Première observation dans l’infrarouge moyen de Pluton et Charon grâce au Télescope Spatial James Webb

 

Dans deux articles publiés en avril 2025 dans la revue Astronomy & Astrophysics puis en juin 2025 dans Nature Astronomy, une équipe internationale, dirigée par des chercheurs du CNRS (LIRA, GSMA), de l’Observatoire de Paris et de l’Université de Reims Champagne Ardenne, présente les premières observations de Pluton et de son principal satellite, Charon. Ces observations ont été réalisées à l’aide du télescope spatial James Webb et de son instrument MIRI, opérant dans le moyen infrarouge, une gamme spectrale jusqu’alors inexplorée pour le système Pluton-Charon en raison de la sensibilité insuffisante des instruments précédents.

 

Il a ainsi été possible de mesurer pour la première fois, l’émission thermique infrarouge de Pluton et de Charon (à 15, 18, 21 et 25 micromètres), et d’obtenir un spectre de très haute qualité dans l’infrarouge moyen (de 4,9 à 27 micromètres) de Pluton et de son atmosphère. Les données recueillies révèlent des variations significatives du flux thermique, mettant en lumière les propriétés de surface des deux corps et la forte émission thermique de la brume de Pluton. Ces observations confirment que la brume joue un rôle central dans la régulation du climat de Pluton, de manière similaire à l’atmosphère de Titan. Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives sur les processus atmosphériques et l’origine des glaces à la surface de Pluton, apportant des éléments essentiels pour comprendre la formation et l’évolution de ces corps glacés au sein de la ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune.

 

Le système de Pluton

Figure 1 – Photographies de la surface (à gauche) et de l’atmosphère (à droite) de la planète naine Pluton, capturées par la sonde New Horizons de la NASA lors de son survol le 14 juillet 2015.
La surface de Pluton est complexe et reste géologiquement active. Son atmosphère est ténue, variable dans le temps, chimiquement riche et caractérisée par une brume étendue, similaire à celle de la haute atmosphère de Titan.
Crédits : New Horizons/NASA

Découverte en 1930 par l’astronome américain Clyde Tombaugh, Pluton est la première planète naine par son volume, avec un diamètre de 2 372 kilomètres. Située dans la ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune, la dernière planète de notre système solaire, Pluton possède cinq lunes, dont Charon, la plus grande, mesurant 1 200 kilomètres de diamètre.

 

Observé pendant plusieurs décennies par les grands télescopes terrestres et spatiaux, le système plutonien a été exploré de près par la sonde New Horizons de la NASA. Lors de son survol historique du 14 juillet 2015, la sonde est passée à seulement 11 095 kilomètres de Plu-ton, révélant un monde aux paysages surprenants (cf. Figure 1).

 

Pluton présente une géologie encore active, façonnant une topographie complexe composée de bassins, de montagnes, de vallées et même de glaciers d’azote (N2) et de méthane (CH4). Son atmosphère, bien que ténue, est chimiquement riche et contient des composés volatils tels que l’azote, le méthane et le monoxyde de carbone (CO), accompagnés d’une brume étendue. Cette brume se forme par la photochimie couplée de l’azote et du méthane, un processus similaire à celui observé sur Titan, la plus grande lune de Saturne.

Figure 2 – Photographie de Charon, lune principale de Pluton, capturée par la sonde New Horizons de la NASA lors de son survol le 14 juillet 2015.
Le pôle nord de Charon apparaît sombre en raison de la présence de suies organiques. Ces dépôts proviennent de la capture et de la transformation chimique des molécules de méthane (CH4) échappées de l’atmosphère de Pluton.
Crédits : New Horizons/NASA

En comparaison, Charon, dépourvu d’atmosphère, présente une surface plus uniforme, principalement composée de glace d’eau mélangée à des composés à base d’ammoniac (cf. Figure 2). Ses régions polaires sont recouvertes d’une couche de suie organique, leur conférant une apparence plus sombre et rougeâtre que le reste de la surface. Cette suie provient de la capture et de la transformation chimique de molécules de méthane (CH4) échappées de l’atmosphère de Pluton.

Ces découvertes ont soulevé de nouvelles questions fondamentales concernant l’évolution du climat de Pluton, la chimie et le bilan énergétique de son atmosphère, ainsi que les propriétés thermiques et compositionnelles des surfaces de Pluton et de Charon.

