astrophysique de Paris)

 

 

La mise en service de MIRI

Figure 3 – Equipe responsable de la mise en service de l’instrument MIRI au STSCI (Baltimore – USA) qui abrite le Centre d’Opération du JWST.

L’une des caractéristiques du JWST est d’observer dans la portion de l’infrarouge moyen du spectre électromagnétique via l’instrument MIRI (instrument Mid InfraRed) à forte contribution française. Les observations sont possibles grâce à un refroidissement actif fourni par un cryoréfrigérateur qui « extrait » la chaleur des plans focaux et des optiques de MIRI pour offrir des performances spectroscopiques sans précédent. Il a fallu attendre trois mois après le lancement du télescope pour que le cryoréfrigérateur atteigne la température requise de 7 K, soit près de -266°C.

 

« J’étais aux commandes quand on a démarré le cryoréfrigérateur et tout s’est magnifiquement passé. Voir en direct la température descendre… Là on se dit que ça va aller ! » Témoigne Alain Coulais, ingénieur de Recherche détaché au Département d’Astrophysique du CEA-Saclay

Grâce à une planification précise des tests et de l’analyse des données de la part des équipes (cf. Figure 3), l’instrument MIRI a été entièrement mis en service en seulement trois semaines. MIRI n’a rencontré qu’un seul problème : une caractéristique inattendue de lumière parasite a fait échouer la méthode prévue pour aligner les coronographes. Une fois ce problème résolu, les coronographes ont été alignés et ont dépassé leurs performances initialement prévues d’un facteur de quatre.

 

« Etre aux commandes pour activer l’ouverture de l’instrument vers le ciel, puis l’acquisition de la première image fut un moment magique, l’aboutissement de plusieurs années de préparation » Explique Christophe Cossou, ingénieur de Recherche au Département d’Astrophysique du CEA-Saclay

La mise en service de NIRCam

Figure 4 – Image de l’étoile 2MASS J17554042+6551277 prise par le télescope spatial James Webb après l’alignement de son miroir primaire. Les figures de diffraction autour de l’étoile confirme l’alignement parfait des 18 segments constituant le miroir primaire. 

Crédit : NASA/STScI

L’équipe responsable de la caméra proche infrarouge (NIRCam) a permis l’alignement optique des 18 segments du miroir primaire du JWST (cf. Figure 4). Ils ont traité les problèmes de stabilité de pointage, des états thermiques inattendus et de l’exécution des activités qui ont permis d’obtenir un télescope aligné qui dépasse les spécifications pour lesquels il a été construit.

 

La mise en service de NIRSpec

Figure 5. A Gauche : Schéma de l’agencement de l’assemblage des micro-obturateurs (MSA), avec des cibles scientifiques (en bleu) montrées dans leurs volets MSA ouverts (en vert). Crédit : NASA/STScI
A droite : Exemple d’utilisation des MSA pour mesurer la distance obtenue avec NIRSpec des galaxies individuelles parmi un champ de milliers de galaxies. Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Au sein de l’équipe du spectrographe proche infrarouge (NIRSpec), chaque observation a été soigneusement planifiée pour garantir une efficacité maximale, et toutes les activités de calibration ont été complétées dans les délais impartis.

NIRSpec utilise des réseaux de 250 000 micro-obturateurs (MSA), de petites fenêtres qui peuvent être sélectionnées individuellement pour observer des étoiles cibles (cf. Figure 5). Pour résoudre les problèmes d’acquisition de cibles MSA, l’équipe a passé des jours et des nuits à trouver des problèmes sur les systèmes connexes et à les résoudre.

 

La mise en service de FGS

Figure 6 – Cette image test du détecteur du FGS a été acquise sur une période de huit jours lors de la phase de la mise en service et des tests de performance du JWST. Bien que non optimisée pour la détection d’objets faibles, elle capture néanmoins des objets extrêmement faibles. 

Crédit: NASA, CSA, and FGS team.

Le capteur de guidage fin (FGS) fournit des images d’étoiles cataloguées au système de contrôle d’attitude 16 fois par seconde, permettant à Webb de pointer avec précision en restant très stable sur une longue durée (cf. Figure 6). Grâce aux efforts de l’équipe FGS, la précision de pointage dépasse là aussi les spécifications initialement prévues.

Le guidage nécessite une surveillance quasi constante depuis la console. L’équipe a effectué de nombreuses répétitions spécifiques au FGS pour se préparer au processus complexe d’alignement des miroirs. Leurs efforts ont conduit à plusieurs réalisations majeures qui ont amélioré les capacités de guidage. Ils ont analysé des images pour générer des paramètres mis à jour, améliorant ainsi les performances de guidage pour les étoiles brillantes et les champs encombrés, et ont également perfectionné les scripts de commande pour optimiser les performances globales.

 

La mise en service de NIRISS

Figure 7 – Courbe de lumière obtenu avec l’instrument NIRISS d’un transit de l’exoplanète géante WASP-96 b devant son étoile. NIRISS est parfaitement adapté à ce type d’observation à fort contraste. Lors de cette observation, l’instrument a pu mesurer des différences de luminosité de l’ordre de 0,02 %. 

Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Un problème résolu par l’équipe de l’imageur infrarouge proche et du spectrographe sans fente (NIRISS) était la lumière dispersée provenant de l’assemblage de l’échangeur de chaleur MIRI (HSA). Ils ont identifié le problème et confirmé qu’une fois le HSA refroidi, les niveaux de signal sont tombés aux limites attendues (cf. Figure 7).

Après une défaillance initiale de l’acquisition de cible, l’équipe a travaillé pour corriger les scripts embarqués, ce qui a abouti à une acquisition de cible qui dépasse les attentes.

 

Le ICDH et l’ISIM

Figure 8 – Falaises cosmiques dans la nébuleuse de la Carène prise par la caméra NIRCam, l’une des nombreuses images spectaculaires du JWST qui sont possibles grâce à l’effort d’une équipe internationale que le prix d’argent de la NASA récompense. 

Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI

Le module de commande et de traitement des données des instruments scientifiques intégrés (ICDH) et l’unité des services distants ISIM (IRSU) ne reçoivent pas les acclamations des instruments scientifiques, mais sans eux, il n’y aurait pas de logiciel pour prendre les images, pas de commande, et pas de données transmises au sol.

Cette équipe a soutenu les tests et les répétitions avant et après le lancement, travaillant 24 heures sur 24 pendant les six mois complets de mise en service. Non seulement leurs sous-systèmes ont fonctionné sans heurts, mais leur expertise a été une ressource précieuse pour les autres équipes en cas de problème.

Les résultats de la dévotion de l’équipe de mise en service conjointe sont graphiquement illustrés par les images inspirantes publiées au public (cf. Figure 8).

 

Le James Webb découvre toujours plus d’hydrocarbures dans les disques autour d’étoiles de très faible masse

 

Une équipe de recherche internationale impliquant des scientifiques de l’Université Paris-Saclay, du CEA, du CNRS, de l’Ecole Polytechnique et de l’Observatoire de Paris vient de révéler la composition chimique d’un disque de matière en rotation autour d’une jeune étoile où se forment de nouvelles planètes. Les résultats révèlent le plus grand nombre de molécules carbonées jamais observées dans un tel disque, dont certaines détectées pour la première fois en dehors de notre système solaire. Ces découvertes ont des implications sur la composition potentielle des planètes en formation autour de cette étoile. Ces résultats, publiés dans la revue Science le jeudi 6 juin, ont été obtenus dans le cadre du programme temps garanti de l’instrument MIRI, développé par un consortium de laboratoires en Europe et aux Etats-Unis.

 

L’étude des disques protoplanétaires

Figure 1 : Impression d’artiste d’une jeune étoile entourée d’un disque de gaz et de poussière.
Crédits : NASA/JPL-Caltech

Les planètes rocheuses sont très communes autour des étoiles de très faible masse (moins de 0,3 masse solaire), comme en témoigne le fameux système planétaire TRAPPIST-1. On sait pourtant peu de choses sur la chimie de ces mondes, qui peuvent être semblables ou très différents de la Terre. En étudiant les disques à partir desquels ces planètes se forment, appelés disques protoplanétaires, les astronomes espèrent mieux comprendre le processus de formation des planètes et la composition des planètes qui en résultent.

 

Les disques protoplanétaires autour d’étoiles de très faible masse sont difficiles à étudier parce qu’ils sont plus petits et moins lumineux que les disques autour d’étoiles plus massives. Le programme appelé MIRI Mid-INfrared Disk Survey (MINDS) vise à utiliser les capacités uniques du télescope spatial James Webb (JWST) pour faire le lien entre les propriétés des disques et les propriétés des exoplanètes.

