Rendez-vous Galactique : II ZW 96, et Présidentiel

Cette image montre la fusion de galaxies au centre. Les noyaux des galaxies, colorés en bleu, sont au-dessous du centre. Ils sont entourées de flambées d’étoiles en rouge. On reconnaît la forme d’une magnifique spirale dans la galaxie du bas, mais déformée sous l’effet de la gravité de sa voisine avec laquelle elle est en interaction. On peut voir en arrière-plan de nombreuses galaxies minuscules qui sont bien plus éloignées que cette paire de galaxies.

 

L’image prise par le JWST montre une paire de galaxies qui fusionnent, connue par les astronomes sous le nom de II ZW 96. Ces galaxies sont à environ 500 millions d’années-lumière de la Terre et se trouvent dans la direction de la constellation du Dauphin, près de l’équateur céleste. En plus du tourbillon endiablé des galaxies qui fusionnent, on aperçoit sur le fond de cette image un bestiaire d’autres galaxies.

Les deux galaxies sont en train de fusionner et ont donc une forme chaotique et perturbée. Les cœurs brillants des deux galaxies sont reliés par des vrilles brillantes de régions de formation d’étoiles, et les bras spiralés de la galaxie inférieure ont été déformés par la perturbation gravitationnelle de la fusion des galaxies. Ce sont ces régions de formation d’étoiles qui ont fait de II ZW 96 une cible si tentante pour le JWST : la collision a provoqué une flambée d’étoiles d’une si puissante intensité que cette galaxie rayonne autant que 100 milliards de soleils dans le domaine des infrarouges lointains. D’où son appartenance à la classe des galaxies lumineuses infrarouges, connues sous l’acronyme de LIRG pour Luminous InfraRed Galaxies.

Cette observation est tirée d’une collection d’observations de galaxies lumineuses infrarouges et de la classe encore plus lumineuse, les galaxies “ultra-lumineuses” infrarouge (ULIRG).  Le JWST a utilisé deux de ses instruments de pointe : NIRCam  (la caméra infrarouge proche), et MIRI,  (la caméra infrarouge moyen développée en France).

Petite anecdote :  Cette nouvelle image du JWST a été présentée pour la première fois avec toutes les explications à l’appui, à la vice-président des Etats-Unis Kamala Harris et au président français Emmanuel Macron lors d’une visite au siège de la NASA à Washington mercredi 30 novembre 2022. La vice-président Harris et le président Macron ont également prévisualisé une toute nouvelle image composite des piliers de la création.

Une couronne de formation stellaire dans la galaxie NGC 7469

NGC 7469 est une galaxie spirale lumineuse, vue de face depuis la Terre, qui se trouve à environ 220 millions d’années-lumière de la Terre dans la constellation de Pégase. Son diamètre est d’environ 90 000 années-lumière. 

Cette galaxie spirale avait été étudiée récemment dans le cadre du Relevé astronomique des galaxies infrarouges lumineuses dans toutes les régions du ciel (Great Observatories All-sky LIRGs Survey, GOALS), réalisé avec les grands observatoires de la NASA. Il s’agit de quatre télescopes spatiaux lancés entre 1990 et 2003 : le Télescope Spatial Hubble (HST), l’Observatoire Compton des rayons gamma (CGRO), l’Observatoire Chandra pour les rayons-X (CXO), et le télescope Spatial Spitzer pour l’infrarouge (SST).  

Elle vient maintenant d’être observée par le JWST pour un programme « Diffusion Scientifique Anticipée » (Early Release Science, ERS #1328), qui vise à étudier la physique de la formation des étoiles, la croissance du trou noir et ses effets sur la formation d’étoiles (rétroaction) dans quatre galaxies infrarouges lumineuses proches.

NGC 7469 abrite un noyau galactique actif (AGN), qui est une région centrale extrêmement brillante dominée par la lumière émise par la poussière et le gaz lorsqu’il tombe dans le trou noir central de la galaxie. Cette galaxie offre aux astronomes l’occasion unique d’étudier la relation entre les AGN et l’activité de formation d’étoiles, car cet AGN est entouré d’une flambée d’étoiles qui prend la forme d’un anneau à un rayon de 1500 années-lumière autour de lui. Bien que NGC 7469 soit l’un des AGN les mieux étudiés dans le ciel, la nature compacte de ce système et la présence d’une grande quantité de poussière ont rendu difficile pour les scientifiques d’obtenir la résolution et la sensibilité nécessaires pour étudier cette relation dans l’infrarouge. Maintenant, avec le JWST, les astronomes peuvent explorer l’anneau stellaire de la galaxie, l’AGN central, et le gaz et la poussière entre les deux.

En utilisant les instruments MIRI, NIRCam et NIRSpec pour obtenir des images et des spectres de NGC 7469 dans des détails sans précédent, l’équipe de GOALS a découvert un certain nombre d’informations nouvelles sur cet objet. Cela comprend les très jeunes amas de formation d’étoiles jamais vus auparavant, ainsi que des poches de gaz moléculaire très chaud et turbulent, et des preuves directes de la destruction de petits grains de poussière dans un rayon de quelques centaines d’années-lumière autour du noyau. Ceci prouve que l’AGN a un impact sur le milieu interstellaire environnant. De plus, un gaz atomique hautement ionisé et diffus semble sortir du noyau à environ 6,4 millions de kilomètres à l’heure, ce qui fait partie d’un « vent galactique » qui avait déjà été identifié, mais qui est maintenant révélé avec le JWST avec des détails étonnants. Avec l’analyse des riches ensembles de données du JWST toujours en cours, d’autres secrets de ce laboratoire local où l’on peut étudier en détail la relation entre un noyau actif et les flambées d’étoiles (starburst) ne manqueront pas d’être bientôt dévoilés.

Cette image montre la galaxie spirale lumineuse NGC 7469, dominée par une région centrale brillante. La galaxie a des teintes bleu-violet avec des régions orange-rouge remplies d’étoiles.  

Beaucoup d’étoiles et de galaxies remplissent la scène de fond. Son compagnon, la galaxie IC 5283, est partiellement visible dans la partie inférieure gauche de cette image.

Une caractéristique marquante de cette image est l’étoile à six branches qui s’aligne parfaitement avec le cœur de NGC 7469. Contrairement à la galaxie, ce n’est pas un véritable objet céleste, mais un artefact d’imagerie connu sous le nom de pic de diffraction, causé par l’AGN brillant non résolu. Les pics de diffraction sont des motifs produits sous forme de courbures de lumière autour des bords tranchants d’un télescope. Le miroir principal du JWST est composé de segments hexagonaux qui contiennent chacun des bords contre lesquels la lumière peut se diffracter, donnant six pointes lumineuses. Il y a aussi deux pics plus courts et plus faibles, qui sont créés par diffraction de la jambe verticale qui aide à soutenir le miroir secondaire.

 

Cela indique que la source de lumière très puissante est ponctuelle, et confirme ainsi qu’il s’agit d’un noyau actif avec en son centre un trou noir supermassif.

Le James Webb

L’atmosphère d’une exoplanète révélée par le JWST (WASP39-b)

Le télescope spatial James Webb de la NASA/ESA/CSA a réalisé un nouveau portrait avec une précision inégalée de l’atmosphère de l’exoplanète WASP-39b, une “Saturne chaude” située à quelque 700 années-lumière. Les nouvelles observations sont si précises que les données fournissent même des signes de chimie active et de nuages, ajoutant le dioxyde de Sulfure au palmarès des gaz détectés dans l’atmosphère de la géante gazeuse.

Des télescopes au sol ainsi que spatiaux, tel que les télescopes Hubble et Spitzer, avaient unis leurs performances afin d’obtenir le spectre le plus complet de l’atmosphère possible avec la technologie de l’époque. De la vapeur d’eau (H20), du monoxyde de carbone (CO), du sodium (Na) et du potassium (K) ont ainsi pu être révélés (voir ici pour plus d’informations.)

Spectre obtenu grâce aux télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. La ligne bleue représente le modèle atmosphérique qui ajuste au mieux les données – Crédit : NASA, ESA, G. Bacon and A. Feild (STScI), and H. Wakeford (STScI/Univ. of Exeter)

Avec l’arrivée de JWST, cette étude est rentrée dans une toute nouvelle ère, avec des observations dépassant considérablement les précédents relevés.