Observations du système Pluton-Charon par le Télescope Spatial James Webb

Afin d’acquérir de nouvelles données sur la composition gazeuse et la brume de l’atmosphère de Pluton, les chercheurs ont orienté le Télescope Spatial James Webb (JWST) vers le système Pluton-Charon. Ils ont utilisé l’instrument MIRI, qui présente l’avantage significatif de capturer des spectres et de réaliser des mesures photométriques dans l’infrarouge moyen, une gamme spectrale jusqu’alors inexplorée pour Pluton.

 

Les mesures photométriques, obtenues à l’aide de l’imageur MIRI (appelé MIRIm), fournissent des courbes de lumière thermique distinctes pour Pluton et Charon dans quatre longueurs d’onde caractéristiques : 15, 18, 21 et 25 micromètres. Ces données permettent de déterminer les propriétés thermiques et énergétiques de leur surface.

 

Quant aux mesures spectrales, acquises avec le spectromètre à moyenne résolution (MRS) dans la bande de 5 à 28 micromètres, elles apportent de nouvelles informations sur la composition de l’atmosphère de Pluton.

Résultats des mesures photométriques

Des interactions surface-atmosphère complexes au sein du couple Pluton-Charon

Figure 3 – Variation de l’émission thermique de la surface et de l’atmosphère de Pluton au cours de sa rotation.
Les points noirs représentent les mesures photométriques MIRI/JWST prises au cours de la rotation de Pluton, aux longueurs d’onde de 15, 18, 21 et 25 micromètres (de gauche à droite), avec des barres d’erreur à 1σ. En rouge est illustré l’ajustement obtenu avec le meilleur modèle, qui prend en compte à la fois la surface et l’atmosphère de Pluton. À 15 micromètres, le flux total est présenté, incluant les contributions de la lumière solaire réfléchie par la surface ainsi que l’émission thermique de la surface et de l’atmosphère (gaz et brume).
Crédits : Bertrand et al. 2025 Nature Astronomy

Les courbes de lumière mesurées par MIRIm révèlent des variations du flux thermique émis par Pluton et Charon durant leur rotation (cf. Figure 3). Ces variations sont sensibles aux propriétés de surface des différents terrains, tels que la glace de méthane, la glace d’eau et les dépôts sombres. En comparant ces observations à des modèles thermiques, les chercheurs ont pu établir des contraintes significatives sur l’inertie thermique, l’émissivité et la température des différentes régions de Pluton et Charon.

Figure 4 – Variation de l’émission thermique de la surface et de l’atmosphère de Charon au cours de sa rotation.
Les points noirs représentent les mesures photométriques MIRI/JWST prises au cours de la rotation de Pluton, aux longueurs d’onde de 15, 18, 21 et 25 micromètres (de gauche à droite), avec des barres d’erreur à 1σ. En rouge est illustré l’ajustement obtenu avec le meilleur modèle thermophysique de la surface.
Crédits : Bertrand et al. 2025 Nature Astronomy

Sur Pluton, ces propriétés jouent un rôle crucial dans les cycles diurnes et saisonniers de redistribution des glaces volatiles. Tandis que sur Charon, les résultats révèlent d’importantes différences entre les régions recouvertes de glace d’eau pure et les régions polaires sombres (voir Figure 4). Ces observations apportent de nouveaux éléments sur un phénomène unique dans le système solaire : le dépôt de matière provenant de l’atmosphère de Pluton à la surface de son satellite et son évolution ultérieure.

Une brume organique et glacée qui façonne le climat de Pluton

L’analyse des données recueillies révèle pour la première fois que la brume atmosphérique de Pluton émet une signature thermique significative. Une telle émission avait été prédite par les modèles, mais n’avait encore jamais été observée directement. Cette découverte est d’importance majeure : elle indique que la température, la dynamique et, plus largement, le système climatique de Pluton sont fortement influencés – voire contrôlés – par cette brume, dont les effets varient au fil des saisons.

La température de la haute atmosphère de Pluton est de –203 degrés Celsius en raison de la présence de la brume, alors qu’elle serait de –173 degrés Celsius sans celle-ci. Les particules de brume absorbent la chaleur et émettent ensuite un rayonnement infrarouge vers l’espace, ce qui refroidit l’atmosphère. Nos observations confirment ainsi que la température atmosphérique sur Pluton, et donc une partie importante de son système climatique, est contrôlée par les particules de brume. Cela met en lumière la richesse chimique de l’atmosphère de Pluton, qui présente des similitudes avec la haute atmosphère de Titan, explique Tanguy Bertrand, astronome adjoint au LIRA de l’Observatoire de Paris-PSL et auteur principal de l’article publié dans Nature Astronomy.