 

Un cocktail de molécules détectées autour de la jeune étoile ISO-ChaI-147

Figure 2 : Ce graphique représente le spectre du disque protoplanétaire autour de l’étoile ISO-ChaI-147 révélé par l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) du télescope spatial James Webb. Le spectre montre la chimie des hydrocarbures la plus riche observée à ce jour dans un disque protoplanétaire, avec 13 molécules carbonées, dont la première détection extrasolaire d’éthane (C2H6) et la première détection d’éthylène (C2H4), de propyne (C3H4) et de radical méthyle (CH3) dans un disque.
Crédits : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI)

Dans une nouvelle étude, cette équipe a exploré la région autour d’une étoile de très faible masse connue sous le nom d’ISO-ChaI-147, une étoile âgée de 1 à 2 millions d’années, dont la masse n’est que de 0,11 fois celle du Soleil.
 
Le spectre révélé par l’instrument MIRI du JWST montre la chimie d’hydrocarbure la plus riche observée à ce jour dans un disque protoplanétaire – un total de 13 molécules carbonées différentes (cf. Figure 2). L’équipe a notamment détecté pour la première fois de l’éthane (C2H6) en dehors de notre système solaire, ainsi que de l’éthylène (C2H4), du propyne (C3H4) et le radical méthyle CH3.

 

« Il est incroyable que nous puissions détecter et quantifier la quantité de molécules que nous connaissons bien sur Terre, comme le benzène, dans un objet situé à plus de 600 années-lumière », explique Agnès Perrin, chercheuse CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD – CNRS/ENS-PSL/IPP/Sorbonne Université).

« L’an dernier, nous avions déjà découvert une très grande quantité d’acétylène (C2H2), de diacétylène (C4H2) et du benzène (C6H6) dans un disque autour d’une étoile similaire. Ici c’est un cocktail encore plus riche de molécules qui est découvert, confirmant que les disques autour de ce type d’étoile sont de vraies usines d’hydrocarbures », ajoute Benoît Tabone, chercheur CNRS à l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS – Université Paris-Saclay/CNRS).

Une vision plus précise des disques autour des étoiles de très faible masse

Vidéo 1 : Illustration le spectre du disque protoplanétaire de l’étoile ISO-ChaI-147, capturé par l’instrument MIRI du télescope JWST, montrant le mouvement typique des molécules responsable de l’absorption dans le spectre.

Ces résultats ont des implications importantes pour la chimie du disque interne et des planètes qui pourraient s’y former. Comme le JWST a révélé que le gaz présent dans le disque est riche en carbone, il est probable qu’il reste peu de carbone dans les matériaux solides à partir desquels les planètes se formeraient. Par conséquent, les planètes rocheuses qui pourraient s’y former seraient finalement pauvres en carbone.
 

Ces travaux soulignent la nécessité cruciale pour les scientifiques de collaborer entre les différentes disciplines. L’équipe note que ces résultats et les données qui les accompagnent peuvent contribuer à d’autres domaines, notamment la physique théorique, la chimie et l’astrochimie, afin d’interpréter les spectres et d’étudier de nouvelles signature spectroscopique de molécules dans cette gamme de longueurs d’onde.

Des chercheurs cartographient la météo sur une planète située à 280 années-lumière grâce au James Webb

Une équipe internationale de chercheurs, dont fait partie le CEA-Saclay et le LESIA, a utilisé le télescope spatial James Webb de la NASA pour cartographier la météo de la géante gazeuse chaude WASP-43 b.

Des mesures en infrarouge moyen obtenues avec l’instrument MIRI, combinées à des modèles climatiques 3D et à d’autres observations suggèrent la présence de nuages épais et denses du côté nuit, un ciel dégagé du côté jour, et des vents équatoriaux atteignant jusqu’à 8 000 km/h, mixant les gaz atmosphériques autour de la planète.

Cette étude démontre les avancées de la science des exoplanètes grâce aux capacités uniques du JWST à mesurer les variations de température et à détecter les gaz atmosphériques à des centaines d’année-lumière de nous.

Cette étude fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Nature Astronomy.

Jupiter chaud lié par effet de marée

Figure 1 – Vue d’artiste de l’exoplanète géante gazeuse WASP-43 b située à environ 280 années-lumière dans la constellation du Sextan. 

Crédits : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI)

WASP-43 b est une exoplanète de type “Jupiter chaud” (Figure 1). De taille similaire à Jupiter et principalement composée d’hydrogène et d’hélium, elle est beaucoup plus chaude que les géantes gazeuses de notre propre système solaire, en raison de sa proximité avec son étoile, à moins de 1/25e de la distance entre Mercure et le Soleil.
Avec une orbite aussi serrée, la planète est gravitationnellement bloquée par effet de marée, présentant ainsi toujours la même face à son étoile. Elle a donc un côté continuellement illuminé et l’autre dans l’obscurité permanente. Toutefois, même si le côté nuit ne reçoit jamais de radiation directe de l’étoile, des vents atmosphériques orientés vers l’est transportent la chaleur du côté jour.
Depuis sa découverte en 2011, WASP-43 b a été observée avec de nombreux télescopes, dont les télescopes spatiaux Hubble de la NASA et Spitzer qui n’est plus en service.

“Avec Hubble, nous pouvions clairement voir qu’il y a de la vapeur d’eau du côté jour. Tant Hubble que Spitzer ont suggéré qu’il pourrait y avoir des nuages du côté nuit,” explique Taylor Bell, chercheur à la BAER Institute et auteur principal de cette étude. “Mais nous avions besoin de mesures plus précises du JWST pour commencer vraiment à cartographier la température, la couverture nuageuse, les vents et la composition atmosphérique plus détaillée tout autour de la planète.”

Cartographier la température et déduire la météo

Figure 2 – Courbe de phase du système WASP-43, obtenue par le spectromètre MIRI à basse résolution (LRS) du télescope spatial James Webb pendant 24h. La courbe de phase montre le changement de luminosité du système WASP-43 au fil du temps, lorsque la planète tourne autour de son étoile. Le système apparaît le plus lumineux lorsque le côté chaud de la planète fait face au télescope, juste avant et après son passage derrière l’étoile. Le système s’assombrit au fur et à mesure que la planète poursuit son orbite et que le côté nuit est visible par rotation. Il s’éclaircit à nouveau après être passé devant l’étoile, lorsque le côté jour revient dans le champ de vision. 
Crédits : Image : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI) ; Science : Taylor J. Bell (BAERI), Joanna Barstow (Open University), Michael Roman (University of Leicester).
La courte période orbitale de WASP-43 b, seulement 19,5 heures, en fait un candidat idéal pour la spectroscopie en courbe de phase, qui consiste à mesurer la variation de luminosité du système étoile-planète pendant que la planète orbite autour de l’étoile. Cette technique permet de cartographier la température à la surface de toute la planète.
 
En effet, la température d’un astre est étroitement liée à la quantité de lumière qu’il émet. Pour mesurer la lumière émise par la planète, on calcule la différence entre la luminosité de l’étoile seule (lorsque la planète est cachée derrière elle) et la luminosité combinée de l’étoile et de la planète (lorsque la planète est visible).
 
L’instrument MIRI, optimisé pour l’infrarouge moyen (de 5 à 12 microns), du JWST est un outil parfait pour cette technique car, d’une part, une planète émet principalement dans cette gamme spectrale du fait de sa température intrinsèque, et d’autre part, il faut que l’instrument soit suffisamment sensible pour détecter des différences de luminosité de l’ordre de quelques parties par million, soit 40 parties par million (0,004 %) dans le cas de WASP-43 !
 

L’équipe a donc pointé MIRI vers WASP-43 afin de mesurer la lumière du système toutes les 10 secondes pendant plus de 24 heures, soit un peu plus que le temps nécessaire à WASP-43 b pour faire le tour de son étoile. La Figure 2 montre le résultat des quelques 8 000 mesures prises dans l’infrarouge moyen.

Figure 3 – Ce graphique présente la variation de la température à la surface de l’exoplanète géante gazeuse WASP-43 b. Le côté jour possède une température moyenne d’environ 1250°C, tandis que celle du côté nuit est d’environ 600°C. Cette différence de température s’explique par le fait que la planète présente toujours la même face à son étoile, mais également par d’autres facteurs comme la vitesse du vent et la présence de nuages. Des modèles atmosphériques 3D complexes révèlent que le point le plus chaud de la planète n’est pas directement sous l’étoile, mais décalé d’environ 7 degrés vers l’est en raison de forts vents équatoriaux déplaçant l’air chaud à l’horizontale avant qu’il ne puisse rayonner de l’énergie vers l’espace. Ces vents transportent la chaleur vers le côté nuit, bien que ce dernier apparaisse tout de même trop froid, probablement en raison de nuages qui retiennent l’énergie thermique.