WASP-39b était l’une des premières cibles de l’observatoire spatiale. Observé par le puissant spectrographe NIRSpec, le dioxyde de carbone (C02) avait été détecté pour la première fois de manière sans équivoque dans l’atmosphère de la planète gazeuse (voir ici).

Récemment, le JWST a déployé ses autres instruments proche infrarouge permettant d’ajouter le dioxyde de soufre (S02) au palmarès des gaz détectés. Ce composé soufré serait produit dans l’atmosphère grâce à la photochimie, phénomène qui n’avait jusqu’à présent jamais été observé dans une exoplanète. 

Les spectres obtenus par les trois instruments proche infrarouge à bord du JWST, NIRSpec, NIRCam et NIRISS, informent les scientifiques sur la composition chimique de l’atmosphère de la géante gazeuse WASP-39 b – Crédit : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI).

En haut à gauche, sur l’image ci-dessus, les données de NIRISS montrent les empreintes du potassium (K), de l’eau (H2O) et du monoxyde de carbone (CO). En haut à droite, les données de NIRCam montrent une signature d’eau importante. En bas à gauche, les données de NIRSpec indiquent la présence d’eau, de dioxyde de soufre (SO2), de dioxyde de carbone (CO2) et de monoxyde de carbone (CO). En bas à droite, des données supplémentaires de NIRSpec révèlent toutes ces molécules ainsi que du sodium (Na). La ligne bleue représente le modèle atmosphérique qui ajuste au mieux les données, informant sur la quantité des éléments chimiques détectées dans l’atmosphère.

« Le JWST nous permet de confirmer la présence de la vapeur d’eau, de sodium et potassium dans l’atmosphère de WASP39b avec une précision remarquable. Ces nouvelles données nous ont aussi permis de confirmer sans ambiguïté la présence du CO2, précédemment suggérée par nos modèles et des données des télescopes Hubble et Spitzer en 2018; mais aussi de détecter la présence du dioxyde de soufre, inattendue, démontrant pour la première fois que des phénomènes de photochimie sont à l’œuvre dans l’atmosphère d’une exoplanète. Ces résultats ouvrent la voie pour la détection future avec JWST d’autres molécules dans l’atmosphère des exoplanètes. »

affirme Pascal Tremblin, chercheur au CEA/Université Paris, auteur du code ATMO qui modélise les atmosphères des géantes gazeuses.

Le fait de disposer d’une liste aussi complète d’ingrédients chimiques dans l’atmosphère d’une exoplanète permet aux scientifiques d’avoir un aperçu de l’abondance des différents éléments les uns par rapport aux autres, comme les rapports carbone/oxygène ou potassium/oxygène. Cela permet de comprendre comment cette planète – et peut-être d’autres – s’est formée à partir du disque de gaz et de poussière entourant l’étoile hôte lors de sa formation.

Ces résultats ont enthousiasmé la communauté scientifique des exoplanètes car en plus d’informer quant à la composition d’une atmosphère d’une exoplanète, les données fournissent même des signes de chimie active et de nuages.

« Webb fonctionne à merveille et donne déjà des résultats super intéressants ; si le CO2 dans l’atmosphère de WASP39b était bien prédit, par exemple par le code ATMO, l’observation du SO2 a été une surprise et a nécessité le développement de modèles prenant en compte la photochimie. Je suis convaincu que Webb va aussi apporter son lot de surprises lors de l’observation de planètes rocheuses et je suis très impatient d’avoir les premières données sur Trappist1 b ! » s’enthousiasme Pierre-Olivier Lagage, astrophysicien au CEA, directeur du département d’Astrophysique au CEA/Irfu.

Le JWST suit les nuages de la plus grande lune de Saturne, Titan

Le JWST continue à surprendre par la qualité de ses observations. En binôme avec le télescope terrestre Keck situé à Hawaï, l’observatoire Webb a scruté l’évolution des nuages de Titan. Ce résultat fascinant mené par une équipe internationale ouvre de nouvelles perspectives quant à l’étude de la composition et de la dynamique complexe des gaz qui régit l’atmosphère de l’astre. Ces nouvelles données donnent des indices cruciaux pour déchiffrer pourquoi Titan est la seule lune du système solaire à posséder une atmosphère dense.

La plus grande lune de Saturne Titan, dont le diamètre est plus grand que la planète Mercure, présente des caractéristiques uniques par rapport aux autres lunes du Système solaire : elle est la seule à posséder une atmosphère dense et elle est le seul corps planétaire, autre que la Terre, à posséder des rivières, des lacs et des mers, non composés d’eau comme sur Terre, mais d’hydrocarbures, notamment de méthane et d’éthane.

L’atmosphère de Titan est si épaisse qu’elle empêche l’observation de sa surface en lumière visible. Il a fallu attendre la mission d’exploration spatiale du système saturnien Cassini (NASA/ESA) pour observer sa surface en 2004 grâce à sa caméra infrarouge, rayonnement capable de percer les épaisses brumes atmosphériques. Puis, en 2005, l’atterrisseur européen Huygens à bord de Cassini s’est posé à la surface de Titan et y a découvert une surface couverte de glace d’eau, de lacs d’hydrocarbures et de dunes de composés organiques (voir ici).
Dès lors, les scientifiques attendent avec impatience de pouvoir utiliser la vision infrarouge du JWST afin d’étudier l’atmosphère de Titan d’une part, en terme de composition chimique et dynamique (météorologique), et sa surface d’autre part, en analysant les caractéristiques de l’albédo (taches claires et sombres).

Le 4 novembre 2022, ce fut chose faite ! Les observations de Titan arrivèrent enfin dans les ordinateurs de chercheurs.

Le planétologue Sébastien Rodriguez de l’Institut de Physique du Globe de Paris à l’Université Paris Cité et co-responsable des observations, a été le premier à voir les images : “Quel réveil ce matin ! Beaucoup d’alertes dans ma boîte aux lettres ! Je suis allé directement à mon ordinateur et j’ai commencé tout de suite à télécharger les données. A première vue, c’est tout simplement extraordinaire ! Je crois que l’on voit un nuage !”

Images de Titan prises par l’instrument NIRCam du JWST le 4 novembre 2022.
L’image de gauche utilise un filtre sensible à la basse atmosphère de Titan. Les points brillants sont des nuages proéminents dans l’hémisphère nord. L’image de droite est une image composite en couleur. Plusieurs caractéristiques importantes de la surface sont marquées : Kraken Mare est considérée comme une mer de méthane ; Belet est composé de dunes de sable de couleur sombre ; Adiri est une région brillante (fort albédo). Crédit image : NASA, ESA, CSA, A. Pagan (STScI). Science : Équipe Webb Titan GTO.

Les images capturées par la caméra NIRCam, qui observe dans le proche infrarouge, montrent la présence de deux nuages dans l’hémisphère nord de Titan. La détection de tels nuages est cruciale pour valider les prédictions de longue date des modèles informatiques sur le climat de Titan, selon lesquelles les nuages se formeraient facilement dans l’hémisphère nord à la fin de l’été, lorsque la surface est réchauffée par le Soleil.

« L’atmosphère de Titan est incroyablement intéressante, non seulement en raison de ses nuages de méthane et de ses tempêtes, mais aussi pour ce qu’elle peut nous apprendre sur le passé et le futur de Titan – notamment s’il a toujours eu une atmosphère. Nous sommes absolument ravis des premiers résultats. » explique Conor Nixon, planétologue au Goddard Space Flight Center de la NASA et responsable de l’équipe Webb Titan.

Les scientifiques de l’équipe ont alors réalisé l’importance de suivre l’évolution de ces nuages dans le temps, vérifier s’ils se déplaçaient ou changeaient de forme, ce qui révélerait des informations sur la circulation de l’air dans l’atmosphère de Titan. Le soir même de la réception des données Webb, l’équipe a demandé du temps d’observation avec le télescope Keck, à Hawaï. Bien que déplacer des observations programmées de longue date ne soit jamais chose facile, les arguments d’un suivi rapide du Keck ont su convaincre les responsables du télescope.