Les chercheurs ont également mis en évidence la nature complexe de cette brume. Elle est constituée à la fois de particules organiques, ainsi que de glaces d’hydrocarbures et de nitriles, dont les signatures spectrales ont pu être détectées dans cette étude.

La brume résulte de réactions chimiques dans la haute atmosphère, où le rayonnement ultraviolet du Soleil ionise l’azote et le méthane, qui réagissent pour former de minuscules particules d’hydrocarbures d’un diamètre de quelques dizaines de nanomètres. À mesure que ces particules descendent dans l’atmosphère, elles s’agglomèrent pour former des agrégats. Ces derniers grossissent en tombant et finissent par se déposer à la surface, précise encore Tanguy Bertrand.

Résultats des mesures spectrales

Des indices précieux sur la chimie, l’origine et l’évolution de Pluton

Figure 5 – Spectre de Pluton dans l’infrarouge moyen obtenu avec MIRI MRS.
La courbe noire représente les données spectrales, où les signatures des gaz atmosphériques sont clairement visibles. Les courbes rouges montrent un modèle sans caractéristiques atmosphériques, incluant uniquement les contributions solaires (en violet) et thermiques (en vert). L’encart présente la réflectance de la composante solaire réfléchie, révélant des absorptions attribuées aux glaces de CH4, CH3D et C2H4.
Crédits : Lellouch et al., A&A 2025

L’analyse du spectre infrarouge (4,9–27 μm) de l’atmosphère de Pluton a révélé de nouveaux détails sur sa composition (cf. Figure 5), fournissant de nouvelles contraintes pour comprendre la chimie de l’atmosphère et son origine.

 

Le spectre montre des signatures claires de plusieurs gaz issus de la photolyse du méthane par les rayons UV du Soleil, tels que l’éthane (C2H6), l’acétylène (C2H2), le propyne (CH3C2H) et le diacétylène (C4H2). Ces résultats affinent notre compréhension des réactions photochimiques en jeu et permettent des comparaisons détaillées avec celles observées sur Titan.

 

De manière inattendue, le spectre présente des émissions fluorescentes (non-thermiques) de méthane (CH4) et de deutérométhane (CH3D). Cela indique des processus complexes d’excitation non collisionnelle de leurs niveaux de vibration par le rayonnement solaire, similaires à ceux observés dans les atmosphères cométaires.

 

Enfin, la détection de la molécule C2HD a permis de mesurer un rapport deutérium/hydrogène (D/H) environ trois fois plus élevé que celui sur Terre. Ce ratio est un marqueur de l’origine et de l’évolution des glaces et de l’atmosphère de Pluton, même si son interprétation est pour le moment incertaine.

Un nouveau jalon dans l’exploration du système solaire externe

Ces travaux représentent une avancée significative dans notre compréhension de Pluton et Charon. Ils ouvrent de nouvelles perspectives sur l’évolution climatique et chimique de Pluton, ainsi que sur les échanges de matière au sein du système Pluton-Charon. Ces recherches met-tent en évidence la richesse des processus chimiques et le rôle central de la brume dans l’équilibre thermique de l’atmosphère de Pluton.

 

La chimie et les effets radiatifs de la brume pourraient également se produire dans d’autres atmosphères ténues riches en azote (N₂) et méthane (CH₄), comme celles de Triton (plus grand satellite naturel de Neptune), les hautes couches de l’atmosphère de Titan, la Terre primitive, ou encore certaines exoplanètes.

 

D’autres équipes ont mené des études sur Pluton et Charon en utilisant les instruments du JWST opérant dans le proche infrarouge, notamment l’imageur NIRCam et le spectromètre NIRSpec. La prochaine étape consistera à analyser de manière cohérente l’ensemble des observations dans une large gamme spectrale pour étendre notre compréhension sur ce système lointain.

 

Le Télescope Spatial James Webb découvre sa première exoplanète !

 

La recherche d’exoplanètes constitue l’un des grands objectifs de l’astronomie moderne, car elle permet de mieux comprendre la formation et l’évolution des systèmes planétaires. Depuis sa mise en service en 2022, le James Webb Space Telescope (JWST) a permis de caractériser plusieurs exoplanètes déjà connues. Récemment, il a même découvert sa première exoplanète, une avancée majeure ! Publiée dans la prestigieuse revue Nature, cette découverte est le fruit d’une collaboration internationale, dirigée par une chercheuse du LIRA de l’Observatoire de Paris-PSL, en association avec l’Université Grenoble Alpes, et a été rendue possible grâce au coronographe conçu par le LIRA.