Crédit : Image : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI) ; Science : Taylor J. Bell (BAERI); Joanna Barstow (Open University); Michael Roman (University of Leicester)

“En observant sur toute une orbite, nous avons pu calculer la température des différents côtés de la planète lorsqu’ils entrent en vue,” explique Bell. “À partir de là, nous avons pu construire une carte approximative de la température à travers la planète.”

Les mesures montrent que le côté jour a une température moyenne de près de 1 250°C tandis que le côté nuit est significativement plus froid avec 600°C (cf. Figure 3). Les données aident également à localiser le point le plus chaud de la planète (le “point chaud”), qui est légèrement décalé vers l’est par rapport au point qui reçoit le plus de radiation stellaire (le « point substellaire »), là où l’étoile est la plus haute dans le ciel de la planète. Ce décalage se produit en raison des vents supersoniques, qui déplacent l’air chauffé vers l’est.

“Le fait que nous puissions cartographier la température de cette manière est un véritable témoignage de la sensibilité et de la stabilité de Webb,” déclare Michael Roman, co-auteur de l’Université de Leicester au Royaume-Uni.

Pour interpréter la carte, l’équipe a utilisé des modèles atmosphériques 3D complexes similaires à ceux utilisés pour comprendre la météo et le climat sur Terre. L’analyse montre que le côté nuit est probablement recouvert d’une épaisse couche nuageuse à haute altitude qui empêche une partie de la lumière infrarouge de s’échapper dans l’espace. En conséquence, le côté nuit – bien que très chaud – semble plus sombre et plus froid qu’il ne le serait s’il n’y avait pas de nuages.

Méthane manquant et vents forts

Figure 4 – Ce graphique compare les molécules attendues et observées dans l’atmosphère de l’exoplanète WASP-43 b, de jour comme de nuit. Comme attendu, la vapeur d’eau est présente des deux côtés, contraignant l’épaisseur des nuages et leur altitude dans l’atmosphère. Cependant, l’absence de méthane dans l’atmosphère, surtout du côté nuit, étonne car étant plus frais, il devrait exister. Les chercheurs expliquent cette absence par des vents extrêmement rapides, atteignant au moins 8000 km/h, qui empêchent la formation de méthane du côté nuit à des seuils détectables par le JWST. 
Crédits : NASA, ESA, CSA, Ralf Crawford (STScI), Joanna Barstow (Open University).

Le large spectre de lumière en infrarouge moyen (de 5 à 12 microns) capturé par le James Webb a également permis de mesurer la quantité de certaines molécules dans l’atmosphère de la planète WASP-43 b.

“Webb nous a donné l’opportunité de déterminer exactement quelles molécules nous observons et de mettre des limites sur les abondances,” déclare Joanna Barstow, co-auteur de l’Open University au Royaume-Uni.

Les spectres montrent des signes clairs de vapeur d’eau tant du côté nuit que du côté jour de la planète, fournissant des informations supplémentaires sur l’épaisseur des nuages et leur altitude dans l’atmosphère.

 

Cependant, les données montrent l’absence de méthane dans l’atmosphère. Du côté jour, cela n’est pas étonnant car il y fait trop chaud pour que la molécule puisse exister (la majeure partie du carbone devrait être sous forme de monoxyde de carbone). Toutefois, elle devrait être stable et détectable du côté nuit car plus frais.

“Le fait que nous ne voyions pas de méthane nous indique que WASP-43 b doit avoir des vitesses de vent atteignant environ 8000 km/h” explique Barstow. “Si les vents déplacent assez rapidement le gaz du côté jour vers le côté nuit et vice versa, il n’y a pas assez de temps pour que les réactions chimiques attendues produisent des quantités détectables de méthane du côté nuit.”

L’équipe pense qu’en raison de ce mélange induit par le vent, la chimie atmosphérique est la même tout autour de la planète, ce qui n’était pas évident d’après les travaux précédents avec Hubble et Spitzer.

La contribution française au JWST

Le télescope Spatial a été lancé par une fusée Ariane 5 ECA depuis la Centre Spatial de Kourou en Guyane le 25 décembre 2021 à 13h20 (heure de Paris). L’observatoire a atteint son orbite autour de L2 le 24 janvier 2022 à 20h04, après que tous ses composants se sont déployés d’une manière parfaite (écran solaire, miroir secondaire, déploiement des segments du miroir primaire…). Les étapes suivantes consistaient à aligner chaque segment qui compose le miroir primaire de manière à obtenir une seule image au foyer du télescope, puis à attendre que les températures permettent aux divers instruments de fonctionner, pendant que les experts opticiens “alignaient” au plus fin tous les segments du miroir primaire. La dernière étape était la “Recette en vol” (ou “Commissioning”), consistant à s’assurer du parfait fonctionnement de tout l’observatoire et des quatre instruments à bord. Toutes ces étapes ont été franchies avec un succès extraordinaire et le 12 juillet 2022, nous avons pu enfin visualiser les images à couper le souffle du Télescope James Webb. Une nouvelle vision de l’Univers s’ouvre à nous avec de nombreuses découvertes à la clé ! Ce site officiel français a l’intention de vous les faire découvrir.

 

Le James Webb Space Télescope (JWST) est un observatoire spatiale qui observe l’univers dans l’infrarouge. Il a été développé par la NASA en coopération avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’Agence Spatiale Canadienne (ASC). La France est présente dans l’aventure du JWST, notamment à travers sa participation au développement de l’instrument MIRI, l’un des 4 instruments à bord du satellite. Pour l’exploitation scientifique de ce fabuleux télescope spatial, la communauté française des astrophysiciens s’appuye sur le Centre d’Expertise (MICE) qui a été mis en place au Département d’Astrophysique du CEA, à Saclay, avec la collaboration de l’Institut d’Astrophysique Spatial (IAS), du LESIA de l’Observatoire de Paris et du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM).

 

Le James Webb Space Telescope (JWST) est la mission phare des années 2020 – 2040 pour faire avancer la connaissance dans de nombreux domaines de l’astrophysique. Quatre thèmes ont été mis en avant :

    -1) Première lumière et ré-ionisation de l’Univers à la sortie de la période dite ‘âge sombre’ période qui se situe environ 300-400 millions d’années après le big bang et qui est vierge de toute observation,
    -2) Assemblage des galaxies,
    -3) Naissance des étoiles et des systèmes protoplanétaires,
    -4) Planètes et origine de la vie.

Suite à sa forte implication dans le consortium qui a construit l’instrument MIRI (Mid InfraRed Instrument) du JWST, l’équipe française a accès à du temps d’observation garanti (GTO). Le consortium européen dispose de 450 heures de temps garanti. Le département d’astrophysique du CEA (DAp) et l’UMR AIM du CNRS qui lui est associée, coordonnent le programme d’étude des exoplanètes (caractérisation de leur atmosphère; 110 heures), et l’étude de la Supernova SN 1987A.

Pour permettre à la communauté scientifique d’avoir très tôt des données d’observations afin de préparer la réponse aux appels à proposition d’observations en temps ouvert, le directeur du STScI a décidé que 500 heures de temps discrétionnaire à sa disposition seraient consacrées à des programmes intitulés ‘Early Release Science’ (ERS). Les observations seront faites dans les 5 premiers mois d’observations du JWST. Les données seront immédiatement publiques. Suite à un appel d’offre, treize programmes ont été sélectionnés. La France est très fortement impliquée dans les 2 programmes dédiés aux exoplanètes.-

 

L’instrument MIRI est le seul des quatre instruments qui opère dans le domaine de l’infrarouge dit « thermique ». Observant dans les longueurs d’onde entre 5 et 28 micromètres, il sera le plus à même pour observer le gaz et les poussières dans des objets beaucoup plus froids que des étoiles comme notre Soleil. Il permettra par exemple de voir des étoiles jeunes encore profondément enfouies dans le nuage de gaz et de poussières dans lequel elles se forment. MIRI sera également le complément indispensable à NIRCam pour identifier les premières galaxies de l’Univers. L’instrument MIRI est réalisé par un consortium de laboratoires européens coordonnés par Gillian Wright de l’Observatoire Royal d’Edimbourg et par le centre NASA JPL qui fournit les détecteurs et leur électronique, ainsi que le système de refroidissement spécial à l’instrument. Dix pays européens ont participé à la réalisation de MIRI (UK, France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Suisse, Suède, Danemark, Irlande.