« Les observations ont été un succès ! Nous craignions que les nuages aient disparu lorsque nous avons regardé Titan deux jours plus tard avec Keck, mais à notre grande joie, il y avait des nuages aux mêmes positions, semblant avoir changé de forme.”, commente Imke de Pater

 

Images de l’atmosphère et de la surface de Titan. A gauche, image capturée le 4 novembre 2022 par l’imageur NIRCam de Webb : Deux nuages (points brillants) sont remarqués dans l’hémisphère nord (notés A et B) ainsi qu’une tache sombre au milieu (notée « Belet »). A droite, image du télescope au sol Keck, avec l’instrument NIRC-2 capturée deux jours plus tard. Les trois caractéristiques sont dans les mêmes positions les uns par rapport aux autres, mais semblent s’être déplacés ou avoir tourné légèrement vers la droite. Le nuage A semble un peu plus grand que sur l’image Webb 30 heures auparavant, tandis que le nuage B semble se dissiper ou se déplacer derrière le limbe de Titan. Le « Belet » est maintenant plus proche du bord est de l’hémisphère visible. Crédit image : NASA, ESA, CSA, Observatoire W. M. Keck, A. Pagan (STScI). Science : Équipe Webb Titan GTO.

Comme sur Terre, les nuages ne durent pas longtemps sur Titan. Donc ceux vus le 4 novembre ne sont pas forcément les mêmes que ceux vus le 6 novembre. Juan Lora, expert en modélisation atmosphérique de l’université de Yale, remarque:

« Je suis heureux de voir cela, car nous avions prévu une bonne dose d’activité nuageuse pour cette saison ! Nous ne pouvons pas être sûrs que les nuages des 4 et 6 novembre sont les mêmes, mais ils confirment les modèles météorologiques saisonniers. »

Le plus excitant reste toutefois à venir. En effet, l’équipe de scientifique a également recueilli des spectres avec le spectrographe NIRSpec de Webb actuellement en cours d’analyse, et en mai ou juin 2023, Titan sera de nouveau observé avec NIRCam et NIRSpec, ainsi que MIRI. Ces données révéleront une partie encore plus grande du spectre de Titan, inaccessibles aux télescopes terrestres à cause de l’atmosphère terrestre qui est opaque à ces longueurs d’onde, et avec une telle précision que même la sonde Cassini n’a pas pu réaliser.  En outre, ces observations permettront de préparer la future mission de la NASA :

« Suivre l’évolution de l’atmosphère de Titan au cours du temps est également très important pour préparer la mission Dragonfly de la NASA. Ce drone ultra sophistiqué se posera à la surface de Titan, un an saturnien après son prédécesseur Huygens, soit en 2034. Sa mission sera d’explorer la surface, notamment sa chimie organique complexe et le cycle du méthane. » précise Léa Bonnefoy, chercheuse à l’Observatoire de Paris (LERMA) spécialiste des lunes de Saturne.

Le JWST découvre un nœud cosmique dense dans l’univers primitif

Ces dernières années, les observations depuis le sol dans les domaines visible et proche infrarouge utilisant des IFU (spectrographe à intégrale de champ, qui combine spectroscopie et imagerie de façon à obtenir des spectres résolus spatialement, chaque pixel produisant un spectre ; voir : Spectrographe à intégrale de champ — Wikipédia (wikipedia.org) ) ont révolutionné l’astronomie extragalactique. La sensibilité infrarouge sans précédent, la résolution spatiale et la couverture spectrale de cette nouvelle technique d’observation, font que les IFU embarqués sur le JWST (NIRSpec et MIRI) nous laissent présager de résultats scientifiques inespérés, pour un large éventail de phénomènes extragalactiques (p. ex., quasars, sursauts de formation d’étoile, supernovae, sursauts de rayons gamma) et en-deçà (p. ex., nébuleuses, disques de débris autour d’étoiles brillantes).

Un quasar, un type spécial de noyau galactique actif (AGN), est une région compacte avec un trou noir supermassif au centre d’une galaxie. Le gaz qui tombe dans un trou noir supermassif rend le quasar assez brillant pour éclipser toutes les étoiles de la galaxie.

Les quasars sont d’un grand intérêt scientifique car ils sont considérés comme le principal moteur de la régulation de la croissance massive des galaxies. Ainsi, il nous est permis d’augurer que le JWST va révolutionner notre compréhension de la co-évolution trou noir-galaxie en nous permettant de sonder les composants stellaires, gazeux et poussiéreux des galaxies proches et lointaines, spatialement et spectralement.

Grâce aux performances extraordinaire du JWST, les astronomes qui étudient l’univers primitif ont fait une découverte surprenante : un amas de galaxies massives en train de se former autour d’un quasar extrêmement rouge. Ce résultat élargira notre compréhension de la façon dont les amas de galaxies dans l’univers primitif se sont réunis et ont formé le réseau cosmique que nous voyons aujourd’hui.

Le JWST a en effet permis de découvrir un nœud cosmique dense dans l’univers primitif. Le quasar exploré, appelé SDSS J165202.64+172852.3, existait il y a 11,5 milliards d’années. Il est exceptionnellement rouge non seulement en raison de sa couleur rouge intrinsèque, mais aussi parce que la lumière de la galaxie a été décalée vers le rouge de par sa grande distance, ce qui fait que le JWST est parfaitement adapté pour examiner la galaxie en détail.

À gauche, le quasar SDSS J165202.64+172852.3 est mis en évidence dans une image du télescope spatial Hubble prise en lumière visible et infrarouge proche. Les images de droite et de bas présentent de nouvelles observations du JWST en plusieurs longueurs d’onde. Ils montrent la distribution et les mouvements du gaz dans un amas de galaxies nouvellement observé autour du quasar central. Sources : NASA, ESA, CSA, STScI, D. Wylezalek (Université de Heidelberg), A. Vayner et N. Zakamska (Université Johns Hopkins) et l’équipe Q-3D

Ce quasar est l’un des plus puissants noyaux galactiques connus qui a été vu à une telle distance. Les astronomes avaient émis l’hypothèse que l’émission extrême du quasar pouvait provoquer un « vent galactique », poussant le gaz libre hors de sa galaxie hôte et pouvant influencer grandement la formation future d’étoiles.

Pour étudier le mouvement du gaz, de la poussière et de la matière stellaire dans la galaxie, l’équipe Q-3D a utilisé le spectrographe NIRSpec du JWST. Cet instrument permet d’observer le mouvement des courants et des vents qui entourent le quasar. NIRSpec peut simultanément rassembler des spectres à travers tout le champ de vision du télescope, au lieu de simplement un point à la fois, permettant d’examiner simultanément le quasar, sa galaxie et l’environnement plus large.

Des études antérieures menées par le télescope spatial Hubble et d’autres observatoires au sol avaient attiré l’attention sur des jets de gaz intenses émis par le quasar, et les astronomes avaient émis l’hypothèse que la galaxie hôte pourrait fusionner avec un partenaire invisible. Mais l’équipe ne s’attendait pas à ce que les données NIRSpec indiquent clairement qu’il ne s’agissait pas d’une seule galaxie, mais d’au moins trois autres autour. Grâce aux spectres sur une vaste zone, les mouvements de tout ce matériel environnant ont pu être cartographiés, ce qui a permis de conclure que le quasar rouge faisait en fait partie d’un nœud dense de formation de galaxie.

Le quasar SDSS J165202.64+172852.3 vu par le JWST (NASA/ESA/CSA) : cette image illustre  la distribution du gaz autour de l’objet.

 

Les trois galaxies confirmées tournent l’une autour de l’autre à des vitesses incroyablement élevées, ce qui indique qu’une grande quantité de masse est présente. Lorsqu’on les combine à la proximité de la région autour de ce quasar, l’équipe croit que cela marque l’une des zones de formation de galaxies les plus denses connues dans l’univers primitif.

