En Orbite !

En orbite !

Ça y est ! Dans les prochains jours, les personnes importantes de la NASA ne manqueront pas de célébrer cet immense succès. Ce soir à 20h05 (UTC+1, heure en France) le JWST est arrivé sur son orbite autour de L2, 30 jours après son lancement (un jour de retard pour des raisons sans grande importance !).

Comme tous les internautes, le Centre d’Expertise Français a suivi minute après minute le déroulement des opérations, avec des sentiments mêlés, d’excitation, d’inquiétude, de joie et de crainte, qui ponctuaient la fin de l’Odyssée du JWST vers son point de stationnement. Sans oublier les extraordinaires prouesses techniques qui ont conduit au déploiement d’un origami au cours de ce voyage qui va révolutionner la Science.

Nous avons suivi l’évolution de la vitesse, nous avons vécu et sursauté aux soubresauts des courbes qui illustraient les premières opérations MCC2. Nous avons vu la distance vers L2 qui se réduisait au fil des minutes, mais nous étions inquiets parce que la vitesse ne baissait pas. Le JWST devait arriver sur son orbite avec une vitesse de 100 m/s, alors qu’il y est arrivé à une vitesse double. Les ingénieurs de la NASA nous expliqueront prochainement pourquoi, mais cela n’a plus d’importance.

Le JWST est enfin arrivé à son point de stationnement. C’est une manière de dire puisqu’il ne restera pas dans une position vraiment fixe, comme cela a été plusieurs fois expliqué dans les pages de notre site, puisqu’il se déplacera sur une orbite très large autour de L2.

Les dernières opérations pour planifier et exécuter les procédures MCC2 qui se sont terminées par l’insertion du JWST dans son orbite autour de L2 se sont déroulées sans aucune difficulté, mais ont été un peu plus lentes que ce qui avait été planifié. Cela ne remet aucunement en cause la totale réussite de cette mise en orbite, après un lancement absolument parfait sur tous les points.

L’énergie nécessaire pour placer le JWST en orbite L2 a été fournie principalement par la fusée Ariane 5. Après la libération de l’observatoire de la fusée, plusieurs petits ajustements à la trajectoire ont été exécutés (propulseurs allumés pour effectuer des  corrections de mi-parcours – MCC), pour faciliter l’observatoire dans son orbite de fonctionnement. Le MCC2 était la dernière étape requise pour affiner l’orbite du halo dans lequel désormais va se déplacer le JWST.

L’illustration ci-dessous montre une vue conceptuelle de la trajectoire du JWST et de l’orbite du halo. L’observatoire s’est élancé du côté de la terre face au soleil et a parcouru une trajectoire légèrement incurvée pour, après un voyage de 1,609,344 km, entrer dans son orbite de halo L2. Une orbite de halo est une orbite qui plutôt que de suivre un seul chemin, varie périodiquement à travers une série de chemins.

Le cadre Terre/L2 orbite autour du Soleil tandis que le JWST orbitera autour de L2 (voir l’animation ci-dessous). Remarquez surtout l’orientation du télescope : le pare-soleil est perpendiculaire au Soleil, de sorte que les miroirs et les instruments de l’observatoire sont dans l’obscurité complète et froide.

Les caractéristiques de l’orbite du JWST autour de L2 ont suscité nombre de questions de la part de nos internautes. En particulier Yves (voir les discussions sur le site), qui s’est penché avec sapience et assiduité sur la question, et que je tiens à remercier.

Pour autant, je me sens le devoir de clarifier certains points. Je ne prétends pas répondre à toutes les questions. J’ai pourtant essayé de mettre à jour cette page. Que ceux que cela intéresse la consultent.

Tout d’abord, pourquoi cette orbite est-elle si large ? Pourquoi cette inclinaison par rapport à l’axe Soleil-L2 ?

C’est Newton qui nous le dit : un corps céleste en orbite perpendiculaire à la ligne Soleil-Terre, retombera immanquablement sur le centre de gravité des deux corps en mouvement. S’il tombe vers ou loin de la Terre le seul moyen de le ramener serait de lui faire faire volte-face et de le repousser, mais dans le cas du JWST cela réchaufferait les parties qui doivent rester froides, et tuerait tout le programme. Une approche plus sûre est de placer le JWST presque mais pas tout à fait à L2. Quand il aurait des velléités de retomber vers la Terre, un petit propulseur pourrait le repousser presque mais pas tout à fait sur L2.

Mais même juste à côté de L2 un nouveau problème se présente. A cette distance, le Soleil produit en permanence une éclipse annulaire sur la Terre. Le JWST est alimenté en énergie par le Soleil. Une autre complication vient du fait que les forces de Coriolis tendent à libérer l’observatoire des forces qui doivent le maintenir en orbite autour de L2. En d’autres termes, le JWST se retrouverait enfermé dans une petite orbite autour de L2, ce qui, pour l’y maintenir, nécessiterait une utilisation accrue des propulseurs.

L’attraction gravitationnelle de la Lune sur le JWST est aussi à prendre en compte. Elle varie lors de son orbite autour de la Terre. Il est facile de comprendre que toutes ces complications peuvent être minimisées en choisissant une orbite très large autour de L2.