 

La France, sous l’égide du CNES, garant vis à vis de l’ESA de la contribution nationale et responsable formel de la contribution française a largement contribué à l’instrument MIRI. En effet, la France a été en charge de la conception, de la réalisation, des tests et de la livraison de l’imageur MIRIm (hors détecteur fourni par la NASA). Cette contribution a été réalisée sous la maîtrise d’œuvre du CEA ; trois autres laboratoires français ont participé à MIRIm :
– le LESIA (Meudon) : Coronographes.
– l’IAS (Orsay) : Conception du simulateur de télescope,
– et le LAM (Marseille) : Réalisation des essais en vibration.

D’autres pays européens ont contribué à MIRIM :
– la Belgique – Centre Spatial de Liège : Réalisation des miroirs,
– l’Allemagne – Max Planck Institute : Fourniture du mécanisme de la roue à filtre,
– La Suède – University of Sweden et l’Irlande: Réalisation des filtres optiques.

 

 

La livraison du modèle de vol de MIRIM par le CEA a eu lieu en 2012, soit 9 ans avant le lancement fin 2021. L’imageur MIRIM propose trois modes d’observation: «imagerie» pour photographier le ciel, «spectrographie» pour décomposer la lumière et y trouver la signature d’éléments et de molécules cosmiques, et «coronographie» pour éteindre la lumière d’une source très lumineuse, que ce soit une étoile (recherche d’exoplanètes) ou un noyau de galaxie, pour mieux observer son voisinage.

 

Un concept optique original comprend un banc optique à 5 miroirs (aluminium, usinage diamant), une roue à filtres permettant de choisir entre différents traitements de la lumière reçues par le Télescope et une fenêtre d’entrée supportant la fente du spectrographe ainsi qu’un masque (Lyot) et 3 filtres à 4 quadrants pour la fonction coronographie dite à Masque de Phase.

 

Le modèle de vol de l’imageur MIRIM a été assemblé et testé au CEA Paris-Saclay en 2008 et 2009 ; un banc de test qui permet de reproduire les conditions de vide et de froid que rencontre MIRIM dans l’espace a été développé spécialement pour l’occasion. En 2010, MIRIM a été livré au Rutherford Appleton Laboratory en Angleterre pour être couplé avec l’autre partie de MIRI, le spectromètre MRS, puis testé dans une chambre à vide suffisamment grande pour l’instrument complet. En 2012, MIRI a été envoyé au Goddard Space Center de la NASA (GSFC), près de Washington, où il a été couplé avec les trois autres instruments du JWST. Trois séries de tests cryogéniques ont suivi entre 2012 et 2016. Les 18 hexagones du miroir primaire du télescope ont aussi été assemblés au Goddard Space Center (NGSFC) de novembre 2015 à février 2016. Les instruments ont été montés à l’arrière du miroir primaire du télescope et l’ensemble a été envoyé en 2017 à Houston pour être testé, car la station de test au NGSFC n’était pas assez grande pour accueillir le télescope. L’équipe CEA était sur place pour les tests au moment où l’ouragan Harvey s’est abattu. Plus de peur que de mal; juste quelques nuits au laboratoire sans pouvoir regagner l’hôtel et une voiture complètement noyée!

 

Une fois les tests finis, nous avons «lâché» MIRI pour son voyage dans les locaux de la compagnie Northrop Grumman, en Californie, où il est arrivé début 2018. Là, le télescope a été couplé avec le satellite et les grands écrans thermiques (parasol), qui vont empêcher les rayons du Soleil, de la Terre et de la Lune d’atteindre le télescope. Celui-ci pourra alors atteindre passivement une température d’environ 45K (-228℃), nécessaire pour ne pas gêner les observations dans l’infrarouge.

 

Enfin, fin septembre 2021, le JWST a quitté la Californie pour Kourou où il est arrivé après un voyage en bateau de 16 jours qui l’a amené à passer par le canal de Panama (bloqué quelques mois plus tôt!).

 

 

Après un lancement réalisé bien au delà des espérances (grâce à l’action du CNES, aux performances d’Ariane 5, et la maîtrise des agents à Kourou), les tests des performances de MIRI sur le ciel se sont extraordinairement bien déroulés. Sur la figure ci-dessous on peut voir le gain en résolution angulaire et en sensibilité apporté par MIRI par rapport à son prédécesseur.

 

Une petite partie du temps d’observation est réservée aux astrophysiciens ayant participé au développement instrumental (450 heures pour le consortium européen MIRI). Dans ce cadre, l’équipe du CEA coordonne les observations qui seront consacrées aux exoplanètes, et à la Supernova 1987A.

L’essentiel du temps d’observation sera « ouvert » : chaque année durant les 10 à 15 années de durée de vie du JWST, un appel pour l’utilisation de l’observatoire est programmé. Le premier appel a eu lieu en 2020. Plus de 1000 demandes ont été déposées, impliquant plus de 4000 astrophysiciens à travers le monde. Le nombre d’heures d’observation demandées est très supérieur (4 à 5 fois) au nombre d’heures disponibles et la sélection a été faite par des comités de scientifiques. Il est satisfaisant de voir que MIRI est le deuxième instrument le plus demandé.  Ses promoteurs (en France, Pierre-Olivier Lagage) ont bien fait d’insister pour qu’il « monte » à bord du Webb !
En effet, cet instrument n’était pas initialement prévu pour être incorporé dans le JWST. C’est grâce à l’action soutenue d’un consortium Européen qu’il a finalement été accepté comme le quatrième dans la panoplie qu’offre maintenant le JWST.

MIRI confirme la présence de dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP-39b

La Saturne Chaude WASP-39b a déjà fait parler d’elle à de nombreuses reprises. Après de nombreuses observations au sol et depuis l’espace avec Hubble et Spitzer, elle a été l’une des premières cibles du James Webb Space Telescope (JWST). En novembre 2022, l’observatoire spatial observe l’exoplanète dans le proche infrarouge, permettant aux scientifiques de découvrir la molécule de dioxyde de carbone (CO2) pour la première fois de manière sans équivoque dans son atmosphère (cf. article du 26 août 2022). Peu de temps après un second article y révèle la présence de dioxyde de souffre (S02), constituant la première preuve d’une photochimie complexe ayant lieu dans les exoplanètes à haute température (cf. article du 26 décembre 2022). En 2023, une équipe de chercheur pointe de nouveau le JWST vers WASP-39b en utilisant cette fois-ci MIRI, l’instrument en infrarouge moyen, afin d’élargir le spectre dans l’infrarouge lointain. Cette nouvelle étude publiée dans la revue Nature confirme la présence du SO2, en mesurant précisant son abondance et ainsi mieux comprendre la photochimie qui façonne l’atmosphère de WASP-39b.

L’étude de WASP-39b entre dans une nouvelle ère avec le JWST

Figure 1 – Les spectres obtenus par les trois instruments proche infrarouge à bord du JWST, NIRSpec, NIRCam et NIRISS, informent les scientifiques sur la composition chimique de l’atmosphère de la géante gazeuse WASP-39b
Crédit : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI).

WASP-39b est une géante gazeuse de masse équivalente à Saturne dont le diamètre surpasse d’un tiers celui de Jupiter, lui attribuant le statut de « Saturne Chaude ». Ce gonflement extrême est dû à sa température élevée d’environ 900°C liée à sa forte proximité avec son étoile (distance d’environ un huitième de celle Soleil-Mercure). Du fait de son atmosphère étendue et de transits fréquents (passage de la planète devant son étoile dans l’axe de visée de nos télescopes), cette planète offre un terrain propice à l’observation de son atmosphère et un sujet idéal pour l’étude des atmosphère exoplanétaires en spectroscopie de transmission. Les télescopes au sol et spatiaux, avec Hubble et Spitzer, ont permis de révéler la présence de vapeur d’eau (H20), de monoxyde de carbone (CO), de sodium (Na), et de potassium (K).

 

Avec l’arrivée de JWST, cette étude est entrée dans une toute nouvelle ère, avec des observations dépassant considérablement les précédents relevés. En 2022, le JWST pointe ses instruments dans le proche infrarouge (de 1 à 5 µm). Cette nouvelle analyse a permis la détection sans équivoque du dioxyde de carbone (CO2) ainsi que le dioxyde de soufre (SO2) à la liste des gaz détectés (cf. Figure 1). La présence de ce composé soufré, lié à la photochimie, suggère que ce phénomène, jusqu’alors inobservé dans une exoplanète, est un processus clé dans les atmosphères à haute température. Néanmoins, cette dernière détection se basait sur une seule raie moléculaire du SO2 (à 4,05 μm) avec une amplitude réduite dans le spectre de transmission de WASP-39b. Il était crucial d’étendre la gamme spectrale d’observation pour analyser d’autres bandes d’absorption du SO2, permettant ainsi de mieux contraindre son abondance.

