La caméra dans le proche infrarouge (NIRCam) est l’imageur principal du JWST dans le domaine de l’infrarouge proche (entre 0,6 et 5 microns). NIRCam est particulièrement adaptée aux principaux thèmes de recherche pour lesquels le JWST a été conçu : la détection des premières phases de formation stellaire et galactique telles que les précurseurs des amas globulaires que nous observons aujourd’hui ; la morphologie et les couleurs des galaxies à très grands décalages vers le rouge (redshifts) dans le cadre de référence des longueurs d’onde visibles; la détection et l’élaboration des courbes de lumière de supernovae distantes ; les relevés de matière noire via des effets de lentilles gravitationnelles ; l’étude des populations stellaires dans les galaxies proches ; la détection, l’imagerie et la spectroscopie de proto-étoiles, disques proto-planétaires, et exo-planètes. NIRCam est aussi l’instrument qui sera utilisé comme analyseur de front d’onde pour permettre de contrôler l’alignement et le phasage du miroir primaire du JWST.
NIRCam a été construit par une équipe de l’Université d’Arizona at le Centre de Technologie de Pointe Lockheed Martin, sous la conduite du Professeur Marcia Rieke. Sa haute sensitivité, son multiplexage de longueur d’ondes, et son grand champ de vue permettent de faire de l’imagerie à la limite de diffraction et des relevés profonds.
Le modèle standard de la cosmologie, fondement de notre compréhension de l’Univers depuis le Big Bang, est-il en danger ? Les récentes observations du télescope spatial James Webb (JWST), menées par une équipe internationale dont fait partie le Département d’Astrophysique du CEA-IRFU, révèlent des galaxies massives dans l’Univers jeune qui ont suscité un vif débat au sein de la communauté scientifique. Alors que certains chercheurs y voient une remise en question de ce modèle, d’autres avancent que ces masses galactiques ont été surestimées, suggérant que des mesures plus précises pourraient résoudre l’énigme sans invalider le modèle standard. Grâce au programme FRESCO, des données spectroscopiques plus précises que les précédentes mesures semblent réconcilier ces galaxies précoces avec les prévisions théoriques. Toutefois, trois cas extrêmes continuent de défier notre compréhension de la formation galactique.
Le modèle standard de la cosmologie remis en question
Figure 1 : Images des trois galaxies massives et lointaines qui défient notre compréhension de la formation galactique. Crédits : NASA/CSA/ESA, M. Xiao & P. A. Oesch (Université de Genève), G. Brammer (Niels Bohr Institute), Dawn JWST Archive.
Le modèle standard de la cosmologie, également appelé modèle ΛCDM (Lambda Cold Dark Matter), est actuellement le modèle de référence pour décrire l’évolution de l’Univers depuis le Big Bang. Il permet notamment d’expliquer des observations astronomiques telles que le fond diffus cosmologique — un rayonnement provenant de toutes les directions du ciel —, les structures à grande échelle, ainsi que la formation des galaxies en amas.
Ainsi, lorsque les astronomes ont jeté un premier coup d’œil sur la jeunesse de l’Univers grâce au télescope spatial James Webb (JWST) de la NASA, ils s’attendaient à observer des galaxies modestes et en pleine croissance, conformément aux prédictions de ce modèle standard. Or, les scientifiques ont découvert une abondance inattendue de galaxies bien trop massives pour le jeune âge de l’Univers.
Depuis lors, deux communautés scientifiques s’opposent : d’un côté, ceux qui estiment que ces découvertes révèlent des lacunes dans le modèle standard de la cosmologie, nécessitant sa remise en question complète ; de l’autre, ceux qui contestent les mesures de masses galactiques, jugées surestimées car fondées uniquement sur des observations photométriques insuffisamment précises. Selon ces derniers, il faudrait plutôt ajuster les modèles de croissance galactique sans pour autant remettre en cause le modèle standard.
Le programme d’observations FRESCO apporte de nouveaux éléments de réponses
Figure 2 : Images et spectres des trois galaxies ultra-massives et primitives (Z ∼ 5 – 6) observées par le programme d’observation FRESCO utilisant l’instrument NIRCam du JWST. Les images à gauche ont été prises avec trois filtres NIRCam (1,82 µm, 2,10 µm et 4,44 µm), puis combinées en couleur (F182M en bleu, F210M en vert et F444W en rouge), accompagnées de la carte en Hα. À droite, les spectres 1D (couvrant les lignes d’émission Hα, [NII] et [SII]) ont été obtenus avec le grisme NIRCam et le filtre F444W. Les zones grises montrent l’incertitude associée à 1 sigma, et la ligne bleue représente le modèle qui ajuste au mieux les données. Crédits : Xiao et al. 2024.
