L’atmosphère d’une exoplanète révélée par le JWST (WASP39-b)

Le télescope spatial James Webb de la NASA/ESA/CSA a réalisé un nouveau portrait avec une précision inégalée de l’atmosphère de l’exoplanète WASP-39b, une “Saturne chaude” située à quelque 700 années-lumière. Les nouvelles observations sont si précises que les données fournissent même des signes de chimie active et de nuages, ajoutant le dioxyde de Sulfure au palmarès des gaz détectés dans l’atmosphère de la géante gazeuse.

Des télescopes au sol ainsi que spatiaux, tel que les télescopes Hubble et Spitzer, avaient unis leurs performances afin d’obtenir le spectre le plus complet de l’atmosphère possible avec la technologie de l’époque. De la vapeur d’eau (H20), du monoxyde de carbone (CO), du sodium (Na) et du potassium (K) ont ainsi pu être révélés (voir ici pour plus d’informations.)

Spectre obtenu grâce aux télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. La ligne bleue représente le modèle atmosphérique qui ajuste au mieux les données – Crédit : NASA, ESA, G. Bacon and A. Feild (STScI), and H. Wakeford (STScI/Univ. of Exeter)

Avec l’arrivée de JWST, cette étude est rentrée dans une toute nouvelle ère, avec des observations dépassant considérablement les précédents relevés.

WASP-39b était l’une des premières cibles de l’observatoire spatiale. Observé par le puissant spectrographe NIRSpec, le dioxyde de carbone (C02) avait été détecté pour la première fois de manière sans équivoque dans l’atmosphère de la planète gazeuse (voir ici).

Récemment, le JWST a déployé ses autres instruments proche infrarouge permettant d’ajouter le dioxyde de soufre (S02) au palmarès des gaz détectés. Ce composé soufré serait produit dans l’atmosphère grâce à la photochimie, phénomène qui n’avait jusqu’à présent jamais été observé dans une exoplanète. 

Les spectres obtenus par les trois instruments proche infrarouge à bord du JWST, NIRSpec, NIRCam et NIRISS, informent les scientifiques sur la composition chimique de l’atmosphère de la géante gazeuse WASP-39 b – Crédit : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI).

En haut à gauche, sur l’image ci-dessus, les données de NIRISS montrent les empreintes du potassium (K), de l’eau (H2O) et du monoxyde de carbone (CO). En haut à droite, les données de NIRCam montrent une signature d’eau importante. En bas à gauche, les données de NIRSpec indiquent la présence d’eau, de dioxyde de soufre (SO2), de dioxyde de carbone (CO2) et de monoxyde de carbone (CO). En bas à droite, des données supplémentaires de NIRSpec révèlent toutes ces molécules ainsi que du sodium (Na). La ligne bleue représente le modèle atmosphérique qui ajuste au mieux les données, informant sur la quantité des éléments chimiques détectées dans l’atmosphère.

« Le JWST nous permet de confirmer la présence de la vapeur d’eau, de sodium et potassium dans l’atmosphère de WASP39b avec une précision remarquable. Ces nouvelles données nous ont aussi permis de confirmer sans ambiguïté la présence du CO2, précédemment suggérée par nos modèles et des données des télescopes Hubble et Spitzer en 2018; mais aussi de détecter la présence du dioxyde de soufre, inattendue, démontrant pour la première fois que des phénomènes de photochimie sont à l’œuvre dans l’atmosphère d’une exoplanète. Ces résultats ouvrent la voie pour la détection future avec JWST d’autres molécules dans l’atmosphère des exoplanètes. »

affirme Pascal Tremblin, chercheur au CEA/Université Paris, auteur du code ATMO qui modélise les atmosphères des géantes gazeuses.

Le fait de disposer d’une liste aussi complète d’ingrédients chimiques dans l’atmosphère d’une exoplanète permet aux scientifiques d’avoir un aperçu de l’abondance des différents éléments les uns par rapport aux autres, comme les rapports carbone/oxygène ou potassium/oxygène. Cela permet de comprendre comment cette planète – et peut-être d’autres – s’est formée à partir du disque de gaz et de poussière entourant l’étoile hôte lors de sa formation.

Ces résultats ont enthousiasmé la communauté scientifique des exoplanètes car en plus d’informer quant à la composition d’une atmosphère d’une exoplanète, les données fournissent même des signes de chimie active et de nuages.

« Webb fonctionne à merveille et donne déjà des résultats super intéressants ; si le CO2 dans l’atmosphère de WASP39b était bien prédit, par exemple par le code ATMO, l’observation du SO2 a été une surprise et a nécessité le développement de modèles prenant en compte la photochimie. Je suis convaincu que Webb va aussi apporter son lot de surprises lors de l’observation de planètes rocheuses et je suis très impatient d’avoir les premières données sur Trappist1 b ! » s’enthousiasme Pierre-Olivier Lagage, astrophysicien au CEA, directeur du département d’Astrophysique au CEA/Irfu.