MIRI confirme la présence du SO2 et fournit une mesure plus précise de son abondance

Figure 2 – Spectre obtenu avec les données du spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI. Les croix jaunes représentent les données, et les lignes colorées, aux meilleurs ajustements de divers modèles d’atmosphères planétaires. Les régions ombrées colorées représentent les incertitudes respectives à chaque modèle de 1σ. Les modèles sont unanimes sur la présence du SO2 aux longueurs d’onde caractéristiques à 7,7 et 8,5 μm. Au-delà de 10 µm, il semble avoir une diminution du spectre probablement dû à une autre source de bruit du détecteur ou à un artefact qui n’est pas encore bien compris.
Crédit : Image tirée de l’article de Powell et al. 2024

C’est désormais chose faite ! En février 2023, WASP-39b est de nouveau observé par le JWST mais dans le moyen infrarouge cette fois-ci, par le spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI, entre 5 à 12 µm. Cette étendue spectrale permet l’analyser de deux raies moléculaires caractéristiques supplémentaires de la molécule S02 : à 7,7 et 8,5 μm (Figure 2). En ajustant plusieurs modèles d’atmosphères planétaires, avec des compositions différentes, les chercheurs ont ainsi confirmé la présence du dioxyde de souffre dans l’atmosphère de WASP-39b et d’en contraindre l’abondance à 0,5 à 25 ppm (plage de 1σ), en accord avec des résultats antérieurs. Cette nouvelle étude démontre que la photochimie façonne l’atmosphère de WASP-39b sur une large plage de longueurs d’onde.

La Royal Astronomical Society récompense l’équipe MIRI pour sa contribution au télescope spatial James Webb

La Royal Astronomical Society a annoncé aujourd’hui que leur prestigieux Group Achievement Award a été décerné à l’équipe internationale qui a développé l’instrument Mid InfraRed (MIRI) pour le télescope spatial James Webb (JWST). Ce prix récompense l’impressionnante réussite de l’équipe, qui a su mener à bien un projet international aussi long et complexe, ainsi que permettrent des résultats scientifiques impressionnants qui émergent de MIRI.

Figure 1 – Dernière inspection de MIRIm, l’imageur de MIRI .
Crédit photo : CEA/DAp

 

MIRI est le fruit d’une collaboration entre l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique (figure 2). L’équipe qui a conçu et développé l’instrument MIRI du JWST, a été dirigé par Gillian Wright du Royal Observatory of Edimburgh (ROE) et de George Rieke de l’Université d’Arizona. MIRI, seul instrument du télescope spatial à travailler dans l’infrarouge moyen, entre 5 et 28 microns, est formé d’un spectrographe, MRS (MIRI medium-resolution spectrometer), et d’un imageur, MIRIm (figure 1). Sous l’égide du CNES, le département d’astrophysique du CEA-Irfu, fort d’une expertise étendue dans le domaine de l’infrarouge moyen depuis les années 1980, a assuré la matrise d’œuvre de MIRIm.

“Quelle belle nouvelle pour l’équipe en ce début d’année !” commente Pierre-Olivier Lagage, responsable scientifique de la participation française à MIRI et qui s’est investi dans ce projet depuis 1998. “Nous avions le sentiment d’avoir fait de l’excellent travail avec le développement de MIRI et que MIRI permettait d’obtenir des informations cruciales pour l’avancée de nombreuses problématiques astrophysiques. Que ça soit reconnu par la Royal Astronomical Society est une très grande satisfaction.”

Une collaboration internationale

Figure 2 – MIRI est un projet collaboratif qui regroupe des organisations, des universités et des instituts du monde entier. Les instituts leaders dans chaque pays sont mis en évidence sur la carte.
Crédit M. Garcia-Marin, ESA

Les équipes françaises ont largement contribué à l’instrument MIRI. Elles ont été en charge de la conception, de la réalisation, des tests et de la livraison de l’imageur MIRIm (hors détecteur fourni par la NASA). Cette contribution a été réalisée sous la maîtrise d’oeuvre du CEA ; quatre départements de l’Irfu ont participé (DEDIP, DIS, DACM et DAp) ainsi que trois laboratoires français : le LESIA (Coronographes), l’IAS (Conception du simulateur de télescope), et le LAM (Réalisation des essais en vibration).

D’autres pays européens ont contribué à MIRIm sous management de UK :  la Belgique – Centre Spatial de Liège (réalisation des miroirs), l’Allemagne – Max Planck Institute (fourniture du mécanisme de la roue à filtre), La Suède – University of Sweden et l’Irlande (réalisation des filtres optiques).

Figure 3. Le gain sur l’image du JWST est très visible grâce à son miroir primaire nettement plus grand et à ses détecteurs améliorés. A gauche : WISE/NASA ; au milieu : Spitzer/NASA/JPL-Caltech ; à droite : MIRI/NASA/ESA/CSA/STScI

 

Les premières observations sur le ciel avec MIRI (en 2022) ont tout de suite montré l’énorme gain en performances que le JWST apportait (Figure 3)

“Cette première image de MIRI m’a beaucoup ému”, témoignait Pierre-Olivier Lagage en avril 2022. “Les images sont d’une qualité exceptionnelle. Elles sont bien plus fines que celles produites par le télescope Spitzer, qui avait également photographié le Grand Nuage de Magellan.”

Le programme ExO-MIRI

Figure 4. Composition atmosphérique de WASP-107b obtenu grâce au spectromètre de basse résolution LRS de MIRI. Les bandes spectrales colorées en bas de l’image représentent les bandes caractéristiques des molécules détectées : En rouge, il s’agit de l’eau à l’état vapeur (H20), en bleu du sulfure de dioxyde (S02) et en jaune, le continuum du silicate (Si02). Le meilleur modèle atmosphérique représentatif des observations faites avec MIRI (points blancs) est dessiné en ligne orange.
Crédits : Michiel Min / European MIRI EXO GTO team / ESA / NASA

 

Une petite partie du temps d’observation est réservée aux astrophysiciens ayant participé au développement instrumental (450 heures pour le consortium européen MIRI). Dans ce cadre, le CEA coordonne le programme ExO-MIRI consacré à l’observation des exoplanètes.

“Ce programme a déjà engrangé de très beaux succès qui montrent le potentiel unique de MIRI” indique Pierre-Olivier Lagage, responsable du programme. “Tous les modes observationnels de MIRI ont été utilisés”:

  • Le mode imagerie a permis de détecter la très faible lueur émise par la planète rocheuse tempérée Trappist-1 b et de contraindre la présence d’une atmosphère (1ere série d’observation en novembre 2022 : Greene et al. 2023 et Actualité de juin 2023, et 2ie série d’observations en juillet 2023, Ducrot, E., Lagage, P.-O. et al. soumis à Nature Astronomy)
  • Le mode spectroscopie a permis de détecter pour la première fois du dioxygène de souffre dans l’atmosphère de WASP-107 b (figure 4), une planète géante ‘cotonneuse’ et aussi de déterminer la nature des aérosols présents dans cette atmosphère, des silicates (Dyrek, A. et al., Nature et Actualité de novembre 2023)
  • Grâce au mode coronographique, ont pu être observées, par imagerie directe, les 4 planètes géantes autour de l’étoile HR8799 (Boccaletti et al., A&A 2024) (cf. Figure 5)
  • Le mode spectroscopique moyenne résolution (MRS) a permis de détecter la présence d’ammoniaque dans l’objet sub-stellaire Wise J1828  et de déterminer le rapport entre les deux isotopoloques 15NH3 et 14NH3 , ce qui permet de contraindre la formation de cet objet (Barrado et al. Nature ; Actualité de novembre 2023)

Figure 5. Voici l’une des images MIRIm du JWST de HR 8799 et de ses quatre planètes.
Credit: Boccaletti et al. 2023

MIRI est l’un des quatre instruments scientifiques embarqués à bord du JWST et le seul à fonctionner aux longueurs d’onde de l’infrarouge moyen (5-28 microns). Avec ses capacités d’imagerie, de spectroscopie et de coronographie dans l’infrarouge moyen, MIRI élargit considérablement l’éventail des activités scientifiques de l’observatoire. Les images spectaculaires et les données scientifiques fournies par MIRI redéfinissent notre compréhension du cosmos. Elles offrent de nouvelles perspectives sur les atmosphères des planètes au-delà de notre système solaire et fournissent de nouvelles données sur la formation des étoiles et des galaxies. De nombreux faits scientifiques marquants des deux premières années d’exploitation de MIRI peuvent être consultés sur le site très complet du webbtelescope.org/news

La piste de l’ammoniac mène aux exoplanètes

Le consortium de laboratoires qui a développé l’instrument MIRI du JWST bénéficie de temps garanti d’observations. Le Département d’Astrophysique du CEA qui fait partie du consortium a défini et coordonne le programme d’observations des exoplanètes. Parmi les objets sélectionnés, quelques naines brunes qui sont d’excellents proxy pour étudier les exoplanètes géantes, notamment celles qui orbitent loin de leur étoile, bien plus loin que les planètes de notre système solaire. En effet les processus physiques et chimiques qui régissent les naines brunes sont très semblables. Les premiers résultats concernant la naine brune froide W1828 viennent d’être publiés dans la revue Nature. En pointant le télescope spatial James Webb (JWST) vers cet objet, une équipe de chercheurs incluant des chercheurs du DAp-AIM, a pu mesurer avec l’instrument MIRI et, pour la première fois, les isotopologues de l’ammoniac dans l’atmosphère d’une naine brune froide, ouvrant la voie vers une meilleure compréhension de la formation des exoplanètes

Ces résultats ont été publiée dans la prestigieuse revue Nature.