Dominika Wylezalek, de l’université de Heidelberg en Allemagne, qui dirige cette étude nous explique:

“Même un nœud dense de matière noire ne suffit pas à l’expliquer. Nous pensions que nous pourrions voir une région où deux halos massifs de matière noire fusionnent. La matière noire est un composant invisible de l’univers qui maintient les galaxies et les amas de galaxies ensemble, et on pense qu’elle forme un « halo » qui s’étend au-delà des étoiles dans ces structures. Il y a peu de protoamas de galaxies connus à ce stade précoce. Il est difficile de les trouver, et très peu ont eu le temps de se former depuis le big bang. Cela pourrait nous aider à comprendre comment évoluent les galaxies dans les environnements denses. C’est un résultat passionnant”

Partie prenante et très active dans cette collaboration Q-3D, une chercheuse française, Nicole Nesvadba de l’Observatoire de la Côte d’Azur nous fait part, elle aussi de ses réactions :

Ces données montrent très bien la puissance de la spectro-imagerie que nous offre le JWST. C’est la combinaison de la très haute resolution spatiale, qui nous permet de bien localiser les différentes composantes de cette source, et de leur mouvement relatif, qui étaient essentielles pour comprendre de quel type d’objet il s’agissait. Seulement la spectro-imagerie est capable de nous donner toutes ces informations à la fois. Nous attendons maintenant avec impatience le deuxième jeu de données de spectro-imagerie de cet objet, qui sera observé avec MIRI. En ce qui concerne l’argument sur le proto-ama, nous avons à la fois plusieurs galaxies autour du QSO (nous savons qu’il s’agit des galaxies puisqu’il y a du continu stellaire, et donc des masses stellaires considérables), et aussi des grands décalages de vitesse entre ces galaxies. Le nombre de sources nous montre qu’il ne peut pas s’agir d’une superposition des galaxies qui ne sont pas reliées gravitationnellement (ce serait trop improbable de trouver plusieurs galaxies par hasard aussi proche d’une seule ligne de visée). La grande dispersion de vitesse entre les spectres que nous observons avec des décalages vers le rouge (“redshifts” en Anglais, terme communément adopté par la communauté scientifique) des différentes galaxies est le signe d’un halo de matière noire très massif (sinon, les vitesses seraient moindres), ce qui est typique pour des proto-amas en formation à ces grands décalages vers le rouge de la lumière du fait de l’expansion de l’univers. On connaît quelques autres structures aussi massives pendant la même époque, mais ils sont en effet très, très rares. Bien entendu, comme Dominika l’a dit, il s’agit vraiment d’une surprise, parce que nous avions uniquement voulu observer le QSO, sans trop nous poser des questions sur son environnement.

L’étude menée par cette équipe est partie intégrante des investigations prioritaires du JWST sur l’univers primitif. Avec sa capacité sans précédent à remonter le temps, le télescope est déjà utilisé pour étudier comment les premières galaxies se sont formées et ont évolué, et comment les trous noirs se sont formés et ont influencé la structure de l’univers. L’équipe planifie des observations de suivi dans ce proto-amas inattendu de galaxies, et espère l’utiliser pour comprendre comment les amas de galaxies denses et chaotiques comme celui-ci se forment, et comment il est affecté par le trou noir actif et supermassif en son cœur.

Le JWST dresse un magnifique portrait étoilé des piliers de la création

Beaucoup l’attendaient! La voilà maintenant. Le JWST a révélé, mercredi 19 octobre, son premier cliché des « Piliers de la création », plus détaillé que jamais auparavant.

Ces impressionnantes structures de gaz et de poussière, regorgeant d’étoiles en formation, sont situées à 6 500 années-lumière avaient été imagées pour la première fois en 1995 par le HST (Hubble Space Telescope), dans la grande nébuleuse de l’Aigle. Leur photographie est l’une des plus connues de toutes celles fournies par ce télescope et a parcouru des milliers de page sur la toile. 

La vision de ces fameux piliers est totalement différente selon que l’on la regarde dans la lumière visible ou infrarouge (d’où l’intérêt extraordinaire du JWST).  Dans la lumière visible (à droite), toutes les étoiles en gestation sont enfouies dans une enveloppe de poussières. Elles apparaisent lorsque l’on observe dans l’infrarouge (voir image ci-dessous: à gauche image dans les longueurs d’onde du domaine visible obtenue avec le HST, à droite celle obtenue avec l’instrument NIRCam au JWST.

Le JWST a en effet capturé un paysage luxuriant et très détaillé des emblématiques piliers de la création, où de nouvelles étoiles se forment dans des nuages denses de gaz et de poussière. Les piliers tridimensionnels ressemblent à de majestueuses formations rocheuses, mais sont beaucoup plus perméables. Ces colonnes sont constituées de gaz interstellaires frais et de poussière qui apparaissent parfois semi-transparents dans le proche infrarouge.
Cette nouvelle vision des Piliers de la Création, extrêmement célèbre par les images obtenues par le HST, aidera les chercheurs à repenser leurs modèles de formation stellaire en identifiant des comptages d’étoiles nouvellement formées, en fonction de la production de gaz et de poussières dans la région. Au fil du temps, ils commenceront à mieux comprendre comment les étoiles se forment lorsque leurs embryons soudainement émergent au sein d’un nuage moléculaire (Gaz et poussières confondus), avant de prendre naissance au sein de ces nuages poussiéreux pendant des millions d’années. 

Le JWST parvient à voir à travers l’opacité des piliers et révèle ainsi de nombreuses étoiles en formation. Il s’agit, sur l’image ci-dessous, des “boules” rouges à l’extrémité de plusieurs piliers. Ces « jeunes étoiles projettent périodiquement des jets supersoniques qui entrent en collision avec les nuages de matière, comme ces épais piliers ».

Quand des nœuds avec une masse suffisante se forment dans les piliers, ils commencent à s’effondrer sous leur propre gravité, se réchauffent lentement, et finalement commencent à fortement briller. Le long des bords des piliers nous découvrons des lignes ondulées qui ressemblent à de la lave. Ce sont des éjections d’étoiles qui sont encore en formation. Les jeunes étoiles projettent périodiquement des jets qui peuvent interagir dans les nuages de matière, comme ces épais piliers de gaz et de poussière. Il en résulte parfois des chocs “d’étrave”, qui peuvent former des motifs ondulés comme le fait un bateau lorsqu’il se déplace dans l’eau. On estime que ces jeunes étoiles n’ont que quelques centaines de milliers d’années et continueront de se former pendant des millions d’années. Bien qu’il puisse sembler que la lumière proche infrarouge ait permis au JWST de “percer” le fond pour révéler de grandes distances cosmiques au-delà des piliers, le milieu interstellaire se dresse sur le chemin, comme un rideau tiré. C’est aussi la raison pour laquelle il n’y a pas de galaxies lointaines dans cette vue. Cette couche translucide de gaz bloque notre vision de l’univers plus profond. De plus, la poussière est illuminée par la lumière collective de la « fête » remplie d’étoiles qui se sont libérées des piliers. C’est comme se tenir dans une pièce bien éclairée et regarder par une fenêtre – la lumière intérieure se reflète sur la vitre, obscurcissant la scène à l’extérieur et, à son tour, éclairant l’activité de la fête à l’intérieur. Cette nouvelle vision des piliers de la création aidera les chercheurs à repenser les modèles de formation stellaire.

L’instrument NIRCam a été construit par une équipe de l’Université de l’Arizona et le Centre de Technologie Avancée de Lockheed Martin.

Credits:

SCIENCE: NASA, ESA, CSA, STScI
IMAGE PROCESSING: Joseph DePasquale (STScI), Anton M. Koekemoer (STScI), Alyssa Pagan (STScI)

MIRI nous délivre une nouvelle image saisissante d’une paire d’étoiles WR.

Une nouvelle image du JWST révèle une vision cosmique remarquable : au moins 17 anneaux de poussière concentriques éjectés d’une paire d’étoiles. Situé à un peu plus de 5000 années-lumière de la Terre, le duo est collectivement connu sous le nom de Wolf-Rayet 140. Chaque anneau a été créé lorsque les deux étoiles se sont rapprochées et leurs vents stellaires (courants de gaz qu’ils soufflent dans l’espace) se sont rencontrés, comprimant le gaz et formant de la poussière. Les orbites des étoiles les rassemblent environ tous les 7,93 ans ; comme les anneaux du tronc d’un arbre, les boucles de poussière marquent le passage du temps.

Une étoile Wolf-Rayet est une étoile de type O (donc très chaude en sa superficie) née avec une masse d’au moins 25 fois plus que notre Soleil qui approche de la fin de sa vie. Elle s’effondrera d’après les théories en vigueur et communément acceptées, et explosera en supernova, donnant naissance à un trou noir. Ces retards entre les périodes de production de poussières créent un schéma circulaire unique. Certaines binaires Wolf-Rayet dans lesquelles les étoiles sont suffisamment rapprochées produisent de la poussière en continu, formant souvent un motif de roue d’épingle.