C’est dans ce contexte qu’une équipe internationale, incluant des astronomes du Département d’Astrophysique du CEA Paris-Saclay, apporte de nouvelles explications grâce au programme d’observation FRESCO. L’objectif de ce programme est de mesurer avec précision la masse des premières galaxies à l’aide de l’instrument NIRCam/grism du JWST, qui permet des mesures spectroscopiques à haute résolution, bien plus précises que les précédentes mesures photométriques (voir Figure 2).
« NIRCam nous permet d’identifier et d’étudier la croissance des galaxies au fil du temps, et d’obtenir une image plus précise de l’accumulation de la masse stellaire au cours de l’histoire cosmique », explique Pascal Oesch, professeur assistant au Département d’astronomie de l’UNIGE, principal investigateur de ce programme d’observation et co-auteur de cette nouvelle étude.
« Seul le télescope James Webb a la capacité de mesurer la masse stellaire des galaxies à des époques aussi reculées, jusqu’à un milliard d’années après le Big Bang, car la lumière y est décalée vers l’infrarouge », explique David Elbaz, directeur scientifique du Département d’Astrophysique au CEA Paris-Saclay et co-auteur de l’article.
Le programme d’observation FRESCO apporte de nouveaux éléments de réponses
Figure 3 : Comparaison des masses de galaxies massives et lointaines en fonction de leur décalage vers le rouge (Z), mesurées par photométrie et spectroscopie, par rapport aux attentes théoriques du modèle standard de la cosmologie (ΛCDM). Les cercles gris représentent les galaxies rapportées dans la littérature, avec celles dont le décalage vers le rouge (Z) a été mesuré uniquement par photométrie (carrés vides gris). Les cercles rouges vides correspondent aux 36 galaxies observées dans le cadre du programme FRESCO, dont les décalages vers le rouge ont été mesurés précisément par spectroscopie grâce au JWST. Les barres d’erreur montrent les incertitudes des mesures. Les lignes rouges et bleues indiquent la masse maximale des galaxies attendue selon le modèle ΛCDM, en fonction de l’efficacité de conversion des baryons en étoiles (Epsilon = 1 et 0,2, respectivement), tandis que la ligne noire représente la limite supérieure du modèle. Les cercles rouges pleins correspondent aux trois galaxies qui défient nos théories de formation galactique. Bien qu’elles restent compatibles avec le modèle ΛCDM, ces galaxies ultra-massives présentent une efficacité de formation stellaire moyenne de Epsilon ∼ 0,5, ce qui suggère une conversion très efficace des baryons en étoiles, difficilement explicable avec les modèles actuels. Crédits : Xiao et al. 2024
En utilisant les données du programme FRESCO, l’équipe de chercheurs a ainsi pu mener une étude systématique de 36 galaxies massives. L’analyse suggère que la majorité des galaxies ultra-massives dans la jeunesse de l’Univers sont compatibles avec le modèle cosmologique standard, à l’exception de trois d’entre elles, qui représentent un défi potentiel et remettent en question les modèles de formation galactique (voir Figure 3).
« Ces galaxies présentent des taux de formation d’étoiles proches de 1 000 masses solaires par an, des niveaux qui ne peuvent s’expliquer que par un processus de formation extrêmement efficace, que les modèles actuels ne parviennent pas à reproduire », affirme Dr. Mengyuan Xiao, post-doctorante au Département d’astronomie de l’UNIGE et première autrice de l’étude.
La remise en cause du modèle standard cosmologique semble donc s’éloigner. En effet, les nouvelles observations plus précises des masses galactiques permettent de réconcilier les observations avec les prédictions du modèle standard. Cependant, l’existence de ces trois galaxies ultra-massives si tôt dans l’histoire de l’Univers défie notre compréhension de la formation des galaxies dans l’Univers jeune.
« Ces résultats suggèrent que parmi les premières galaxies, certaines étaient capables de convertir le gaz en étoiles avec une efficacité extrême, bien au-delà de ce que prédisent les modèles actuels. Les futures observations avec le JWST et l’Atacama Large Millimeter Array (ALMA) seront essentielles pour déterminer si ces galaxies ultra-massives représentent un cas isolé ou un phénomène plus répandu », enchérit la chercheuse.
« Il va maintenant falloir comprendre comment l’univers a formé des galaxies plus massives que la Voie lactée il y a près de 13 milliards d’années, soit environ un milliard d’années après le big bang », conclut David Elbaz
La NASA a récemment décerné le Silver Group Achievement Award à 232 experts mondiaux pour leur contribution à la mise en service du télescope spatial James Webb (JWST). Ces experts ont travaillé 24 heures sur 24 pendant les six mois du commissioning. Leur travail acharné a permis d’obtenir pour tous les instruments des performances finales surpassant les spécifications initiales. Parmi cette équipe, on compte six Français.
