MIRI : SA DESCENTE ACCELEREE VERS LE GRAND FROID ! (actualité à jour jusqu’au 19 avril 2022)

La température est essentiellement une mesure de la vitesse à laquelle les atomes se déplacent, et en plus de détecter leur propre lumière infrarouge, les détecteurs du JWST peuvent réagir à leurs propres vibrations thermiques. MIRI détecte la lumière dans une plage d’énergie inférieure à celle des trois autres instruments. Par conséquent, ses détecteurs sont encore plus sensibles aux vibrations thermiques. Ces signaux indésirables sont ce que les astronomes appellent le « bruit », qui peuvent rendre invisibles les faibles signaux que le JWST essaie de détecter.

Nous avons déjà vu qu’après le lancement, l’observatoire a déplié un pare-soleil de la taille d’un court de tennis pour bloquer MIRI et les autres instruments de la chaleur du soleil, leur permettant de se refroidir passivement. Il était prévu qu’environ 77 jours après le lancement, le Cryo refroidisseur de MIRI devait entrer en fonction pour faire baisser la température des détecteurs à moins de 7 kelvins (- 266 °C). Cette phase vient de démarrer et devrait durer environ 19 jours.

Courbes reproduisant les calculs théoriques de prédiction de l’évolution des températures, à comparer avec le graphique des températures mesurées, mis à jour quotidiennement par nos soins sur la page d’accueil du site (et partiellement reproduit sur l’image suivante). Crédit: NASA, JPL

“Il est relativement facile de refroidir quelque chose à cette température sur Terre, généralement pour des applications scientifiques ou industrielles, mais ces systèmes terrestres sont très volumineux et inefficaces sur le plan énergétique. Pour un observatoire spatial, nous avons besoin d’un refroidisseur qui est physiquement compact, très éco-énergétique, et il doit être très fiable parce que nous ne pouvons pas aller le réparer. Voilà donc les défis que nous avons dû relever, et à cet égard, je dirais que le cryo refroidisseur de MIRI est certainement à la fine pointe de la technologie” a déclaré Konstantin Penanen, spécialiste des cryo refroidisseurs au Jet Propulsion Laboratory de la NASA (JPL, Pasadena, dans le sud de la Californie), qui gère l’instrument MIRI pour la NASA.

Le cryo refroidisseur de MIRI utilise de l’hélium gazeux – suffisamment pour remplir environ neuf ballons de foire. Deux compresseurs à alimentation électrique pompent l’hélium à travers un tube qui s’étend jusqu’à l’emplacement des détecteurs. Le tube passe à travers un bloc de métal qui est également attaché aux détecteurs; l’hélium refroidi absorbe l’excès de chaleur du bloc de métal, qui à son tour maintient les détecteurs à leur température de fonctionnement en dessous de 7 kelvins. Le gaz réchauffé (mais encore assez froid) retourne ensuite dans les compresseurs, où il décharge l’excès de chaleur, et le cycle recommence. Fondamentalement, le système est similaire à ceux utilisés dans les réfrigérateurs et les climatiseurs domestiques.

L’ensemble compresseur de cryorefroidissement. Cette photo montre le cryorefroidisseur de vol installé « à l’envers » dans une chambre à vide pour essai, avant qu’elle ne soit fermée. Image : NASA/JPL-Caltech

Le tube qui transporte l’hélium est fait d’acier inoxydable doré et mesure moins de 2,5 millimètres de diamètre. Il s’étend sur environ 10 mètres à partir des compresseurs, situés dans une région appelée le bus de vaisseau spatial, jusqu’aux détecteurs de MIRI, situés dans l’élément de télescope optique (OTE), derrière le miroir primaire du télescope. La tour déployable, ou ATD, relie ces deux régions (voir l’actualité du 30 décembre 2021).

Pour mémoire, rappelons qu’en regardant à travers des nuages de poussière encore plus épais que les instruments qui observent dans l’infrarouge proche peuvent traverser, MIRI révélera les lieux de naissance des étoiles. Il détectera également les molécules qui sont communes sur Terre – comme l’eau, le dioxyde de carbone et le méthane, et celles des minéraux rocheux comme les silicates – dans des environnements froids autour des étoiles voisines, où des planètes peuvent se former. Les instruments dans le proche infrarouge détectent mieux ces molécules sous forme de vapeur dans des environnements beaucoup plus chauds, tandis que MIRI peut les voir sous forme de glaces.

D’autre part, l’un des grands objectifs scientifiques du JWST sera d’étudier les propriétés de la première génération d’étoiles qui se sont formées dans l’univers. La caméra infrarouge proche, l’instrument de NIRCam, sera en mesure de détecter ces objets extrêmement éloignés, mais ce sera le rôle de MIRI d’aider les scientifiques à confirmer que ces faibles sources de lumière sont des amas d’étoiles de première génération, plutôt que des étoiles de seconde génération qui se forment plus tard lors de l’évolution de la galaxie à laquelle elles appartiennent.



Température des instruments mise à jour le 19 avril 2022 à 10 h. La température de fonctionnement optimal de MIRI est au niveau attendu et maintenant stable.  Un très léger retard par rapport à la planification, de légers ajustements ayant été rendus nécessaires, pour s’assurer du bon fonctionnement de tous les systèmes, et les premières images (pour calibrations) sont attendues sous peu. Il reste que c’est une réussite fantastique qui nous laisse augurer du meilleur.

Les instruments qui observeront dans l’infrarouge proche (NIRCam, NIRSpec, FGS-NIRISS) avaient déjà atteint leur cible de 34 à 39 kelvins en se refroidissant passivement depuis plusieurs semaines. MIRI est équipé de détecteurs qui doivent être à une température de moins de 7 kelvins pour pouvoir détecter des photons de longueur d’onde plus longue. Il n’était pas possible d’atteindre cette température par des moyens passifs seuls, d’où la nécessité d’un  cryorefroidisseur innovant décrit plus haut. A noter que pour gérer le processus de refroidissement, MIRI disposait également de “radiateurs” à bord, afin de protéger ses composants sensibles contre le risque de formation de glace.

Attention, bien que le nom puisse porter à confusion, il s’agit de dissipateurs de rayonnement thermique. En fait des “Radiateurs à l’envers” (Françoise Plenat). Ces systèmes ont parfaitement fonctionné, et ces “radiateurs” ont été complètement éteints le 6 avril, pour amener l’instrument à sa température de fonctionnement de moins de 7 kelvins (-266 degrés Celsius). Tout s’est déroulé parfaitement, et les premières images du Ciel vu à travers MIRI ne devraient pas tarder à arriver.