En plus de la sensibilité globale du JWST, il convient de souligner que l’instrument MIRI (à forte connotation Française à travers le CEA sous l’égide du CNES) est particulièrement qualifié pour étudier les anneaux de poussière. Ces anneaux sont également appelés coquilles par les astronomes parce qu’ils sont plus épais et plus large qu’ils apparaissent dans l’image.

Le spectromètre de MIRI a révélé la composition de la poussière. Une étoile de Wolf-Rayet génère des vents puissants qui poussent d’énormes quantités de gaz dans l’espace. L’étoile Wolf-Rayet dans cette paire particulière peut avoir perdu plus de la moitié de sa masse originale par ce processus.

Transformer le gaz en poussière, c’est un peu comme transformer la farine en pain. Cela nécessite des conditions et des ingrédients spécifiques. L’hydrogène, l’élément le plus commun dans les étoiles, ne peut pas former de poussière par lui-même. Mais parce que les étoiles Wolf-Rayet perdent tellement de masse, elles éjectent aussi des éléments plus complexes généralement trouvés profondément dans l’intérieur d’une étoile, y compris le carbone. Les éléments lourds dans le vent refroidissent en voyageant dans l’espace et sont ensuite compressés où les vents des deux étoiles se rencontrent, comme lorsque deux mains pétrissent la pâte.

Certains autres systèmes Wolf-Rayet forment de la poussière, mais aucun n’est connu pour faire des anneaux comme Wolf-Rayet 140. Le motif d’anneau unique se forme parce que l’orbite de l’étoile Wolf-Rayet 140 est allongée, et non pas circulaire. Ce n’est que lorsque les étoiles se rapprochent – à peu près à la même distance entre la Terre et le Soleil – et que leurs vents entrent en collision que le gaz sous une pression suffisante forme des poussières. Avec des orbites circulaires, les binaires Wolf-Rayet peuvent produire de la poussière en continu.

L’arrière-plan de cette image de l’étoile Wolf-Rayet 140 est noir. Une paire d’étoiles brillantes domine le centre de l’image, avec au moins 17 anneaux de poussière concentriques rose-orange. Tout au long de la scène nous pouvons apercevoir une gamme de galaxies lointaines, dont la majorité sont très minuscules et rouges, qui apparaissent comme des taches sur le fond du ciel.

L’élément le plus commun trouvé dans les étoiles, l’hydrogène, ne peut pas former de poussière par lui-même. Mais les étoiles Wolf-Rayet dans leurs derniers stades ont emporté tout leur hydrogène. Elles peuvent donc éjecter des éléments typiquement trouvés profondément dans l’intérieur de l’étoile, comme le carbone, l’oxygène, le silicium etc.. qui peuvent former de la poussière. Les données du spectromètre à moyenne résolution (MRS) de MIRI montrent que la poussière produite par WR 140 est probablement constituée d’une classe de molécules appelées hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH), qui sont un type de carbone organique , en fait des composés riches qui sont pensés enrichir la teneur en carbone dans tout l’Univers.

Le traitement initial des données de WR 140 comprenait huit “pointes” lumineuses de lumière émanant du centre de l’image. Ce ne sont pas des caractéristiques du système, mais des artefacts du télescope lui-même. Elles ont été supprimées de l’image, afin de produire une vue spectaculaire de la scène digne des meilleurs scénarios de science-fiction. .

Crédit NASA/ESA/CSA/STScI/JPL-Caltech

Il est toujours bon de souligner que plusieurs chercheurs français font non seulement partie de l’équipe qui a soumis ce programme d’observation, mais qui ont été partie prenante dans les analyses et les publications.

Ainsi, Anthony Soulain, de l’Université de Grenoble, co-auteur de l’article, et moteur de cette recherche nous exprime son sentiment avec des détails aussi précieux que rares (que nul lecteur français ou autres ne trouveront sur les sites de la NASA). 

“L’arrivée du JWST ouvre des portes jusque là insoupçonnées. Je travaille sur ces objets depuis maintenant 6 ans, et j’avoue que personne  ne croyait pouvoir voir à l’image aux 17 anneaux. Pour ma part, j’ai travaillé sur le modèle géométrique de cet objet lorsque j’étais à Sydney, et nous avions prédit une telle signature à partir de données obtenues à travers le monde sur les 20 dernières années. Donc lorsqu’on a « collé » le modèle sur les données JWST, c’était juste WOW!!!

Sur les aspects MIRI et l’infrarouge moyen, la sensibilité offerte par le JWST permet d’imaginer des projets beaucoup plus ambitieux. Dans l’idée, on voudrait observer l’ensemble des Wolf-Rayet productrice de poussières, en dresser le portait chimique et comprendre comment ces dernières enrichissent les Galaxies. On est au début de quelque chose, et l’ensemble des instruments actuels et futurs nous aideront pour retracer l’origine des briques élémentaires nécessaires pour forger les planètes, et tout ce qui en découle. Car c’est là l’élément phare de ces étoiles monstres Wolf-Rayet:  elles pourraient être  responsables d’une part non négligeable de la poussière (petit agrégat de matière mesurant quelque dizaine de nanomètres jusqu’à plusieurs microns) dans les galaxies, et oui rien que ça.
 
Ensuite, dans le cadre du projet Wolf-Rayet Dusters, qui a permis d’explorer les premieres données JWST, nous avons également accès à un petit sous-système nommé SAM (Sparse Aperture Masking) sur l’instrument canadien NIRISS. Ce mode nous offre en fait le premier accès scientifique à l’interférométrie spatiale. On connait l’interférométrie depuis longtemps, où l’on peut combiner plusieurs télescopes et obtenir l’information correspondante à la plus grande separation entre ces télescopes: un super télescope en quelque sorte. C’est d’ailleurs la seule et unique technique qui permet d’obtenir des images à très haute résolution angulaire. Même le JWST ou le future ELT de l’Observatoire Européen (ESO) fait moins bien. C’est cette technique qui a permis (dans le domaine des ondes radio) d’obtenir la fameuse image du trou noir au centre de la Voie Lactée.
 
Bref, avec SAM (oui c’est un nom plutôt AMIcal** 🙂) , on a ajouté une petite plaquette trouée (7 petites ouvertures pour être précis) sur le chemin de lumière du JWST pour recréer artificiellement un mini interféromètre. Et ce petit mode est réellement prometteur, on travail actuellement sur des données SAM concernant un système similaire à WR140 (WR137), et la précision, la sensibilité et la robustesse est sans commune mesures avec ce qu’on peut faire depuis le sol. En étant en charge du logiciel de réduction de données de ce « petit »  mode, je pense qu’on va avoir beaucoup de travail dans les années à venir et beaucoup de jolies choses à découvrir: des petites planètes très proches de leurs étoiles, des coeurs actifs de Galaxie, des disques et autre spirale de poussière autour d’étoiles, et bien d’autres. La France à une histoire toute particulière avec interférométrie, c’est quand même l’illustre français Antoine Labeyrie qui a mis au point cette technique dans le sud de la France dans les années 70. Et depuis, la France a fait perdurer cet heritage en construisant ou participant aux instruments interférométriques les plus performants du globe (MIDI, AMBER, PIONIER, GRAVITY, MATISSE…). Avec l’interférométrie dans l’espace et le JWST, c’est une nouvelle page qui s’ouvre et j’espère que la communauté française et moi-même y prendront part entièrement.
 
**AMI est l’abréviation anglaise pour Aperture Masking Interferometry, ou en bon français: interférométrie à masque d’ouverture.”

Astrid Lambers, de l’observatoire de la Côte d’Azur, participe aussi de ce programme. Elle renchérit:

Ca fait tellement longtemps qu’on a attendu ces images! Je suis co-I de ces observations parce que j’ai participé à la proposition (en 2017!) quand Ryan Lau et moi-même étions tous les deux postdocs à Caltech. L’attente  a été très longue entre l’acceptation de la proposition (en 2018 je crois) et ces images fabuleuses. 