Un travail d'équipe
Figure 2 – Christophe Cossou et Daniel Dicken dans le Centre de Contrôle des Opérations de la Mission JWST au Space Telescope Science Institute (STScI) au moment de la première observation avec l’instrument MIRI (first light), visible sur l’écran en arrière-plan.
Le télescope spatial James Webb (JWST) est le premier observatoire d’astrophysique au monde et un succès incontestable. Les équipes dédiées, qui ont confirmé le fonctionnement des instruments scientifiques (IS) et des sous-systèmes pendant les six mois de mise en service, sont la clé de ce succès. Grâce à des séquences méticuleusement planifiées et à une coordination soignée entre toutes les activités de l’observatoire, ces équipes internationales ont assuré une couverture 24h/24, examiné les données et résolu les problèmes dès qu’ils se présentaient.
Parmi eux, six Français : Pierre-Olivier Lagage (CEA Paris-Saclay), co-responsable de l’instrument MIRI, Christophe Cossou (CEA Paris-Saclay), Daniel Dicken (CEA Paris-Saclay et Institut d’Astrophysique Spatiale), Alain Coulais (CEA Paris-Saclay et Observatoire de Paris), Pierre Baudoz (Observatoire de Paris) et Pierre Guillard (Institut d’Astrophysique de Paris)
La mise en service de MIRI
Figure 3 – Equipe responsable de la mise en service de l’instrument MIRI au STSCI (Baltimore – USA) qui abrite le Centre d’Opération du JWST.
L’une des caractéristiques du JWST est d’observer dans la portion de l’infrarouge moyen du spectre électromagnétique via l’instrument MIRI (instrument Mid InfraRed) à forte contribution française. Les observations sont possibles grâce à un refroidissement actif fourni par un cryoréfrigérateur qui « extrait » la chaleur des plans focaux et des optiques de MIRI pour offrir des performances spectroscopiques sans précédent. Il a fallu attendre trois mois après le lancement du télescope pour que le cryoréfrigérateur atteigne la température requise de 7 K, soit près de -266°C.
« J’étais aux commandes quand on a démarré le cryoréfrigérateur et tout s’est magnifiquement passé. Voir en direct la température descendre… Là on se dit que ça va aller ! » Témoigne Alain Coulais, ingénieur de Recherche détaché au Département d’Astrophysique du CEA-Saclay
Grâce à une planification précise des tests et de l’analyse des données de la part des équipes (cf. Figure 3), l’instrument MIRI a été entièrement mis en service en seulement trois semaines. MIRI n’a rencontré qu’un seul problème : une caractéristique inattendue de lumière parasite a fait échouer la méthode prévue pour aligner les coronographes. Une fois ce problème résolu, les coronographes ont été alignés et ont dépassé leurs performances initialement prévues d’un facteur de quatre.
« Etre aux commandes pour activer l’ouverture de l’instrument vers le ciel, puis l’acquisition de la première image fut un moment magique, l’aboutissement de plusieurs années de préparation » Explique Christophe Cossou, ingénieur de Recherche au Département d’Astrophysique du CEA-Saclay
La mise en service de NIRCam
Figure 4 – Image de l’étoile 2MASS J17554042+6551277 prise par le télescope spatial James Webb après l’alignement de son miroir primaire. Les figures de diffraction autour de l’étoile confirme l’alignement parfait des 18 segments constituant le miroir primaire.
Crédit : NASA/STScI
L’équipe responsable de la caméra proche infrarouge (NIRCam) a permis l’alignement optique des 18 segments du miroir primaire du JWST (cf. Figure 4). Ils ont traité les problèmes de stabilité de pointage, des états thermiques inattendus et de l’exécution des activités qui ont permis d’obtenir un télescope aligné qui dépasse les spécifications pour lesquels il a été construit.
La mise en service de NIRSpec
Figure 5. A Gauche : Schéma de l’agencement de l’assemblage des micro-obturateurs (MSA), avec des cibles scientifiques (en bleu) montrées dans leurs volets MSA ouverts (en vert). Crédit : NASA/STScI A droite : Exemple d’utilisation des MSA pour mesurer la distance obtenue avec NIRSpec des galaxies individuelles parmi un champ de milliers de galaxies. Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI
Au sein de l’équipe du spectrographe proche infrarouge (NIRSpec), chaque observation a été soigneusement planifiée pour garantir une efficacité maximale, et toutes les activités de calibration ont été complétées dans les délais impartis.
NIRSpec utilise des réseaux de 250 000 micro-obturateurs (MSA), de petites fenêtres qui peuvent être sélectionnées individuellement pour observer des étoiles cibles (cf. Figure 5). Pour résoudre les problèmes d’acquisition de cibles MSA, l’équipe a passé des jours et des nuits à trouver des problèmes sur les systèmes connexes et à les résoudre.