L’exoplanète se trouve dans un disque de débris et de poussière entourant une jeune étoile nommée TWA 7. Cette planète est la plus légère jamais observée par imagerie directe, représentant une étape importante vers l’imagerie de planètes de moins en moins massives, et donc plus semblables à la Terre.

 

L’imagerie directe d’exoplanètes, un véritable défi

Figure 1 – Les quatre masques coronographiques situés au plan focal de l’instrument MIRI du JWST permettent de masquer une étoile afin de révéler les objets peu lumineux autour, comme une exoplanète.
À gauche, trois masques de phase à quatre quadrants (4QPM) et à droite, un masque de Lyot. L’ensemble de ces coronographes a été conçu au LIRA de l’Observatoire de Paris et fabriqué par le CEA.
Crédits : Jérôme Parisot (LIRA)

Les exoplanètes sont des cibles privilégiées en observation astronomique car elles permettent de mieux comprendre comment se forment les systèmes planétaires, y compris le nôtre. En 30 ans, le nombre d’exoplanètes découvertes s’élève à 7500. Ce nombre croît de manière exponentielle grâce au génie humain qui se dote de nouveaux télescopes de plus en plus puissants et de nouvelles techniques observationnelles pour pallier les difficultés. 

 

Il existe plusieurs techniques de détection d’exoplanètes, dont l’une consiste à imager directement une planète en orbite autour de son étoile hôte. On pourrait penser que cette méthode est la plus simple, car elle semble la plus intuitive. Pourtant, il n’en est rien ! En réalité, l’imagerie directe d’exoplanètes est complexe pour deux raisons principales : elle nécessite une résolution angulaire suffisante pour distinguer la planète de son étoile, ainsi qu’une sensibilité adéquate pour obtenir un contraste permettant de faire ressortir la pâle lueur de la planète par rapport à une étoile brillant des millions de fois plus intensément. C’est pour ces raisons que la plupart des détections d’exoplanètes par imagerie directe concerne des planètes loin de leur étoile, d’au moins dix fois la distance Terre-Soleil (10 AU), et très massives (environ celle de Jupiter) pour que leur émission infrarouge soit plus intense. 

 

D’un point de vue observationnel, il est possible de surmonter ces difficultés et espérer imager des planètes plus petites et plus proches de leurs étoiles en utilisant plusieurs stratégies :

  1. Augmenter le diamètre du télescope, ce qui améliore la résolution angulaire.
  2. Observer dans l’infrarouge moyen, renforçant le contraste étoile-planète. En effet, dans cette partie du spectre électromagnétique, la planète est plus brillante car on observe son émission thermique plutôt que sa lumière réfléchie, tandis que l’étoile est moins lumineuse.
  3. Utiliser un coronographe pour masquer la lumière de l’étoile, facilitant l’observation des objets environnants noyés par son éclat.
  4. Observer depuis l’espace pour s’affranchir de la turbulence atmosphérique. 

 

Or, le télescope spatial James Webb (JWST) possède justement toutes ces caractéristiques ! Notamment l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) observe dans l’infrarouge moyen et dispose d’un coronographe (cf. Figure 1) conçu au LIRA de l’Observatoire de Paris et fabriqué par le CEA. 

C’est cette technique qui a permis à une équipe de recherche menée par une chercheuse du LIRA de découvrir une nouvelle exoplanète, la première à l’être par le JWST. 

Des anneaux dans des disques de débris

Figure 2 – Image du disque autour de TWA 7, réalisée à l’aide de l’instrument SPHERE installé au Very Large Telescope de l’ESO.
L’image capturée par l’instrument MIRI du JWST y est superposée. La zone de vide entourant TWA 7b (CC #1) est clairement visible au sein de l’anneau R2.
Crédits : Lagrange et al. 2025 – Evidence for a sub-jovian planet in the young TWA7 disk

Le JWST n’a pas été conçu pour découvrir des exoplanètes, mais plutôt pour les étudier avec une grande précision une fois qu’elles ont été découvertes par d’autres télescopes. En effet, son champ de vision n’est pas adapté pour observer de nombreuses étoiles en même temps, ce qui ralentit considérablement le processus de découverte.