D’autres observations de binaires WR ont déjà eu lieu, et à terme on veut vraiment comprendre comment ces objects contribuent au bilan global de la poussière dans l’Univers. Les WR produisent la poussière très rapidement après leur formation, en comparaison avec les étoiles AGB, donc ça peut avoir un impact important sur l’Univers jeune. 

L’image MIRI est bluffante. On a construit la proposition avec l’idée d’observer quelques arcs de poussière, et on en observe 17! Ca veut dire qu’on remonte 130 ans en arriere quand on regarde le dernier arc. Et pendant 130 ans la poussière se forme de façon repetitive et se propage sans être perturbée par les vents déjà présents et le milieu interstellaire. Je ne m’attendais pas à quelquechose d’aussi “propre”, mais plus turbulent.

Moralité: nos chercheurs français sont à la pointe dans tous les domaines! Cocoricooo! 

Le JWST nous offre une nouvelle vision sur la Nébuleuse d’ORION

Un communiqué de presse commun au CNRS, à l’Université Paris-Saclay, l’Observatoire de Paris, l’université PSL (Paris Sciences et Lettres) et du CNES, daté du 12 septembre nous fait part de ces extraordinaires premières images de la Nébuleuse d’Orion obtenues avec le JWST.

Le programme Early Release Science sur la barre d’Orion (PDRs4All) est co-dirigé par Olivier Berné (IRAP), Amélie Habart (IAS) et Els Peeters de l’Université Western Ontario (Canada). Ce programme associe plusieurs chercheurs et ingénieurs de l’IAS + IRAP qui font un travail formidable dont notamment Boris Trahin à l’IAS et Amélie Canin à l’IRAP.

Située dans la constellation d’Orion, à 1350 années-lumière de la Terre, la nébuleuse d’Orion est une région riche en matière où se forment de nombreuses étoiles. Son environnement est similaire à celui dans lequel notre système solaire est né il y a plus de 4,5 milliards d’années. L’étudier permet aux chercheurs de comprendre les conditions dans lesquelles notre système solaire s’est formé.

Curieusement les sites officiels de la NASA n’en ont pas fait un grand buzz, alors que ces résultats stupéfiants ont fait l’objet de nombreuses publications dans tous les médias nationaux (tapez sur votre clavier JWST NEWS Orion et vous serez surpris du résultat). C’est peut-être, sans rentrer dans une polémique qui n’a certainement pas lieu d’être, que ce programme a été concocté, réalisé et analysé par des chercheurs hors US, une majorité d’européens et de Canadiens, dont un grand nombre de français.

C’est en effet une équipe de recherche internationale (18 pays) qui vient avec le JWST de révéler les premières images de la nébuleuse d’Orion, la pouponnière d’étoiles la plus riche et la plus proche du Système solaire, grâce à la caméra NIRCam. Elles démontrent une fois encore les performances exceptionnelles de cet instrument. Co-dirigées par des scientifiques du CNRS, de l’Université Paris-Saclay et de l’Université Western Ontario (Canada), ces observations ont également impliqué des astronomes de l’Observatoire de Paris-PSL soutenus par le CNES et bien d’autres encore dans l’hexagone.

Ces recherches ont été menées par de nombreux scientifiques français, de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (CNRS/CNES/UT3 Paul Sabatier), de l’Institut d’astrophysique spatiale (CNRS/Université Paris-Saclay), du Laboratoire d’études du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (Observatoire de Paris – PSL/CNRS/Sorbonne Université/Université de Cergy-Pontoise), de l’Institut des sciences moléculaires d’Orsay (CNRS/Université Paris-Saclay), de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (CNRS/UGA), du Laboratoire de physique de l’École normale supérieure (CNRS/ENS-PSL/Sorbonne Université/Université Paris Cité), du Laboratoire de physique des deux infinis Irène Joliot-Curie (CNRS/Université Paris Saclay), de l’Institut de physique de Rennes (CNRS/Université de Rennes 1), de l’Institut d’astrophysique de Paris (CNRS/Sorbonne Université), du laboratoire Astrophysique, instrumentation, modélisation (CNRS/CEA/Université Paris Cité), de l’Institut des sciences moléculaires (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux) et du Laboratoire de chimie et physique quantiques (CNRS/UT3 Paul Sabatier).

C’est la toute première fois que le JWST s’intéresse à cette nébuleuse, et les spécialistes se frottent déjà les mains. Il s’agit en effet d’un des objets d’étude préférés des astronomes, et pour cause : c’est une pouponnière stellaire de première catégorie qui se démarque par sa proximité avec le système solaire et son activité exceptionnelle.

Cette région de l’espace est particulièrement intéressante pour les spécialistes. Elle regorge en effet d’indices sur certaines thématiques centrales de l’astrophysique. Étudier ces nurseries stellaires, c’est la promesse de faire de grandes découvertes sur les conditions et les mécanismes qui régissent la formation des étoiles, et par extension la dynamique globale du cosmos

Le problème, c’est que ces zones de formation d’étoiles sont très difficiles à observer. Elles sont régulièrement masquées par les immenses nuages de poussière et de gaz qui servent de matière première à la formation de ces astres. Pour des télescopes d’ancienne génération comme Hubble, il était quasiment impossible de jeter un œil dans la partie la plus intéressante, à savoir le cœur de la pouponnière.

Comparaison Hubble et JWST. La différence est saisissante ! Crédit pour l’image HST: NASA/STScI/Rice Univ./C.O’Dell et al. Détails techniques : L’image HST utilise la mosaïque WFPC2. Cette image composite utilise [OIII] (bleu), l’hydrogène ionisé (vert) et [NII] (rouge). 

Mais ces obstacles, les yeux infrarouges du JWST n’en ont que faire. Depuis son entrée en fonction, les chercheurs se sont donc empressés de braquer son objectif sur les pouponnières les plus remarquables. On peut par exemple citer la nébuleuse de la Carène et le cœur de la Nébuleuse de la Tarentule (voir https://www.jwst.fr/2022/09/nouvelle-vision-de-la-tarentule/)

Le JWST s’est aventuré du côté de la constellation d’Orion. L’occasion de redécouvrir la nébuleuse du même nom sous un nouveau jour. Les astronomes peuvent enfin découvrir ce qui se cache au cœur de cette structure. Les dernières images dont disposaient les astronomes émanaient du télescope infrarouge Spitzer.

La région intérieure de la nébuleuse d’Orion vue par le télescope spatial Spitzer (à gauche) et le JWST (à droite). Les deux images ont été enregistrées avec un filtre particulièrement sensible à l’émission de poussières d’hydrocarbures qui brille sur toute l’image. Cette comparaison illustre de façon frappante le fait que les images du JWST sont incroyablement nettes en comparaison avec son précurseur. Cela ressort immédiatement des filaments complexes, mais les yeux acérés du JWST nous permettent également de mieux distinguer les étoiles des globules et des disques protoplanétaires. Crédits pour l’image de NIRCan : NASA, ESA, CSA, PDRs4All ERS Team; traitement de l’image Olivier Berné. Source de l’image : NASA/JPL-Caltech/T. Megeath (Université de Toledo, Ohio)
Détails techniques : L’image de Spitzer montre l’image infrarouge obtenue à 3,6 microns  par la caméra IRAC. L’image JWST montre la lumière infrarouge à 3,35 microns capturée par la caméra NIRCam. Les pixels noirs sont des artefacts dus à la saturation des détecteurs par des étoiles brillantes.

Nouvelle et somptueuse image de la nébuleuse d’Orion vue avec l’instrument NIRCam du JWST

On distingue sur cette nouvelle image de grands filaments de matière plutôt denses, un peu comme ceux qui ont été décrits dernièrement dans la nébuleuse de la Tarentule. Ils sont suspectés d’être des sortes de catalyseurs qui alimentent la formation et la croissance des étoiles à proximité.

Région intérieure de la nébuleuse d’Orion vue par l’instrument NIRCam du JWST.

Dans l’image ci dessus, on aperçoit de jeunes étoile avec leur disque à l’intérieur de leur cocon : en effet, des disques de gaz et de poussières se forment autour de ces bébés étoile. Ces disques sont dissipés ou “photo-évaporés” en raison du fort champ de rayonnement des étoiles proches du Trapèze, créant un cocon de poussière et de gaz autour d’elles. Près de 180 de ces disques de photoévaporation éclairés de l’extérieur autour de jeunes étoiles (appelées par les astrophysiciens “proplyds”) ont été découverts dans la nébuleuse d’Orion. Ces disques sont dissipés ou “photo-évaporés” en raison du fort champ de rayonnement des étoiles proches du Trapèze, créant un cocon de poussière et de gaz autour d’elles.  Source de l’image : NASA, ESA, CSA, Data reduction and analysis : PDRs4All ERS Team; graphic processing S. Fuenmayor; (© NASA/ESA/CSA/PDRs4All ERS Team/Salomé Fuenmayor).