La mise en service de FGS
Figure 6 – Cette image test du détecteur du FGS a été acquise sur une période de huit jours lors de la phase de la mise en service et des tests de performance du JWST. Bien que non optimisée pour la détection d’objets faibles, elle capture néanmoins des objets extrêmement faibles.
Crédit: NASA, CSA, and FGS team.
Le capteur de guidage fin (FGS) fournit des images d’étoiles cataloguées au système de contrôle d’attitude 16 fois par seconde, permettant à Webb de pointer avec précision en restant très stable sur une longue durée (cf. Figure 6). Grâce aux efforts de l’équipe FGS, la précision de pointage dépasse là aussi les spécifications initialement prévues.
Le guidage nécessite une surveillance quasi constante depuis la console. L’équipe a effectué de nombreuses répétitions spécifiques au FGS pour se préparer au processus complexe d’alignement des miroirs. Leurs efforts ont conduit à plusieurs réalisations majeures qui ont amélioré les capacités de guidage. Ils ont analysé des images pour générer des paramètres mis à jour, améliorant ainsi les performances de guidage pour les étoiles brillantes et les champs encombrés, et ont également perfectionné les scripts de commande pour optimiser les performances globales.
La mise en service de NIRISS
Figure 7 – Courbe de lumière obtenu avec l’instrument NIRISS d’un transit de l’exoplanète géante WASP-96 b devant son étoile. NIRISS est parfaitement adapté à ce type d’observation à fort contraste. Lors de cette observation, l’instrument a pu mesurer des différences de luminosité de l’ordre de 0,02 %.
Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI
Un problème résolu par l’équipe de l’imageur infrarouge proche et du spectrographe sans fente (NIRISS) était la lumière dispersée provenant de l’assemblage de l’échangeur de chaleur MIRI (HSA). Ils ont identifié le problème et confirmé qu’une fois le HSA refroidi, les niveaux de signal sont tombés aux limites attendues (cf. Figure 7).
Après une défaillance initiale de l’acquisition de cible, l’équipe a travaillé pour corriger les scripts embarqués, ce qui a abouti à une acquisition de cible qui dépasse les attentes.
Le ICDH et l’ISIM
Figure 8 – Falaises cosmiques dans la nébuleuse de la Carène prise par la caméra NIRCam, l’une des nombreuses images spectaculaires du JWST qui sont possibles grâce à l’effort d’une équipe internationale que le prix d’argent de la NASA récompense.
Crédit : NASA, ESA, CSA, STScI
Le module de commande et de traitement des données des instruments scientifiques intégrés (ICDH) et l’unité des services distants ISIM (IRSU) ne reçoivent pas les acclamations des instruments scientifiques, mais sans eux, il n’y aurait pas de logiciel pour prendre les images, pas de commande, et pas de données transmises au sol.
Cette équipe a soutenu les tests et les répétitions avant et après le lancement, travaillant 24 heures sur 24 pendant les six mois complets de mise en service. Non seulement leurs sous-systèmes ont fonctionné sans heurts, mais leur expertise a été une ressource précieuse pour les autres équipes en cas de problème.
Les résultats de la dévotion de l’équipe de mise en service conjointe sont graphiquement illustrés par les images inspirantes publiées au public (cf. Figure 8).
Les supernovae sont des corps célestes fondamentaux dans l’évolution de l’univers, mais elles revêtent toujours d’importants mystères comme, par exemple, leur contribution relative à la production de poussières dans l’univers primordial.
La supernova SN 1987A est apparue le 23 février 1987 dans le Grand Nuage de Magellan, à quelques 165000 années-lumière de nous. C’est la première supernova visible en 400 ans, depuis celle de 1604, dite de Kepler, en l’honneur de Johannes Kepler, qui en fut un de ses observateurs les plus assidus, et qui s’est produite, elle, dans notre Galaxie (plus précisément dans la constellation d’Ophiuchus). Née à l’ère des télescopes, SN 1987A a été depuis sa naissance, et est toujours, observée par les moyens les plus modernes dont disposent les astronomes. Elle est devenue à ce titre une véritable icone, sans être vraiment emblématique de sa classe. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’elle soit une des premières cibles du Télescope Spatial James Webb, le JWST, dont il n’est plus nécessaire de souligner l’extrême sensitivité et l’excellente résolution angulaire.
Figure 1 – Image de SN 1987A et de son environnement, obtenue en 2022 avec le Télescope Spatial Hubble (HST) à travers un filtre centré sur la longueur d’onde de l’hydrogène à 1.08 micron. Les contours indiquent la région d’où provient l’émission d’argon fortement ionisé observée avec le MRS et NIRSpec, qui marque la présence d’un objet compact (voir le dernier paragraphe de cet article). L’étoile indique le centre de l’anneau équatorial (Fransson et al., 2024).
