Première image de MIRI avec les autres instruments

Il y a quelques jours MIRI, l’instrument à forte connotation française obtenait les premières images du ciel dans la gamme de longueurs d’onde correspondant à l’infrarouge thermique. Elles sont époustouflantes, surtout compte tenu du fait que l’alignement optique fin n’est pas encore terminé et que les calibrations ne sont pas encore réalisées. La NASA vient de publier à travers son blog tous les tenants et aboutissements de cette fantastique réussite. https://blogs.nasa.gov/webb/

Le Centre d’Expertise MICE, moteur de notre site, était non seulement présent sur place mais participant essentiel de ces premières observations. Plusieurs de ses membres étaient en effet dans la salle du MOC (Mission Operations Center) à Baltimore lorsque ces premières images ont été acquises.

C’est pourquoi, il nous a semblé beaucoup plus intéressant de publier leurs réactions, plutôt que de traduire un communiqué de la NASA. C’est aussi une manière de souligner l’importance de la participation française dans cette aventure extraordinaire.

Il reste que tous les instruments scientifiques embarqués à bord du JWST sont maintenant totalement opérationnels, ce qui est non seulement un succès phénoménal, mais aussi l’annonce d’observations à venir qui vont certainement révolutionner l’astrophysique.

 

Voici le résumé de cette journée historique pour tous ceux qui ont œuvré à faire de MIRI l’instrument dont nous apprécions maintenant les prouesses, tel que raconté par Christophe Cossou, membre de MICE qui était à la console du MOC.

 

« C'est l'une des expériences les plus incroyables de ma vie. Après des années de préparation, après des semaines de travail suite au lancement, il y a un sentiment de devoir accompli même s'il reste tant à faire. Ce shift était incroyable. La tension qui devient palpable, l'attente des gens. Plusieurs personnes viennent me voir et demandent à être prévenu quand on aura les premières images. La personne à coté de moi a un masque anti covid avec marqué dessus d'un coté "le cooler est stable" et de l'autre "MIRI CCC va bientôt s'ouvrir". On se prépare, on vérifie les valeurs, on valide et on commande l'ouverture du CCC, le couvercle qui sépare MIRI du reste de l'univers. Ça y est, MIRI peut voir le ciel. Des gens demandent "vous observez là?" Oui, on observe, on voit progresser l'acquisition, lentement, trop lentement. Encore 36 minutes et on aura fini la première image, avec cette épée de damoclès au dessus de nos têtes, est-ce qu'il va y avoir un soucis? Comment vont être les images? Ça y est, l'observation est terminée, maintenant il faut attendre qu'elle soit envoyée au sol, puis traitée. Attente insoutenable. Les gens repassent, pour être sûr de ne rien manquer. Pour pimenter les choses, compétition entre nous pour savoir qui sera le premier à récupérer les données. Rien à gagner, juste ce coté enfantin qui se rajoute à l'aspect hautement technique et factuel de notre mission. Mais on est trop impatients, on ne peut pas attendre les données réduites que déjà on regarde les données brutes, normalement assez peu parlantes. C'est comme regarder un négatif parce qu'on n'a pas la patience d'attendre la fin du développement. Les images sont déjà prometteuses, et puis la sentence arrive, on a enfin les toutes premières données. Et puis tout se précipite et je perds la notion du temps. On regarde les images et elles sont incroyables. On voit les PSFs, on dirait des simulations. On remarque quelque chose dans le coin en haut à droite, peut-être une nébuleuse, peut-être un artefact dans l'image dû au fait qu'on est encore au tout début de la Recette en Vol (Commissioning) et on n'a pas encore tous les fichiers de calibration. Le responsable de l'instrument me dit dans notre communication interne que je peux proposer aux autres consoles de regarder les images. Ce à quoi je lui réponds: Pas besoin, ils sont déjà tous derrière moi. Les rires éclatent dans la salle car ils n'ont pas entendu ce qu'on m'a dit, mais ils ont très bien compris vu ce que j'ai répondu. Attirés par la lumière, ils sont tous venus voir la première image de MIRI. La salle et moi-même perdons un peu de notre concentration dans ce moment d'euphorie. Ce n'est qu'à la 3e fois que j'entends l'invitation dans l'oreillette à venir dans la salle principale avec mon ordinateur pour projeter la première image de MIRI sur le grand écran. Et ensuite je me retrouve avec le micro principal pour parler à tout le monde et décrire l'image. Je peine à trouver mes mots, je regarde encore. Ça fait déjà 10 minutes que je n'arrive pas à détourner les yeux de l'image de source ponctuelle qui est d'une extrême qualité alors que c'est une toute première image non encore complètement calibrée. Et puis la fin du shift arrive, je reste encore et on compare les images. L'artefact remarqué initialement bouge sur les différentes observations, preuve que c'est bien quelque chose du ciel et non un défaut du détecteur. Petit à petit, je range mes affaires, on explique à la relève les activités pour le prochain shift et je me dirige vers la sortie. Je laisse un message à ma compagne que je n'ai pas vue depuis plus d'un mois pour lui raconter brièvement ce qu'il vient de se passer, elle le verra le lendemain à son réveil. Et j'écris ensuite ces lignes avant de me coucher, afin d'avoir une trace, de ne pas prendre le risque de voir tout cela altéré par ma mémoire fuyante. Je veux me souvenir des moindres détails de cet instant pour le restant de mes jours. »
Designer

Pour plus d’information, voire le site dédié du CEA , avec une vidéo instructive.

L’image suivante illustre magistralement l’avancée du JWST en terme de résolution angulaire. Nul besoin de légende, les images parlent d’elles-même..

 

Crédit NASA/ Andras Gaspar,  Université d’Arizona