Edwin (Ted) Bergin, professeur à l’Université du Michigan et membre de l’équipe qui a préparé ces observations se réjouit:

« Nous espérons comprendre l’ensemble du cycle de la naissance des étoiles. Dans cette image, nous regardons ce cycle où la première génération d’étoiles irradie essentiellement la matière pour la prochaine génération. Les structures incroyables que nous observons détailleront comment le cycle de rétroaction de la naissance stellaire se produit dans notre galaxie et au-delà. »

Emilie Habart (Institut d’Astrophysique Spatiale, IAS) une des scientifiques Françaises les plus à même sur le sujet nous éclaire:

“Le détail des images donne une vision tridimensionnelle incomparable ! Nous n’avons jamais été en mesure de voir à si petite échelle spatiale la façon dont la matière interstellaire est structurée. La fameuse barre d’Orion apparait comme un tsunami ou une piscine à débordement avec toutes ces petites structures. La grande cavité remplie de gaz ionisé nous apparait comme un fumoir traversé par des disques protoplanétaires. Ces images vont nous permettre de mieux comprendre comment les nuages interstellaires évoluent sous l’influence du rayonnement intense des étoiles et comment les systèmes planétaires se forment et évoluent dans ces environnements irradiés! 

La France de fait occupe une place primordiale dans ces recherches. En plus d’Emilie Habart, de nombreux scientifiques nationaux travaillent sur cette thématique. Pour ne citer que quelques uns, Olivier Berné,  de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) associé à l’Observatoire Midi-Pyrénées, co-dirigeant de ce programme d’observation, qui a pris soin d’analyser les premières donnéee, et Alain Abergel, Directeur de Recherche et professeur à l’IAS qui est l’un des pionniers de ces études. Mais il y en a beaucoup d’autres!

Le JWST capture la vue la plus claire des anneaux de Neptune depuis des décennies

Après avoir observé la planète Mars, le JWST montre encore ses capacités à observer près de lui avec sa première image de Neptune. Non seulement le télescope a capturé la vue la plus claire des anneaux de cette planète lointaine en plus de 30 ans, mais ses caméras révèlent cette planète géante de glace sous une toute nouvelle lumière.

Le plus frappant dans cette nouvelle image est la vue nette des anneaux de la planète, dont certains n’avaient pas été détectés depuis le survol de Voyager 2, le premier vaisseau spatial (de la NASA) et le seul à ce jour à avoir observé Neptune (en 1989). En plus de plusieurs anneaux lumineux et étroits, l’image du JWST montre clairement les bandes de poussière les plus faibles de Neptune.

Patrice Bouchet (du Département d’Astrophysique de l’Irfu au CEA – Saclay), un des découvreurs de ces anneaux (en 1986, 3 ans avant Voyager 2) ne peut cacher son émotion :

«  C’est fabuleux ! Bien plus net que les images de Voyager. Lorsque nous avons avec des moyens qui à l’époque nous paraissaient le nec-plus-ultra de ce l’on pouvait faire, mais qui aujourd’hui nous paraissent bien rudimentaires, détecté ces anneaux, nous étions loin de nous imaginer que nous pourrions de notre vivant observer si clairement l’image du signal que nos photomètres infrarouge à une seule dimension avaient alors détecté. Voir ces anneaux m’a beaucoup ému. Par ailleurs, il faut souligner la qualité d’image extrêmement stable et précise du JWST qui a permis de détecter ces très faibles anneaux si près de Neptune ».

Le JWST a pu aussi capturer sept des 14 lunes connues de Neptune : Galatea, Naiad, Thalassa, Despina, Proteus, Larissa et Triton. La grande lune inhabituelle de Neptune, Triton, domine ce portrait de Neptune comme un point de lumière très lumineux arborant les pics de diffraction vus dans de nombreuses images du JWST. (Credits image : NASA, ESA, CSA, STScI)

Recouvert d’azote condensé, Triton réfléchit en moyenne 70 % de la lumière du soleil qui l’atteint. Il dépasse de loin Neptune dans cette image parce que l’atmosphère de la planète est assombrie par l’absorption du méthane à ces longueurs d’onde proche infrarouge. Triton orbite autour de Neptune dans une orbite rétrograde inhabituelle, ce qui amène les astronomes à supposer que cette lune était à l’origine un objet de la ceinture de Kuiper qui a été capturé par gravitation par Neptune.

Neptune fascine les chercheurs depuis sa découverte en 1846. Rappelons que la découverte de Neptune fut  la première d’un objet céleste réalisée grâce à des calculs mathématiques avant de l’être par l’observation. Longtemps objet de débats quant à sa paternité, elle est aujourd’hui attribuée sans conteste à l’astronome français Urbain Le Verrier, qui avait prédit mathématiquement l’existence et la position de la planète. Les résultats de Le Verrier, publiés fin aout 1846 après deux ans de calculs à partir de la trajectoire et des caractéristiques d’Uranus, conduisirent l’astronome allemand allemand Johann Galle à rechercher observationnellement cette planète prédite par Le Verrier. Et il l’a trouvé! Si l’on en revient à l’histoire, dès le début NEPTUNE est par excellence LA planète française. Située 30 fois plus loin du Soleil que de la Terre, Neptune tourne autour du Soleil dans la région lointaine et sombre du système solaire extérieur. À cette distance extrême, le Soleil est si petit et faible que le midi sur Neptune est semblable à un crépuscule faible sur Terre.

Cette planète est décrite comme une géante de glace en raison de la composition chimique de son intérieur. Comparée aux géants gazeux, Jupiter et Saturne, Neptune est beaucoup plus riche en éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium. Ceci est évident dans son aspect bleu caractéristique dans les images du télescope spatial Hubble aux longueurs d’onde visibles, causées par de petites quantités de méthane gazeux.

La caméra infrarouge proche du JWST (NIRCam) image des objets dans le proche infrarouge de 0,6 à 5 microns, de sorte que Neptune ne semble pas bleu. En fait, le méthane absorbe si fortement la lumière rouge et infrarouge que la planète est assez sombre à ces longueurs d’onde proche infrarouge, sauf là où des nuages de haute altitude sont présents. C’est justement à cause de cette particularité que les anneaux ont pu être détectés depuis le sol en observant à une longueur d’onde caractéristique de l’absorption du méthane ce qui diminue considérablement la luminosité de la planète. Ces nuages de méthane-glace sont proéminents comme des stries et des taches brillantes, qui reflètent la lumière du soleil avant qu’elle ne soit absorbée par le méthane. Des images d’autres observatoires, dont le télescope spatial Hubble et l’observatoire W.M. Keck, ont enregistré ces caractéristiques nuageuses en évolution rapide au fil des ans.

Neptune ne semble pas bleu lorsque la planète est observée avec NIRCAM. En fait, le méthane absorbe si fortement la lumière rouge et infrarouge proche que la planète est sombre à ces longueurs d’onde, sauf là où des nuages de haute altitude sont présents. Ces nuages de méthane-glace sont proéminents comme des stries et des taches brillantes, qui reflètent la lumière du soleil avant qu’elle ne soit absorbée par le méthane. (Crédits pour l’image: NASA, ESA, CSA, STScI)

Plus subtilement, une mince ligne de luminosité entourant l’équateur de la planète pourrait être une signature visuelle de la circulation atmosphérique qui alimente les vents et les tempêtes sur Neptune. L’atmosphère descend et se réchauffe à l’équateur, et brille donc aux longueurs d’onde infrarouges plus que les gaz environnants, plus frais.

Neptune accomplit son orbite en 164 ans, ce qui signifie que son pôle nord, au sommet de cette image, est juste hors de vue pour les astronomes, mais les images du JWST suggèrent une luminosité intrigante dans cette zone. Un vortex déjà connu au pôle sud est évident dans l’image obtenue avec NIRCam, mais pour la première fois, elle montre une bande continue de nuages de haute latitude qui entourent la planète.