Le domaine spectral qui correspond à l’infrarouge est très important: il complète les autres domaines de longueurs d’onde du spectre électromagnétique d’un corps céleste, ce qui est nécessaire pour comprendre les mécanismes physiques qui sont en jeu; de plus, il permet non seulement d’étudier les poussières mais aussi de voir des sources lumineuses qui peuvent être cachées par ces poussières.
Si plusieurs observations de supernovae ont été réalisées dans l’infrarouge proche (entre 1 et 5 micron), SN 1987A est la seule supernova à avoir été observée dans l’infrarouge moyen (entre 5 et 30 micron) pour être la seule connue qui soit suffisamment brillante à ces longueurs d’onde. Ces observations ont démarré depuis son apparition, mais c’était alors depuis le sol, avec tous les inconvénients que produit l’atmosphère à ces longueurs d’onde. Tous les instruments du JWST ont magnifiquement pallié ces inconvénients pour donner aux astronomes une nouvelle vision des mécanismes physiques en cours, du cœur de la supernova à son environnement circumstellaire, et jusqu’au milieu interstellaire.
Une description de l’environnement de SN 1987A ainsi qu’un compte rendu des premières observations effectuées avec le JWST se trouvent ici. Ces observations se sont poursuivies, et des résultats spectaculaires ont été obtenus. Ils sont décrits dans ce qui suit.
SN 1987A vue en Infrarouge Moyen
Avec l'imageur MIRIm
Carte des températures calculées avec un modèle standard de la composition des poussières, sur laquelle sont superposés les contours de l’image obtenue à 5,6 micron (le niveau des contours en mJy/pixel est indiqué sur la figure) (Bouchet et al., 2024).
MIRI, conçu et construit en grande partie par le CEA, sous l’égide du CNES, est l’instrument du JWST qui observe dans l’infrarouge moyen. Sa composante imageur a permis d’élaborer une carte détaillée des températures en jeu, tout en fournissant des données inédites sur la morphologie de ce que les astronomes appellent « les Restes de la Supernova » (Supernova Remnant). Une attention particulière a été portée sur les poussières : certaines résultent de l’évolution de l’étoile progénitrice (elles sont donc antérieures à l’évènement) et se trouvent en particulier dans les différents anneaux, tandis que d’autres se sont condensées dans les éjecta pendant l’évènement. A l’aide de l’imageur de MIRI, une destruction des poussières dans certaines zones, et une nouvelle condensation de celles-ci dans d’autres ont pu être observées. Les images obtenues montrent que l’onde de choc initiale, véritable moteur du phénomène, a maintenant atteint les régions extérieures du milieu circumstellaire (voir l’article de Bouchet et al.).
Images obtenue à 5,6, 10, 18 et 25,5 micron avec l’imageur de MIRI (MIRIm), avec les contours de l’image obtenue avec le MRS à 6,985 micron, qui correspond à la longueur d’onde de l’argon doublement ionisé. Les dimensions du faisceau lumineux pour chaque longueur d’onde sont illustrées en bas à gauche de chaque image (Bouchet et al., 2024).
Avec le spectroscope MIRI MRS
Toujours dans l’infrarouge moyen (ou thermique), le spectrographe à moyenne résolution spectrale de MIRI (appelé MRS, pour Medium Resolution Spectrograph) a permis grâce à son excellent pouvoir de séparation spatial de distinguer en détails les éjecta de la supernova, l’anneau équatorial qui les entoure, et le milieu circumstellaire plus lointain. L’anneau équatorial est situé à une distance de 0,7 année-lumière du centre de la supernova, et résulte d’un épisode de l’évolution de son progéniteur il y a quelques 20000 ans. Le milieu circumstellaire plus lointain consiste en particulier en deux anneaux qui formerait un sablier s’il était vu perpendiculairement à son grand axe (voir figure dans l’actualité précitée). Lorsque du gaz en expansion heurte des régions denses, il se refroidit. Les spectres de la lumière émise dans ces différentes régions permettent de mettre en évidence certaines propriétés de ce gaz lorsqu’il rentre en contact avec l’anneau équatorial, et après le choc. Ils ont aussi conduit à l’identification d’éléments chimiques dans les milieux les moins denses, dont la forte ionisation pourrait avoir été produite par la progression d’une succession d’onde de chocs à travers l’anneau, ou par le rayonnement UV associé à l’origine de l’évènement. Le MRS a aussi montré que les grains de poussières les plus petits sont plus facilement détruits que ceux de dimensions supérieures, et a mis en lumière les principaux éléments qui composent les éjecta (voir l’article de Jones et al.)