Les Naines Brunes, ces astres entre planètes et étoiles

Figure 1 – Illustration d’artiste de la naine brune froide WISE J1828, montrant les molécules d’eau (H20), de méthane (CH4) et d’ammoniac (NH3) détectées dans le spectre obtenu avec le JWST. 

Crédit ETH Zurich / Polychronis Patapis

 

Les naines brunes sont des corps célestes situés à la frontière entre les étoiles et les planètes. Leur masse est insuffisante pour amorcer la fusion thermonucléaire de l’hydrogène en leur cœur, comme le font les étoiles, mais suffisante pour amorcer la fusion du deutérium, contrairement aux planètes. À bien des égards, ces astres ressemblent à des planètes géantes gazeuses, ce qui en fait d’excellents laboratoires pour l’étude des exoplanètes.

 

La naine brune WISE J1828 se trouve à 32,5 années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Lyre. Son rayon n’est supérieur que d’un tiers à celui de Jupiter, pour une masse 15 fois plus grande. Avec une température de surface de seulement 100 degrés Celsius, elle fait partie de la classe spectrale Y, dont les atmosphères sont dominées par l’absorption de l’eau, du méthane et de l’ammoniac. À ces températures, l’émission lumineuse de ces naines brunes culmine dans l’infrarouge moyen. L’arrivée du JWST va révolutionner l’étude de ces astres car son capteur infrarouge MIRI (Instrument infrarouge moyen) couvre toute leur plage lumineuse jusqu’alors difficilement observable.

L'isotope de l’ammoniac, un traceur de la formation des exoplanètes.

Figure 2 – Spectre de WISE J1828 mesuré par l’instrument MIRI à bord du JWST. On voit clairement les bandes d’absorption caractéristiques de l’ammoniac, des molécules d’eau et de méthane qui provoquent une atténuation du signal dans la plage de longueurs d’onde entre 9 et 13 μm, 5 et 7 µm, et autour de 7,6 µm respectivement. La région zoomée du spectre montre un exemple d’une bande d’absorption de 15NH3 identifiée avec la résolution du spectromètre MIRI. 

Crédit: ETH Zurich / Polychronis Patapis.

Les isotopes sont des atomes qui possèdent le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons. En raison de leur masse atomique différente, les isotopes d’un même élément ont des propriétés physiques différentes, et donc des signatures spectrales qui diffèrent. Ils sont largement utilisés sur Terre. On pense notamment à la datation au carbone 14, qui permet d’estimer l’âge des os ou des fossiles.
 
En astronomie, ils occupent une place de plus en plus importante. Par exemple, le rapport des isotopes du carbone-12 (12C) et du carbone-13 (13C) dans l’atmosphère d’une exoplanète peut être utilisé pour déduire la distance à laquelle l’exoplanète s’est formée autour de son étoile centrale. Jusqu’à présent, le 12C et le 13C, liés dans le monoxyde de carbone, étaient les seuls isotopologues – molécules qui ne diffèrent que par la composition de leurs isotopes – pouvant être mesurés dans l’atmosphère des exoplanètes. Mais pour les objets froids, il est très difficile d’avoir accès à ces rapports isotopiques.
 

Grâce à cette nouvelle étude, l’équipe de chercheurs a démontré qu’il était également possible d’utiliser les isotopologues de l’ammoniac (NH3) comme traceur de la formation des exoplanètes. En effet, ils ont détecté pour la première fois dans l’atmosphère d’une naine brune froide, servant ici de proxy pour les exoplanètes, la signature spectrale caractéristique de la présence des molécules 14NH3 (écrit aussi 14N) et 15NH3 (15N). Même si elles ne diffèrent que d’un neutron dans le noyau de l’azote, nous pouvons clairement les distinguer dans le spectre observé (cf. Figure 2).

Un nouvel outil de diagnostic pour la formation des exoplanètes

Figure 3 – Ce schéma résume différentes phases de la formation des étoiles et des planètes et la relation entre le fractionnement de l’ammoniac (NH3) et l’évolution du rapport 14N/15N à différents stades : à l’intérieur d’un nuage moléculaire avec des noyaux pré-stellaires (en haut à gauche), pendant la formation d’une protoétoile (en haut à droite) et dans un disque circumstellaire autour d’une jeune étoile (en bas). 

Crédit : adapté de l’article Barrado, D. et al. 15NH3 in the atmosphere of a cool brown dwarf. Nature (2023).

 

Les géantes gazeuses telles que Jupiter ou Saturne n’existent pas seulement dans notre système solaire, mais on les retrouve également dans d’autres systèmes exoplanétaires.  Certaines orbitent très loin de leur étoile et la question de leur formation se pose. Se sont-elles formées dans le disque proto-stellaire comme les étoiles par instabilité gravitationnelle ou plus tard dans le disque protoplanétaire ? Le rapport 14NH3 / 15NH3 est un traceur, c’est-à-dire un indicateur, qui pourrait être utilisé à l’avenir pour étudier la formation de ces planètes.
 

En effet comme indiqué sur la Figure 3, dans un disque protoplanétaire, le rapport 14NH3 sur 15NH3 dépend de la distance à l’étoile et augmente fortement entre la ligne de glace de l’ammoniac (NH3) et la ligne de glace de l’azote moléculaire (N2). Cette variation est encore très qualitative ; mais la tendance est là.

 

À cet égard, l’ammoniac et la quantité de ses isotopologues peuvent non seulement fournir des informations sur la manière dont une exoplanète s’est développée, mais aussi sur l’endroit du disque protoplanétaire où elle s’est formée. Le rapport 14N/15N peut contraindre les emplacements de formation par rapport aux lignes de glace de NH3 et de N2 du disque, faisant de l’ammoniac un nouvel outil pour comprendre la formation des géantes gazeuses. Cette hypothèse pourra être testée sur les exoplanètes froides loin de leur étoile, et donc directement imageable par le JWST.

Détection de vapeur d’eau, de dioxyde de soufre et de nuages de silicate dans l’atmosphère d’une Super-Neptune

Une équipe internationale de scientifiques, dirigée par le Département d’Astrophysique du CEA, a observé pour la première fois en infrarouge moyen l’atmosphère enflée de l’exoplanète WASP-107b grâce au télescope spatial James Webb. Les scientifiques ont découvert non seulement de la vapeur d’eau et du dioxyde de soufre, mais aussi des nuages de sable silicatés, et surtout, aucune trace de méthane. Mis à part la vapeur d’eau, ces découvertes étaient inattendues en considérant les modèles planétaires développés jusqu’alors. Grâce à cette super-Neptune, dont l’atmosphère est peu dense et se révèle être très dynamique, la science des exoplanètes évolue et se perfectionne.

 

Les résultats de l’étude sont publiés dans la prestigieuse revue Nature.