 

Ainsi, pour réaliser cette découverte, l’équipe de scientifiques a dû se concentrer sur les disques de débris les plus prometteurs : des systèmes âgés de quelques millions d’années seulement. Dans ces systèmes, les planètes tout juste formées sont encore chaudes, ce qui les rend plus lumineuses dans l’infrarouge thermique que leurs homologues plus âgées, facilitant ainsi la détection de planètes plus petites. De plus, ces systèmes sont vus par le pôle de leur étoile depuis la Terre, une configuration qui permet de voir les disques “par le dessus”.

 

Parmi ces candidats susceptibles d’abriter des planètes en formation, deux ont particulièrement retenu l’attention des chercheurs. En effet, de précédentes observations avaient révélé des structures annulaires concentriques en leur sein, soupçonnées d’être le fruit d’interactions gravitationnelles entre des planètes non identifiées et des planétésimaux, c’est-à-dire des planètes en formation.

 

L’un des deux systèmes, appelé TWA 7, présente trois anneaux distincts, dont un particulièrement fin, entouré de deux régions presque vides de matière (cf. Figure 2). Lorsque les scientifiques ont pointé le JWST vers ce système, l’image obtenue a révélé une source au cœur même de cet anneau fin. 

 

Après avoir éliminé les hypothèses d’un potentiel biais d’observation, les scientifiques sont arrivés à la conclusion qu’il s’agit très probablement d’une exoplanète. Des simulations détaillées ont effectivement confirmé la formation d’un anneau mince et d’un “trou” à la position exacte de la planète, en accord parfait avec les observations effectuées par le JWST.

Quelles perspectives pour les futures découvertes d’exoplanètes ?

Figure 3 – Image de l’exoplanète TWA 7b, d’une masse comparable à celle de Saturne, en orbite autour de la jeune étoile TWA 7.
Cette image résulte de la combinaison de données issues du sol — obtenues par le Very Large Telescope de l’ESO, représentées en bleu, montrant le disque de débris entourant l’étoile — et de données de l’instrument MIRI du JWST, représentées en orange. Le point orange vif en haut à droite de l’étoile correspond à la source identifiée comme TWA 7b, située à l’intérieur du disque de débris. L’étoile hôte, TWA 7, a été masquée à l’aide du coronographe développé par le LIRA ; elle est symbolisée ici par un cercle et une étoile stylisée au centre de l’image.
Crédits : NASA, ESA, CSA, Anne-Marie Lagrange (CNRS, UGA), Mahdi Zamani (ESA/Webb)

Baptisée TWA 7 b, cette nouvelle exoplanète est dix fois plus légère que celles imagées jusqu’à présent ! Sa masse est comparable à celle de Saturne, soit environ 30% de celle de Jupiter, la plus massive des planètes du Système solaire. 

 

Ce résultat marque un nouveau jalon dans la recherche et l’imagerie directe d’exoplanètes de plus en plus légères. Le JWST a le potentiel d’aller encore plus loin à l’avenir. Les scientifiques espèrent ainsi pouvoir imager des planètes pouvant avoir seulement 10% de la masse de Jupiter. Cette découverte ouvre la voie vers l’imagerie d’exoplanètes de type terrestre. Elles seront l’objectif des futures générations de télescopes spatiaux et terrestres, dont certains utiliseront également des coronographes plus perfectionnés. Les systèmes candidats les plus prometteurs sont d’ores et déjà en cours d’identification pour ces futures observations.

Inauguration de la maquette du JWST grandeur nature à la Cité de l’Espace

 
Le télescope spatial James Webb (JWST) est, sans conteste, un instrument scientifique hors du commun. Depuis son lancement le 25 décembre 2021 depuis Kourou en Guyane française, il a déjà révolutionné l’astrophysique, en apportant des réponses à de nombreuses énigmes tout en soulevant de nouvelles questions. Si l’Univers se dévoile ainsi aux chercheurs, c’est en grande partie grâce à l’immense miroir de 6,5 m de diamètre, qui fait du James Webb le télescope spatial le plus grand et le plus sophistiqué jamais lancé.
 
Mais comment visualiser au plus juste ce télescope, presqu’aussi élevé qu’un immeuble de trois étages ? C’est précisément l’expérience proposée au public par la Cité de l’Espace avec une reconstitution grandeur nature. L’inauguration de cette maquette s’est tenue le 28 avril 2025, en présence notamment de Pierre-Olivier Lagage, directeur de recherche au Département d’Astrophysique du CEA, de Lucie Leboulleux, chargée de recherche à l’IPAG/CNRS, et d’Olivier Berné, directeur de recherche à l’IRAP/OMP/CNRS.