SN 1987A vue en Infrarouge Proche
Avec l'imageur NIRCam
L’extraordinaire résolution angulaire de la caméra NIRCam (Near Infrared Camera) , avec un pouvoir de séparation de 0,05 seconde d’arc dans l’infrarouge proche a permis d’identifier pour la première fois trois régions bien distinctes : (1) de faibles croissants d’hydrogène moléculaire, situés entre les éjecta et l’anneau équatorial, (2) une barre qui est une substructure des éjecta, et (3) une émission continue brillante à l’extérieur de l’anneau. Dans les courtes longueurs d’onde (de 1 à 2,3 micron), les images de NIRCam montrent que le rayonnement provient d’une émission de raies qui révèlent la présence des éléments chimiques qui se trouvent dans les éjecta et dans certaines régions de l’anneau équatorial (que les astronomes appellent les points chauds). Par contre, dans la fenêtre spectrale comprise entre 3 et 5 micron, il s’agit d’une émission continue provenant de poussières dans les éjecta (poussières qui, par ailleurs, pourraient masquer le centre de la supernova), et d’une émission synchrotron dans l’anneau équatorial et son extérieur. Ces observations montrent que le refroidissement et la destruction des poussières sont plus rapides que le refroidissement du rayonnement synchrotron, qui est lui-même plus rapide que la recombinaison de l’hydrogène dans l’anneau. Un sous-produit très important de ces observations réalisées avec NIRCam, est que celles-ci ouvrent une nouvelle fenêtre dans l’étude de l’accélération des particules et de la physique des chocs dans des détails sans précédent, lorsqu’ils sont explorés par l’émission synchrotron dans le proche infrarouge. Ceci permet d’établir une image très précise de la façon dont une supernova évolue (voir l’article de Matsuura et al.).
Image composée à partir de cinq filtres de NIRCam (1,5 et 1.6 micron en bleu ; 2 micron en jaune ; 4 micron en orange; 4,4 micron en rouge). L’intérieur des éjecta est composé essentiellement de fer qui rayonne à 1.6 micron. A l’intérieur des éjecta, on aperçoit une barre alignée approximativement sur la direction Est – Ouest, et 2 croissants apparaissent entre les éjecta et l’anneau équatorial. Des points chauds sont aussi visibles dans l’anneau équatorial délimité par les 2 ellipses, mais on en trouve aussi à l’extérieur de cet anneau. La position des 2 anneaux extérieurs est indiquée par les ellipses en pointillés (Nord vers le haut, Est vers la droite). (Matsuura et al., 2024)
Avec le spectroscope NIRSpec
Pour clore cette série d’observations, le spectrographe NIRSpec (Near Infrared Spectrograph) a fourni la première spectroscopie spatialement résolue de l’éjecta et de l’anneau équatorial entre 1 et 5 micron. Pour la première fois aussi, des cartes en 3-D des émissions du fer à l’intérieur des éjecta ont pu être construites, ainsi que de celles de l’hélium dans le choc inverse (tout choc qui se propage dans une région dense génère un choc inverse) : la première sonde la géométrie de l’évènement et la seconde trace la composition du milieu circumstellaire. La carte 3-D du fer, prépondérant dans les éjecta, révèle une morphologie fortement asymétrique qui ressemble à un dipôle brisé dominé par deux gros amas animés de vitesses élevées (environ 2300 km/s). Ces observations prouvent également que l’intérieur de ces éjecta a commencé à interagir avec le choc inverse. NIRSpec a observé aussi de très nombreuses raies d’hydrogène moléculaire : celui-ci est très probablement excité par un rayonnement ultraviolet extrême, mais pourrait aussi résulter d’une combinaison de collisions et recombinaisons dans les couches des éjecta de basse température. Enfin, plusieurs raies coronales très fortement ionisées ont été identifiées dans l’anneau équatorial : leur existence requiert une température supérieure à 2 millions de degrés qui serait associée au rayonnement observé dans les hautes énergies, en particulier dans les rayons-X (voir l’article de Larsson et al.)
Image obtenue avec NIRSpec dans la région spectrale autour de 1,44 micron : c’est la longueur d’onde du fer que l’on voit dans les ejecta, alors que le fer et l’hydrogène qui sont présents dans l’anneau équatorial rayonnent à 1,427 et 1,460 respectivement. La courbe indiquée en pointillés délimite approximativement la région où le choc inverse est détecté (un seul composant du continuum est présent à cette longueur d’onde). L’anneau équatorial est incliné de 43°, et le Nord est dirigé vers l’observateur (Larsson et al., 2024).
Visualisation 3D de l’hélium présent dans le choc inverse. La position des anneaux extérieurs est indiquée par les ellipses bleu et rouge. L’anneau équatorial est connecté aux anneaux extérieurs par les lignes en pointillés pour aider à la visualisation (Larsson et al., 2024).