 

La Super-Neptune WASP-107b

Figure 1 – Illustration d’artiste de WASP-107b et de son étoile hôte. Elle est si proche qu’elle subit des conditions d’irradiation extrêmes par rapport aux planètes de notre Système solaire. Son atmosphère est même en train de s’évaporer.
Crédit : LUCA School of Arts, Belgium / Klaas Verpoest

WASP-107b est une géante gazeuse orbitant autour de l’étoile WASP-107, à environ 212 années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Vierge. Elle a été découverte en 2017 par la méthode des transits, c’est-à-dire par la mesure de légères diminutions de luminosité de l’étoile lorsque la planète passe entre elle et nous. Son orbite est très petite, environ 10 fois plus faible que celle de Mercure autour du Soleil. Cette proximité fait que sa période orbitale est très courte, environ 5,7 jours, ce qui nous permet d’observer son transit en quelques heures. En outre, l’exoplanète a une atmosphère enflée, c’est-à-dire qu’elle a un volume anormalement élevé par rapport aux géantes gazeuses du Système solaire. Pour une masse similaire à celle de Neptune, WASP-107b possède une taille approchant presque celle de Jupiter ! C’est pour cela que l’on définit WASP-107b comme étant une Super-Neptune. Cette caractéristique permet aux astronomes d’explorer son atmosphère environ 50 fois plus profondément que pour une géante du Système solaire car les signatures moléculaires mesurées dans les spectres sont plus prononcées dans une atmosphère moins dense que dans celles plus compactes.


Des résultats qui défient les modèles atmosphériques

Figure 2 – Composition atmosphérique de WASP-107b obtenu grâce au spectromètre de basse résolution LRS de MIRI. Les bandes spectrales colorées en bas de l’image représentent les bandes caractéristiques des molécules détectées : En rouge, il s’agit de l’eau à l’état vapeur (H20), en bleu du sulfure de dioxyde (S02) et en jaune, le continuum du silicate (Si02). Le meilleur modèle atmosphérique représentatif des observations faites avec MIRI (points blancs) est dessiné en ligne orange.
Crédits : Michiel Min / European MIRI EXO GTO team / ESA / NASA

En janvier 2023, l’équipe d’astronomes européens a pointé le télescope spatial James Webb pendant 8 heures vers l’étoile WASP-107 afin d’observer le transit de la Super-Neptune avec le spectromètre basse résolution LRS de l’instrument MIRI. Cette mesure permet d’obtenir le spectre atmosphérique de la planète, riche d’informations sur la composition chimique (molécules présentes), la physique (température et pression) et la dynamique (mouvement) de l’atmosphère.

« Pour cette observation, nous avons utilisé l’instrument MIRI qui a permis d’obtenir pour la première fois le spectre de transmission dans l’infrarouge moyen de la Super-Neptune WASP-107b. » Précise Pierre-Olivier Lagage, co-responsable du consortium européen MIRI et directeur du département d’Astrophysique du CEA-Saclay. « Ces observations ont été réalisées dans le cadre du programme d’observations en temps garanti du consortium MIRI »

Et les résultats obtenus de l’exoplanète WASP-107b défient tous nos modèles atmosphériques !

« Les résultats étaient inattendus ! » a déclaré l’auteure principale, Achrène Dyrek, chercheuse au CEA-Saclay. « Le JWST permet de caractériser en profondeur l’atmosphère d’une exoplanète faisant ainsi évoluer nos modèles atmosphériques développés jusqu’alors. »

Ensuite, la découverte de dioxyde de soufre (connu pour son odeur d’allumettes brûlées) a été une surprise majeure. En effet, les modèles atmosphériques prédisent que le soufre devrait plutôt être sous forme de sulfure d’hydrogène qui est bien plus stable dans les planètes à température modérée, autour de 500 °C, comme WASP-107b. Cette détection indique donc que des processus chimiques de dissociation des molécules d’eau et de recombinaison avec le soufre en haute altitude sont à l’œuvre. Ces réactions chimiques sont générées par l’irradiation de l’étoile qui fournit l’énergie suffisante à travers des photons de hautes énergies pour dissocier les molécules ; c’est ce qu’on appelle la photodissociation. La première découverte de tels processus a été avec la planète WASP-39b.

Ce qui surprend ici, c’est que l’étoile WASP-107 est trop froide pour émettre suffisamment de photons énergétiques pour produire du dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP-107b. Alors pourquoi a-t-on détecté du dioxyde de soufre ? L’une des hypothèses serait que le gonflement même de l’atmosphère de la planète permettrait au peu de photons énergétiques de l’étoile de pénétrer profondément à l’intérieur, permettant ainsi la création de dioxyde de soufre.

Mais ce n’est pas tout : L’intensité des signatures spectrales du dioxyde de soufre et de la vapeur d’eau sont considérablement réduites par rapport à ce qu’elles seraient dans un scénario sans nuages. A partir de ce constat, nous pouvons affirmer que des nuages en haute altitude sont susceptibles de masquer partiellement la vapeur d’eau et le dioxyde de soufre présents dans l’atmosphère. Bien que la présence de nuages ait été prédite au cours des dernières années, c’est la première fois que les astronomes peuvent identifier avec certitude la composition chimique de ces nuages. Dans le cas présent, nous pouvons voir sur la figure 2, entre 8 et 11 µm, la présence de silicate (MgSiO3, SiO2, et SiO), substance familière à l’homme car il s’agit de l’un des constituants principaux du sable. Ce sont ces petites particules de silicate qui constituent les nuages en haute altitude de l’atmosphère de WASP-107b.
A nouveau, les modèles traditionnels n’expliquent pas ce phénomène. Ils prédisent que de tels nuages ne peuvent se former en hautes altitudes que pour les planètes gazeuses atteignant des températures de l’ordre de 1000 degrés Celsius. Or, dans les planètes comme WASP-107b, a température basse, de tels nuages ne peuvent se former en haute altitude, mais plus profondément dans l’atmosphère, où les températures sont nettement plus élevées. En outre, les nuages de sable situés en altitude pleuvent. Alors comment ces nuages de sable peuvent-ils donc exister à haute altitude et perdurer ?

Selon Michiel Min, chercheur à l’Institut néerlandais SRON, « le fait que nous observions ces nuages de sable en altitude doit signifier que les gouttelettes de pluie de sable s’évaporent dans des couches plus profondes et très chaudes et que la vapeur de silicate qui en résulte est efficacement remontée, où elle se recondense pour former à nouveau des nuages de silicate. Ce phénomène est très similaire au cycle de la vapeur d’eau et des nuages sur notre Terre, mais avec des gouttelettes de sable. »

Nous pensons donc que ce cycle continu de sublimation et de condensation par transport vertical est responsable de la présence durable de nuages de sable en haute altitude dans l’atmosphère de WASP-107b.

Cette recherche pionnière éclaire non seulement sur le monde exotique de WASP-107b, mais repousse également les limites de notre compréhension des atmosphères exoplanétaires. Elle marque une étape importante dans l’exploration des exoplanètes, en révélant l’interaction complexe entre l’étoile et les conditions physico-chimiques à l’œuvre dans l’atmosphère de ces mondes lointains.

« Le JWST révolutionne la caractérisation des exoplanètes en fournissant des informations sans précédent à une vitesse remarquable. » Déclare Leen Decin, chercheuse à l’Institut KU Leuven. « La découverte de nuages de sable, d’eau et de dioxyde de soufre sur cette exoplanète enflée est une étape cruciale. Elle modifie notre compréhension de la formation et de l’évolution des planètes et jette un nouvel éclairage sur notre propre système solaire. »

 

TRAPPIST-1, la saga continue ! Le JWST vient de mesurer l’émission thermique de TRAPPIST-1 c, la petite soeur de TRAPPIST-1 b

À l’aide du télescope spatial James Webb, un groupe d’astronomes dirigé par le MPIA (Max Planck Institute for Astronomy), en collaboration avec une équipe du Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay, a recherché une atmosphère sur l’exoplanète rocheuse TRAPPIST-1 c. Bien que la planète soit presque identique à Vénus en termes de taille et de température, son atmosphère s’est révélée très différente. En analysant la chaleur émise par la planète, ils ont conclu qu’elle pourrait n’avoir qu’une atmosphère ténue contenant un minimum de dioxyde de carbone. Toutefois, cette mesure est également compatible avec une planète rocheuse stérile dépourvue d’une atmosphère significative. Ces travaux nous permettent de mieux comprendre comment les atmosphères des planètes rocheuses en orbite autour d’étoiles de faible masse peuvent résister aux vents stellaires puissants et au rayonnement UV intense.

Ces résultats sont publiés dans la prestigieuse revue Nature.

 

Cette article est la suite de l’article sur TRAPPIST-1 b.

 

Les étoiles de faible masse peuvent éroder les atmosphères planétaires

Figure 1 – Les mesures détaillées des propriétés physiques des sept planètes rocheuses TRAPPIST-1 (en haut – illustration d’artiste) et des quatre planètes terrestres de notre système solaire (en bas) aident les scientifiques à trouver des similitudes et des différences entre les deux familles de planètes.
Crédit: NASA/JPL

Après avoir étudié l’émission thermique de la planète TRAPPIST-1 b qui a montré qu’elle est probablement dépourvue d’atmosphère (cf. l’article sur TRAPPIST-1 b), les astronomes, en collaboration avec le CEA Paris-Saclay, ont pointé le JWST vers sa petite soeur, TRAPPIST-1 c, en utilisant la même méthode d’observation.