Une maquette unique en Europe !

Christophe Chaffardon, Directeur de l’Éducation, des Sciences et de la Culture à la Cité de l’Espace, retrace l’épopée de la maquette grandeur nature du miroir du télescope spatial James Webb, lors de son inauguration dans les jardins de la Cité de l’Espace.
Crédits :
Raphael de Assis Peralta

Unique en Europe, cette maquette à l’échelle 1 n’a qu’une seule jumelle : aux États-Unis. La reproduction toulousaine a été rendue possible grâce au don du Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay, qui a fourni une maquette grandeur nature réalisée en 2009 à l’occasion de l’Année mondiale de l’astronomie. Le CEA a joué un rôle clé dans la conception du JWST, en participant notamment au développement de l’un de ses instruments majeurs : l’imageur MIRIm (Mid-InfraRed Imager), dont Pierre-Olivier Lagage était le responsable scientifique.

 

Très prochainement, la Cité de l’Espace matérialisera au sol la surface du bouclier thermique du télescope, équivalente à celle d’un terrain de tennis. Ce bouclier protège le JWST du rayonnement thermique du Soleil, condition indispensable pour maintenir les instruments dans une température extrêmement basse, nécessaire à l’observation dans l’infrarouge.

Une table ronde inaugurale s’est tenue autour de l’aventure extraordinaire du télescope spatial James Webb et de ses dernières découvertes scientifiques, en présence de (gauche à droite) Pierre-Olivier Lagage, Lucie Leboulleux, Christophe Chaffardon et Olivier Berné.
Crédits :
Raphael de Assis Peralta

Installée à proximité de la réplique de la fusée Ariane 5, la maquette offre une occasion unique de prendre la mesure de l’envergure de l’instrument qui était plié dans la fusée : c’est en effet le lanceur européen de l’ESA qui a placé le télescope sur son orbite, avec une précision remarquable : un tir si précis qu’il a permis de doubler l’espérance de vie du télescope, passant de 10 à 20 ans.

 

En complément, la Cité de l’Espace propose le film IMAX® 2D Deep Sky : l’aventure du télescope JWST, projeté sur écran géant. Le public est plongé dans l’épopée fascinante du James Webb : revivez son décollage à bord d’Ariane 5 et embarquez pour un voyage vertigineux aux confins de l’Univers et du temps. Grâce aux images spectaculaires fournies par l’observatoire spatial, l’expérience devient une véritable immersion cosmique.

Projection du film IMAX® “Deep Sky, l’aventure du télescope James Webb” à la Cité de l’Espace.
Crédits : Pierre Carton – Cité de l’espace

TRAPPIST-1 b a t-elle finalement une atmosphère ?

 
Le système TRAPPIST-1, fascinant par ses sept planètes rocheuses de taille terrestre, dont trois situées dans la zone habitable, représente une opportunité unique pour étudier les atmosphères des exoplanètes. Le télescope spatial James Webb (JWST) joue un rôle clé en permettant de mesurer l’émission thermique de ces planètes tempérées. Une première campagne d’observation à λ=15 µm avait révélé une température de 503 K sur le côté jour de la planète TRAPPIST-1 b, suggérant l’absence d’atmosphère et une surface très sombre. Cependant, basée sur les observations d’une seconde campagne à λ=12,8 µm, cette nouvelle étude menée par le Département d’Astrophysique de l’IRFU du CEA Paris-Saclay a mesuré une température bien plus basse que celle attendue par le scénario précédent, obligeant ainsi les chercheurs à explorer de nouvelles pistes. Parmi les hypothèses envisagées, une atmosphère riche en CO2 et en brumes est une possibilité, bien qu’un scénario de surface ultramafique volcanique semble plus probable. Pour résoudre ce mystère, une nouvelle phase d’observations a été lancée, visant à suivre le flux lumineux de la planète tout au long de son orbite.