Un mystère finalement élucidé
Finalement, pour couronner magistralement cette moisson de résultats, le JWST a permis d’élucider un mystère de longue date. Les neutrinos sont des particules élémentaires, de masse pratiquement nulle, qui sont engendrées par des réactions nucléaires. Tandis que le Soleil produit des neutrinos de basse énergie, les neutrinos de haute énergie sont produits par des cataclysmes cosmiques extrêmement violents tels que les supernovae. L’implosion d’une supernova génère en effet une émission de neutrinos, puisque lors de l’effondrement gravitationnel du cœur de l’étoile, les électrons fusionnent avec les protons, produisant des neutrons et des neutrinos. Ces neutrinos sont hautement énergétiques (99% de l’énergie émise par les supernovae l’est sous forme de neutrinos) : une telle émission a été observée quelques heures avant l’apparition de l’évènement lumineux visible par les observatoires de Kamiokande II, IMB et Baksan (Kamiokande détecta 11 neutrinos, IMB 8 neutrinos et Baksan 5 neutrinos), le temps d’un éclair qui dura moins de 13 secondes.
Les observations de neutrinos constituent une preuve irréfutable que l’évènement a donné naissance à une étoile à neutron (ou à un trou noir), mais où est-elle?
Les neutrinos n’interagissant que très faiblement avec la matière, ils sont immédiatement libérés, c’est pourquoi le pic de neutrinos a été détecté 3 heures avant la contrepartie optique. Une étoile à neutrons peut présenter différents aspects : si elle tourne rapidement sur elle-même et qu’elle possède un puissant champ magnétique, elle projette alors le long de son axe magnétique un mince pinceau de radiations, et un observateur placé approximativement dans la direction de cet axe observera une émission pulsée par un effet de phare, appelée pour cette raison pulsar. Par contre, si elle n’est ni associée à un compagnon, ni entourée de matière circumstellaire, ou qu’elle n’a pas développé une émission pulsée, une étoile à neutrons est extrêmement difficile à détecter car seule l’émission thermique de sa surface est éventuellement décelable. De plus une étoile à neutron a un diamètre d’une dizaine de kilomètres seulement (pour une masse d’environ 3 milliard de tonnes !), ce qui en fait un des astres les plus petits de l’univers (hormis les trous noirs).
Très vite, de nombreuses recherches de cet astre résiduel ont été entreprises. Elles se sont toutes avérées négatives, que ce soit par des calculs de bilan énergétiques basés sur les observations, par la quête de pulses en utilisant des techniques de photométrie rapide, ou par de l’imagerie directe à toutes les longueurs d’onde. Pour expliquer ce manque de détection, les astronomes ont émis plusieurs hypothèses : les poussières environnantes masqueraient l’étoile à neutron ; la force du champ magnétique ne serait pas suffisante pour avoir formé un pulsar ; il y aurait bien un pulsar, mais le faisceau énergétique n’est pas dirigé dans notre direction…
Le JWST a enfin levé le voile : la théorie indiquant que les photons ionisants émis par une étoile à neutron doivent exciter les raies d’émission des éléments lourds qui sont dans l’éjecta, il s’agit donc de rechercher ces émissions. Pour cela, l’équipe qui conduit cette recherche a analysé les données du MRS et de NIRSpec. La présence de raies fortement ionisées a été identifiée grâce à ces deux instruments. Elles sont dues en particulier à la présence d’argon et de souffre, qui sont justement des éléments produits par la combustion nucléaire de l’oxygène et du silicium. Ces raies en émission avaient déjà été détecté mais avec des résolutions (angulaire et spectrale) trop insuffisantes pour permettre de savoir si l’émission provenait des éjecta ou de l’anneau équatorial. Les observations du JWST ont prouvé sans ambigüité possible que l’émission provient d’une source centrale séparée de l’anneau, et qu’il ne s’agit pas d’une lumière diffusée par celui-ci.
Les raies étroites qui ont été observées ne peuvent être excitées que par une source de photons ionisants ou par une onde de choc. Les sources potentielles pourraient être : (1) des photons d’une nébuleuse de vent de pulsar (PWN, pour Pulsar Wind Nebula) générée par une étoile à neutron, (2) des photons qui proviennent directement d’une étoile à neutron qui se refroidit, (3) une accrétion sur un objet compact, ou (4) des chocs dans une nébuleuse de vent de pulsar. D’autres possibilités ont été envisagées, mais ont été écartées pour diverses raisons.