« Le système planétaire TRAPPIST-1, situé à proximité, est actuellement le meilleur candidat pour étudier les atmosphères des planètes rocheuses semblables à la Terre en orbite autour d’une naine rouge », explique Sebastian Zieba, chercheur en thèse à l’Institut Max Planck d’astronomie de Heidelberg, en Allemagne. Il est l’auteur principal de l’article.

Les astronomes ont pendant longtemps soupçonné TRAPPIST-1 c d’être un analogue de Vénus (cf. Figure 1). En effet, à l’instar de cette dernière, le diamètre et la masse de TRAPPIST-1 c sont proches de ceux de la Terre et le rayonnement reçu de son étoile est presque identique à celui de Vénus. Toutefois, l’étoile autour de laquelle tourne TRAPPIST-1 c est une naine rouge ultra froide. Les étoiles du même type que Trappist-1a présentent une forte activité stellaire, susceptible d’éroder l’atmosphère de leurs planètes. Néanmoins, étant plus massive que la Terre, son attraction gravitationnelle à sa surface est supérieure, ce qui devrait contribuer à la conservation de son atmosphère malgré les conditions.

« Nous voulions savoir si TRAPPIST-1 c avait échappé à ce destin et avait pu conserver une atmosphère substantielle, voire être semblable à la planète Vénus dans le système solaire », ajoute Sebastian Zieba.

La température, une mesure compliquée, même pour le JWST

Figure 2 – Cette image illustre la courbe de phase d’une planète, soit la variation de luminosité globale du système étoile-planète au cours de la révolution de la planète. Dans le cas d’une planète gravitationnellement verrouillée par les forces de marée, son côté jour, soit la face éclairée et chauffée par l’étoile, n’est visible que juste avant et après son passage derrière l’étoile (éclipse).
Crédit : ESA

TRAPPIST-1 c est gravitationnellement verrouillée par les forces de marée, c’est-à-dire qu’elle présente toujours la même face à son étoile. Il en résulte que la durée du jour est la même que celle d’une année (environ 2,42 jours terrestres) et qu’il y a deux hémisphères distincts, l’un en permanence éclairé et l’autre plongé dans une nuit éternelle. De plus, son orbite est orientée de telle sorte que, de notre point de vue, la planète passe devant son étoile à chaque révolution (cf. Figure 2). Cela permet d’observer la planète pendant un transit (passage de la planète devant son étoile) et juste avant et après une éclipse (lorsque la planète passe derrière son étoile). Cette dernière position permet d’observer le côté éclairé de la planète et donc de mesurer son émission thermique ainsi que les caractéristiques de l’atmosphère qui l’entoure.

 

Dans tous les cas, la caractérisation de l’atmosphère des planètes rocheuses de la taille de la Terre est une tâche difficile en raison de la faible luminosité de la planète par rapport à celle de l’étoile, même pour le télescope spatial James Webb (JWST). C’est pourquoi l’équipe a combiné l’observation de quatre éclipses de TRAPPIST-1 c afin d’accumuler un maximum de signal. Ils ont utilisé l’instrument MIRI dont la vision dans l’infrarouge moyen est parfaitement adaptée pour détecter l’émission thermique comme une planète. Le filtre utilisé était centré à 15 µm, correspondant à une longueur d’onde caractéristique de la bande d’absorption du CO2.

TRAPPIST-1 c pourrait avoir une fine atmosphère

Figure 3 – Ce graphique compare la luminosité mesurée de TRAPPIST-1 c aux données de luminosité simulées pour trois scénarios différents. La mesure (diamant rouge) est compatible avec une surface rocheuse nue sans atmosphère (ligne verte) ou une atmosphère très fine de dioxyde de carbone sans nuages (ligne bleue). Une atmosphère épaisse riche en dioxyde de carbone avec des nuages d’acide sulfurique, similaire à celle de Vénus (ligne jaune), est peu probable.
Crédits : NASA, ESA, CSA, Joseph Olmsted (STScI)

La pression et la composition d’une atmosphère déterminent la température d’une planète en fonction de la lumière qu’elle reçoit de son étoile. Inversement, la température détermine la quantité de lumière infrarouge émise par la planète. Ainsi, les mesures infrarouges combinées à des modèles atmosphériques fournissent des indices sur l’atmosphère et sa composition.

Contrairement aux attentes des astronomes, les températures n’atteignent “que” 110 °C, soit 390 °C de moins que sur Vénus. La lumière infrarouge émise par TRAPPIST-1 c ne correspond pas à une atmosphère vénusienne, riche en dioxyde de carbone provoquant un fort effet de serre (cf. Figure 3).

« Nous pouvons définitivement exclure une atmosphère épaisse et semblable à celle de Vénus », déclare Laura Kreidberg, responsable scientifique du programme d’observation du JWST, coauteure et directrice du MPIA.

TRAPPIST-1 c possède-t-elle au moins une fine enveloppe gazeuse ? Pour explorer cette possibilité, les scientifiques ont calculé la probabilité statistique qu’un ensemble de paramètres atmosphériques corresponde aux observations. Ce modèle atmosphérique comprend une gamme de pressions de surface et des mélanges d’une atmosphère dominée par l’oxygène (O2) avec des traces variables de dioxyde de carbone (CO2). En effet, les astronomes pensent que les planètes comme TRAPPIST-1 c devaient posséder une atmosphère contenant du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau au début de leur évolution. Au fil du temps, le rayonnement stellaire décompose les molécules d’eau en hydrogène et en oxygène. Alors que l’hydrogène, très volatil, s’échappe progressivement dans l’espace, les molécules d’oxygène, plus lourdes, subsistent, ce qui donne une atmosphère riche en oxygène avec des traces de dioxyde de carbone.

Bien que ces premières mesures ne fournissent pas d’informations définitives sur la nature de TRAPPIST-1 c, elles permettent de limiter les possibilités.

« Nos résultats sont cohérents avec le fait que la planète soit un rocher nu sans atmosphère, ou qu’elle ait une atmosphère de CO2 très fine (plus fine que celle de la Terre ou même de Mars) sans nuages », a déclaré S. Zieba. « Si la planète avait une atmosphère de CO2 épaisse, nous aurions observé une éclipse secondaire très peu profonde, voire aucune. En effet, le CO2 aurait absorbé toute la lumière de 15 microns, de sorte que nous n’en aurions détecté aucune en provenance de la planète. »

Ce résultat ouvre certaines perspectives car les étoiles froides ont une durée de vie de l’ordre de 10 milliards d’année et une jeunesse particulièrement active, et pour le moment on ne sait pas si des petites planètes autour de telles étoiles peuvent garder une atmosphère pendant plusieurs milliards d’années (~7 milliards pour TRAPPIST-1).

« Ce résultat est vraiment très intéressant, dans le cas de TRAPPIST-1 b, la température mesurée à 15 microns était en accord avec une planète dénuée d’atmosphère (Greene et al. 2023), mais là avec TRAPPIST-1 c, la mesure nous laisse espérer la présence d’une fine atmosphère composée d’un mélange d’oxygène et de carbone », se réjouit Elsa Ducrot, chercheuse au CEA Paris-Saclay, troisième auteure de l’article.

Prochaines étapes

Les signaux mesurés dans cette étude sont faibles et de nombreuses propriétés sont encore inconnues, ce qui entraîne des incertitudes.

« Les observations d’atmosphères minces de planètes rocheuses poussent le JWST à ses limites », admet Kreidberg

D’autres observations du JWST sont donc nécessaires pour distinguer une planète rocheuse stérile d’une planète dotée d’une atmosphère ténue. En mesurant la lumière émise par TRAPPIST-1 c dans une large gamme de longueurs d’onde, les astronomes peuvent détecter de petites signatures d’absorption des gaz présents dans l’atmosphère.

« Nous avons obtenu du temps d’observation sur le JWST pour mesurer la courbe de phase combinée de TRAPPIST-1 b et c. Cela devrait nous permettre d’identifier de manière plus définitive si l’une des deux planètes (ou les deux !) possède une atmosphère », précise Elsa Ducrot.

En effet, De plus, une atmosphère
substantielle, quelle que soit sa composition, redistribue la chaleur du
côté jour vers le côté nuit, ce qui fait que la température du côté
jour est plus basse qu’elle ne le serait sans atmosphère (cf. Figure 4).

JWST