 

Ce résultat a été publié dans la prestigieuse revue Nature Astronomy : « Combined analysis of the 12.8 and 15 μm JWST/MIRI eclipse observations of TRAPPIST-1 b »
 

TRAPPIST-1 : un laboratoire idéal pour étudier les atmosphères des planètes rocheuses

Figure 2 – En comparant le flux lumineux de l’étoile seule lorsque la planète est occultée (derrière l’étoile) avec le flux observé juste avant ou après l’occultation, il est possible de déduire l’émission thermique du côté jour de la planète, tout en évitant les contaminations stellaires présentes dans d’autres configurations (par exemple, les transits).
Crédit : Ducrot et al. 2024

Le système TRAPPIST-1 se distingue par son étoile naine ultrafroide entourée de sept planètes rocheuses de taille terrestre, dont trois situées dans la zone habitable, offrant ainsi une opportunité scientifique exceptionnelle pour l’étude des exoplanètes et des atmosphères. Ce système constitue donc une cible privilégiée pour le télescope spatial James Webb (JWST), dont les capacités spectroscopiques infrarouges permettent d’étudier en détail ce type de planètes. En particulier, le JWST est capable de mesurer directement la chaleur émise par une planète, en comparant le flux lumineux de l’étoile lors d’une occultation – moment où la planète passe derrière l’étoile – au flux observé juste avant et après cet événement (cf. Figure 2). Cette méthode permet de déduire la lumière infrarouge émise par la face éclairée (côté jour) de la planète tout en évitant les contaminations stellaires qui peuvent compliquer les mesures dans d’autres configurations, telles que les transits.

 

« L’émission thermique est rapidement devenue la méthode préférée pour étudier les exoplanètes rocheuses autour d’étoiles naines M durant les deux premières années du JWST », explique Pierre-Olivier Lagage, co-auteur principal de l’étude et directeur du Département d’Astrophysique au CEA. « Concernant les planètes de TRAPPIST-1, les premières informations proviennent des mesures d’émission, car il reste difficile de distinguer les signaux atmosphériques et stellaires en transit. »

Deux campagnes d’observation avec le JWST ont été menées pour étudier la planète TRAPPIST-1 b car, étant la plus proche de l’étoile hôte, elle émet davantage d’infrarouge que les autres planètes du système. Ces observations ont été réalisées avec l’imageur MIRIm, développé au CEA Paris-Saclay, en utilisant des filtres judicieusement choisis pour détecter la présence de dioxyde de carbone (CO2) et mesurer sa teneur.

La première campagne, menée en 2023 par une équipe de la NASA en collaboration avec le Département d’Astrophysique de l’IRFU au CEA Paris-Saclay, a utilisé un filtre centré sur λ=15 µm. Ces observations ont permis de déterminer que le côté jour de TRAPPIST-1 b présente une température d’environ 503 K (+/- 26 K), marquant ainsi la toute première mesure directe de la température d’une planète rocheuse tempérée dans l’histoire de l’étude des exoplanètes.

Avec une telle température, les scientifiques ont suggéré que TRAPPIST-1 b aurait plutôt une « surface nue et sombre », où la planète ne posséderait pas d’atmosphère, et sa surface absorberait presque toute la lumière stellaire incidente (Greene et al., 2023). Cette hypothèse repose sur le fait que le CO2 absorbe fortement à cette longueur d’onde ; une atmosphère riche en CO2 aurait donc considérablement réduit le flux observé. Cependant, une mesure unique à une longueur d’onde ne suffit pas pour exclure tous les scénarios atmosphériques possibles.

Surface nue ou atmosphère complexe ?

Figure 3 – Comparaison des différents scénarios de surface nue et atmosphériques pour la planète TRAPPIST-1 b, avec le cas de la Terre.
L’émission thermique mesurée à 12,8 (rouge foncé) et 15 microns (rouge clair) permet de discriminer ces scénarios. Le premier schéma (extrême gauche) illustre le scénario de « surface nue et sombre », suggéré lors de la première étude avec la mesure à 15 microns uniquement. Cette nouvelle étude remet en question ce scénario et propose deux nouvelles hypothèses : le scénario “surface nue ultramafique” et le scénario “atmosphère riche en brumes de CO2”.
Crédit : Ducrot et al. 2024

Cette nouvelle étude, menée par une équipe du CEA Paris-Saclay, complète les observations précédentes en mesurant cette fois-ci le flux de TRAPPIST-1 b à 12,8 microns, une seconde bande d’absorption caractéristique du CO2. Alors que le scénario initial de « surface sombre nue » proposé par Greene et al. (2023) prévoyait une température d’environ 227 °C à cette longueur d’onde, les chercheurs ont mesuré une température nettement plus basse, de 150 °C. Ce résultat invalide le scénario précédent, basé sur les observations à 15 microns, obligeant les chercheurs à explorer d’autres modèles de surface et d’atmosphère. Deux nouveaux scénarios semblent ressortir (cf. figure 3) :