Ce qui justifie le fait que le JWST va poursuivre les études de Neptune et de Triton dans les années à venir !

(inspiré d’un communiqué de la NASA – Goddard et STScI – du 21 septembre 2022).

Premières images et spectres de Mars.

Le JWST n’observe pas seulement des galaxies lointaines et l’atmosphère des exoplanètes. Il observe aussi notre environnement proche, notre système solaire. Le 5 septembre 2022 le télescope a pu capturer une vue du disque observable de Mars (la partie du côté du soleil qui fait face au télescope) : des images et des spectres avec la résolution spectrale nécessaire pour étudier des phénomènes à court terme comme les tempêtes de poussière, les modèles météorologiques, les changements saisonniers et, en une seule observation, les processus qui se produisent à différents moments (jour, coucher du soleil et nuit) d’un jour martien.

Et pourtant, la planète rouge est si proche et si brillante dans l’infrarouge que le grand défi était d’éviter de saturer les capteurs ultrasensibles des instruments, car la lumière infrarouge de Mars est aveuglante. Malgré ces inconvénients, le JWST a pu « tirer le portrait » de notre planète voisine.

Les premières images de Mars, obtenues par la caméra infrarouge proche (NIRCam) du JWST, montrent une région de l’hémisphère oriental de la planète à deux longueurs d’onde différentes dans la lumière infrarouge. Cette image montre une carte de référence de surface de la NASA et de l’altimètre laser Mars Orbiter (MOLA) à gauche, avec les deux champs de vision de l’instrument NIRCam superposés. Les images dans le proche infrarouge du JWST sont affichées sur la droite sur le montage ci-dessous..

Cette image montre une lumière solaire réfléchie de 2,1 microns, qui révéle des caractéristiques de surface telles que des cratères et des couches de poussière. En bas à droite : Image simultanée de NIRCam montrant une lumière émise à 4,3 microns qui nous informe sur des différences de température avec la latitude et l’heure de la journée, ainsi que l’assombrissement du bassin Hellas causé par des effets atmosphériques. La zone jaune vif est juste à la limite de saturation du détecteur. (Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI, Mars JWST/GTO équipe)

L’image de NIRCam aux plus courtes longueurs d’onde (2,1 microns) [en haut à droite sur l’image] est dominée par la lumière réfléchie du soleil, et révèle donc des détails de surface semblables à ceux qui apparaissent dans les images en lumière visible [à gauche]. Les anneaux du cratère de Huygens, la roche volcanique foncée de Syrtis Major, et l’éclaircissement dans le bassin de Hellas sont tous apparents dans cette image.

A plus longue longueur d’onde (4,3 microns) [en bas à droite sur l’image] on décèle l’émission thermique – la lumière émise par la planète lorsqu’elle perd de la chaleur. La luminosité de la lumière à cette longueur d’onde est liée à la température de la surface et de l’atmosphère. La région la plus lumineuse de la planète est celle où le Soleil est presque au-dessus du ciel, car elle est généralement la plus chaude. La luminosité diminue vers les régions polaires, qui reçoivent moins de lumière du soleil, et moins de lumière est émise par l’hémisphère nord plus frais, qui connaît l’hiver à cette période de l’année.

Cependant, la température n’est pas le seul facteur affectant la quantité de lumière de 4,3 microns. Lorsque la lumière émise par la planète traverse l’atmosphère de Mars, une partie est absorbées par des molécules de dioxyde de carbone (CO2). Le bassin Hellas – qui est la plus grande structure d’impact bien conservée sur Mars, s’étendant sur plus de 2 000 kilomètres – semble plus sombre que les environs en raison de cet effet.

Geronimo Villanueva, du Centre Spatial Goddard de la NASA qui a conçu ces observations explique:

“Ce n’est pas un effet thermique chez Hellas. Ce bassin est situé à une altitude plus basse, ce qui augmente la pression atmosphérique. Cette pression plus élevée entraîne une suppression de l’émission thermique à cette plage de longueurs d’onde particulière [4,1-4,4 microns] en raison d’un effet appelé élargissement de pression. Il sera très intéressant de distinguer ces effets concurrents dans ces données.”

Villanueva et son équipe ont également publié le premier spectre proche infrarouge de Mars obtenu par le JWST, démontrant sa puissance pour étudier la planète rouge en spectroscopie. Compte tenu du fait que les images obtenues montrent des différences de luminosité (intégrées sur un grand nombre de longueurs d’onde) d’un endroit à l’autre de la planète à un jour et une heure donnée, le spectre montre les variations subtiles de luminosité entre des centaines de longueurs d’onde différentes représentatives de la planète dans son ensemble. Les astronomes analyseront les caractéristiques du spectre pour recueillir des informations supplémentaires sur la surface et l’atmosphère de la planète.

L’analyse préliminaire du spectre montre un riche ensemble de caractéristiques spectrales qui contiennent des informations sur la poussière, les nuages glacés, le type de roches à la surface de la planète et la composition de l’atmosphère. Les signatures spectrales – y compris les vallées profondes connues sous le nom de caractéristiques d’absorption – de l’eau, du dioxyde de carbone et du monoxyde de carbone sont facilement détectées avec le JWST. 

Le premier spectre proche infrarouge de Mars, capturé par le spectrographe proche infrarouge (NIRSpec) le 5 septembre 2022, dans le cadre du programme d’observation à temps garanti 1415, Le spectre est dominé par la lumière réfléchie du soleil à des longueurs d’onde inférieures à 3 microns et l’émission thermique à des longueurs d’onde plus longues. L’analyse préliminaire révèle que les creux spectraux apparaissent à des longueurs d’onde spécifiques où la lumière est absorbée par les molécules dans l’atmosphère de Mars, en particulier le dioxyde de carbone, le monoxyde de carbone et l’eau. D’autres détails révèlent des informations sur la poussière, les nuages et les caractéristiques de surface. En construisant un modèle le mieux adapté du spectre, en utilisant, par exemple, le générateur de spectre planétaire, des abondances de molécules données dans l’atmosphère peuvent être dérivées. (Source : NASA, ESA, CSA, STScI, équipe JWST/GTO de Mars)

Ces observations de NIRCam et de NIRSpec de Mars ont été effectuées dans le cadre du programme du système solaire GTO (Cycle 1 Guaranteed Time Observation) du JWST dirigé par Heidi Hammel de l’Association des Universités pour des Recherches en Astronomie (AURA, qui dirige l’Institut pour la science des télescope spatiaux, à Baltimore – STScI). Plusieurs scientifiques français font partie de cette équipe. En particulier Thierry Fouchet et Emmanuel Lellouch, de l’Observatoire de Paris. 

Emmanuel Lellouch, un des scientifiques français les plus à même des recherches sur Mars, reste pourtant très prudent.

« C’est surtout une performance d’avoir réussi à sortir des images et un spectre de Mars malgré les problèmes de saturation sur une source aussi forte. Ceci dit, ayant vu le traitement et les problèmes (qu’on ne voit pas sur le spectre publié), je ne suis pas encore sûr de ce que l’on pourra extraire scientifiquement de ces données. On pourra sans doute faire des cartes de HDO et donc du rapport D/H, ce qui est important pour la météorologie et l’évolution de l’atmosphère de Mars. Je suis plus sceptique sur le fait qu’on puisse améliorer les contraintes sur le méthane, à l’heure où la mission Trace Gas Orbiter a donné déjà des limites extrêmement basses ».

Thierry Fouchet, un autre spécialiste de Mars, semble plus confiant quant à l’avenir: 

“Un certains nombres de controverses récentes sur Mars, comme celle sur le méthane, opposent une vision très statique de la planète à une vision plus dynamique avec des épanchements voire éruptions de gaz. En cas d’évènement sporadique, ce spectre démontre que le JWST pourra être utilisé pour confirmer ou infirmer des détections publiées par d’autres instruments, et avec une sensibilité imbattable.”

En dépit de ces réserves, à l’avenir, l’équipe de Mars utilisera ces données d’imagerie et de spectroscopie pour explorer les différences régionales à travers la planète, et pour rechercher des traces de gaz dans l’atmosphère, y compris le méthane et le chlorure d’hydrogène.

JWST