Cela rend les choses plus faciles : plus un corps est loin du foyer de son orbite, plus il se déplace lentement, et moins d’énergie est requise pour le manœuvrer. De plus une orbite large signifie aussi que le JWST ne dérivera jamais dans l’ombre de la Terre et de la Lune. Pourtant, de larges orbites peuvent permettre à la lumière directe de la Terre et de la Lune d’outre-passer le pare-soleil et d’atteindre les miroirs primaires et secondaires. En outre, une aussi grande orbite réduit le nombre de possibilités de communication avec la Terre. C’est pourquoi le JWST devra changer son orientation pour éviter que cette lumière directe touche les miroirs. Les communications seront agencées en conséquence.

Considérons les forces auxquelles le JWST est soumis :

Plaçons l’observatoire en L2 : les forces gravitationnelles du Soleil et de la Terre vont se conjuguer.

Au cours de son orbite autour du Soleil, une force centrifuge va le pousser dans la direction opposée : Fc  = Fʘ + F

(rappelons que dans le langage « astronomique », ʘ désigne le soleil et désigne la Terre).

Ceci étant dit, il a été écrit maintes fois que cette force centrifuge n’existe pas, et de fait, c’est d’un certain point une affirmation tout à fait correcte ! Mais nous parlons ici d’une force de rotation en oubliant le cadre non inertiel. Les forces centrifuges sont donc une source utile pour résumer tous les effets qui s’appliquent.

Nul besoin d’invoquer les effets gravitationnels de la Lune, pour nous concentrer sur les questions essentielles, dans leur simplicité. Dans la discussion qui suit, il est essentiel de garder en tête le schéma suivant.

Plaçons maintenant le JWST à quelque distance de L2. La force gravitionnelle du Soleil varie très faiblement mais pas trop, parce qu’il est à 150 millions de kilomètres. Mais la Terre est à 1% de cette distance et donc la force qu’elle exerce change considérablement au cours du temps. Selon la distance, cette force est plus ou moins faible ou plus forte. Le point essentiel, ici, c’est que cette force n’est plus parallèle à la direction vers le Soleil !

Décomposons cette force Fdans la direction X vers le Soleil, et Y, perpendiculaire à la direction de L2. On voit alors le problème ! la force centrifuge est dans la direction X, et elle est de fait supérieure à la somme Fʘ + FꚚ,X et donc selon toute logique le JWST devra dériver à la fois en dessous de son orbite, mais aussi beaucoup plus loin que L2.

Il faut donc corriger cette dérive dans les 2 directions X et Y. D’abord, on rapproche le JWST un peu de la Terre, ce qui le situe en un nouveau point (L2’ dans notre schéma), proche de L2 dans la direction vers la Terre. La force de gravité devient alors plus grande et sa composante X aide à équilibrer la force centrifuge. Mais la composante Y est aussi devenue plus importante, et donc le JWST va vouloir « descendre » (sur notre schéma). Mais plus il se rapproche de la ligne Soleil-Terre, plus la force gravitationnelle de la Terre s’accroit, et donc plus l’observatoire se rapproche de la Terre. Ce n’est pas un scénario satisfaisant ! Ne serait-ce que parce que le bouclier thermique ne pourrait plus supporter l’augmentation de chaleur.

Cependant, il est possible de contrer cette force descendante en lui donnant une poussée latérale. Cela crée une nouvelle force centrifuge qui équilibre celle de la gravité de la Terre.

Si l’on regarde le schéma, cela se résume à :

Fc-halo = Fʘ + F,Y

Ce qui veut dire que, en combinaison avec le mouvement latéral, le JWST doit prendre un nouveau halo circulaire autour de L2’. Il est simplement tiré par la composante Y de la force gravitationnelle de la Terre.

Ceci est bien évidemment une discussion extrêmement simpliste. Dans le monde réel, surgissent immanquablement quelques complications. Il nous faut les prendre en compte !

Le JWST n’a pas été lancé vraiment vers L2. A la fin de sa trajectoire initiale, lorsqu’il était au point de « tomber » (pour reprendre les images de la trajectoire largement diffusées sur la toile), les manœuvres MCC2 lui ont permis de rejoindre son orbite nominale. Comme une partie de cette « chute » initiale était dirigée vers la direction X (vers la Terre), les propulseurs l’ont placé sur son orbite, mais cette poussée a incliné l’orbite d’environ 33 degrés. C’est pourquoi l’orbite n’est pas perpendiculaire à la direction L2-Soleil.

Le LWST complètera une orbite en environ 6 mois. Bien qu’il s’envolera parfois un peu au-delà de ce point, le centre géométrique de son orbite sera toujours centré sur le point L2’ du côté de la Terre. Il faut se souvenir de l’image de L2 comme une selle de cheval : il ne faut pas que la balle soit juste au milieu de la selle.

Son pare-soleil sera toujours soumis un couple de pression dû au rayonnement solaire. Cette force de rotation sera contrée en faisant tourner les roues de réaction dont il est équippé. Mais la pression de rayonnement solaire est implacable, donc ces roues de réaction devront augmenter leur rotation au fil du temps. Au bout du compte, l’emploi des propulseurs sera nécessaire pour remettre le JWST en place et laisser les roues ralentir.
N’oublions pas non plus que le JWST changera d’orientation en pointant d’une position à l’autre. Tous ces mouvements perturbent l’orbite de façon même légère, mais qui nécessiteront régulièrement la mise en fonction des propulseurs pour maintenir la station sur son orbite.

C’est pourquoi le JWST sera soumis à de fréquentes manœuvres qui seront exécutées de temps à autre par les propulseurs pour maintenir son orbite. Notons que le satellite Gaia est soumis à 3 – 4 rectifications d’orbite par an, alors qu’une telle manœuvre pour le JWST est prévue en moyenne tous les 21 jours.