  •     – Scénario « surface nue ultramafic » : TRAPPIST-1 b serait dépourvue d’atmosphère, mais sa surface serait composée de roches ultramafiques, des roches volcaniques riches en minéraux qui émettent moins de lumière à 12,8 microns qu’une surface sombre classique. Ce résultat suggère l’existence possible de volcanisme, car sans ce processus créant de nouvelles roches, les roches seraient rapidement altérées et noircies par l’activité de l’étoile.
  •    – Scénario « atmosphère riche en brumes de CO2 » : TRAPPIST-1 b possèderait une atmosphère riche en CO2 avec d’épaisses brumes, formées de minuscules particules ou gouttelettes issues de réactions chimiques liées à l’activité volcanique ou au rayonnement solaire. Ces brumes absorberaient la lumière stellaire et provoqueraient un réchauffement des couches supérieures de l’atmosphère, créant une inversion thermique où la température augmente avec l’altitude. Ce phénomène, similaire à celui de la stratosphère terrestre – bien que lié ici au CO2 et non à l’ozone – expliquerait une émission plus élevée à 15 microns par rapport à 12,8 microns, un comportement inattendu par rapport au CO2 observé sur Terre ou Vénus.
  •  

Bien que les brumes soient déjà connues pour influencer la température et l’apparence atmosphérique, comme sur Titan, leur impact sur TRAPPIST-1 b reste surprenant. Cependant, les auteurs estiment que le scénario « surface nue ultramafique » est plus probable, en raison de la complexité et des incertitudes associées à la formation de telles brumes.

« Nous avons été surpris de mesurer une température significativement plus basse qu’attendu. Nous pensions que le cas de TRAPPIST-1 b était clos, mais cette nouvelle longueur d’onde nous rappelle toutes les ambiguïtés qui existent pour décrire une planète à partir d’observations discrètes. » souligne Elsa Ducrot, chercheuse au Département d’Astrophysique du CEA et autrice principale de cette étude. « De plus, cette mesure a stimulé notre curiosité et nous a permis de proposer un scénario atmosphérique avec des brumes inédites en accord avec les données. Bien qu’il semble moins probable, il est très intéressant que la communauté scientifique puisse le prendre en compte dans l’interprétation des futures observations d’exoplanètes rocheuses. »

 

Comment lever le mystère ?

Figure 4 – Illustration de la courbe de phase : évolution du flux lumineux du système étoile-planète au cours d’une orbite complète.
La position (a) correspond au transit : La planète passe devant l’étoile. Le flux mesuré correspond à la lumière de l’étoile diminuée par l’absorption due au disque planétaire et à son éventuelle atmosphère. Cette configuration permet de sonder l’émission du côté nuit de la planète. La position (c) correspond à l’occultation (ou éclipse secondaire) : La planète est cachée derrière l’étoile. Le télescope ne capte alors que le flux lumineux de l’étoile, ce qui permet d’isoler et soustraire sa contribution. Enfin, la position (b) est juste avant et après l’occultation. L’intensité mesurée est maximale : le flux lumineux de la planète s’ajoute à celui de l’étoile.

Cette nouvelle étude souligne les défis posés par la détermination définitive de la présence d’une atmosphère sur une planète en se basant uniquement sur les mesures d’émission thermique lors des occultations. Pour lever définitivement le mystère de la présence d’une atmosphère sur TRAPPIST-1 b, les chercheurs ont alors initié une nouvelle campagne d’observation avec le JWST visant à mesurer le flux de la planète tout au long de son orbite complète, et non uniquement son côté jour (cf. figure 4). Complétée ensuite par des simulations atmosphériques 3D complexes, cette méthode, bien que coûteuse en temps d’observation, est essentielle pour trancher sur l’existence ou l’absence d’une atmosphère autour de TRAPPIST-1 b.

« Si une atmosphère est présente, la chaleur sera redistribuée du côté jour au côté nuit de la planète. Sans atmosphère, cette redistribution sera minimale », explique Michaël Gillon de l’Université de Liège, co-auteur de cette étude.

 

Ces réponses pourraient inaugurer une nouvelle ère dans l’étude des atmosphères des exoplanètes rocheuses.

En savoir plus :

JWST