Quoiqu’il en soit, toutes les explications envisageables impliquent la présence d’une jeune étoile à neutron, ou d’un trou noir, au centre des éjectas. L’hypothèse du trou noir a été écartée parce que le progéniteur de SN 1987A avait une masse trop faible (inférieure à 20 masse solaire), tout comme le cœur de fer (qui avait aussi une masse inférieure à 2 masse solaire).
Il s’agit là d’une découverte majeure faite grâce aux observations réalisées par les instruments du JWST (voir l’article de Fransson et al.). Elle a d’ailleurs justifié d’un communiqué de presse émis par la Revue Science, et repris par la NASA et de très nombreux instituts.
Combinaison d’une image du télescope spatial Hubble de SN 1987A et de la source d’argon compacte. La source bleue faible au centre est l’émission de la source compacte détectée avec l’instrument JWST/NIRSpec. Autour de cette source, on aperçoit les débris stellaires, contenant la plupart de la masse, s’étendant à des milliers de km/seconde. La « chaîne de perles » intérieure brillante est le gaz des couches externes de l’étoile qui a été expulsé environ 20 000 ans avant l’évènement final. Les débris rapides entrent maintenant en collision avec l’anneau, ce qui explique les points lumineux. En dehors de l’anneau intérieur se trouvent deux anneaux extérieurs, vraisemblablement produits par le même processus que celui qui a formé l’anneau intérieur. Les étoiles brillantes à la droite et à la droite de l’anneau intérieur ne sont pas liées à la supernova.
Note : il est coutume, dans l’immense majorité des articles traitant de supernovae, d’utiliser le terme “explosion” pour marquer l’évènement. Ce terme est impropre et prête à une grave confusion. Le mécanisme en jeu dans une supernova comme SN 1987A (dite de Type II), est le résultat d’un effondrement des couches extérieures sur le cœur de l’étoile, puis le collapse du cœur sur lui-même (composé essentiellement de fer). La matière qui s’effondre rebondit alors sur ce noyau dur. Elle est alors expulsée par une puissante onde de choc. C’est ce qui produit le phénomène observé. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une “explosion”, puisqu’il s’agit d’une “implosion” initiale. Par contre, une supernova de Type Ia résulte d’une explosion d’une étoile dans un système multiple.
Les supernovae sont des corps célestes fondamentaux dans l’évolution de l’univers, mais elles revêtent toujours d’importants mystères comme, par exemple, leur contribution relative à la production de poussières dans l’univers primordial.
La supernova SN 1987A est apparue le 23 février 1987 dans le Grand Nuage de Magellan, à quelques 165000 années-lumière de nous. C’est la première supernova visible en 400 ans, depuis celle de 1604, dite de Kepler, en l’honneur de Johannes Kepler, qui en fut un de ses observateurs les plus assidus, et qui s’est produite, elle, dans notre Galaxie (plus précisément dans la constellation d’Ophiuchus). Née à l’ère des télescopes, SN 1987A a été depuis sa naissance, et est toujours, observée par les moyens les plus modernes dont disposent les astronomes. Elle est devenue à ce titre une véritable icone, sans être vraiment emblématique de sa classe. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’elle soit une des premières cibles du Télescope Spatial James Webb, le JWST, dont il n’est plus nécessaire de souligner l’extrême sensitivité et l’excellente résolution angulaire.
Image de SN 1987A et de son environnement, obtenue en 2022 avec le Télescope Spatial Hubble (HST) à travers un filtre centré sur la longueur d’onde de l’hydrogène à 1.08 micron. Les contours indiquent la région d’où provient l’émission d’argon fortement ionisé observée avec le MRS et NIRSpec, qui marque la présence d’un objet compact (voir le dernier paragraphe de cet article). L’étoile indique le centre de l’anneau équatorial (Fransson et al., 2024).
Le domaine spectral qui correspond à l’infrarouge est très important: il complète les autres domaines de longueurs d’onde du spectre électromagnétique d’un corps céleste, ce qui est nécessaire pour comprendre les mécanismes physiques qui sont en jeu; de plus, il permet non seulement d’étudier les poussières mais aussi de voir des sources lumineuses qui peuvent être cachées par ces poussières.
Si plusieurs observations de supernovae ont été réalisées dans l’infrarouge proche (entre 1 et 5 micron), SN 1987A est la seule supernova à avoir été observée dans l’infrarouge moyen (entre 5 et 30 micron) pour être la seule connue qui soit suffisamment brillante à ces longueurs d’onde. Ces observations ont démarré depuis son apparition, mais c’était alors depuis le sol, avec tous les inconvénients que produit l’atmosphère à ces longueurs d’onde. Tous les instruments du JWST ont magnifiquement pallié ces inconvénients pour donner aux astronomes une nouvelle vision des mécanismes physiques en cours, du cœur de la supernova à son environnement circumstellaire, et jusqu’au milieu interstellaire.
Une description de l’environnement de SN 1987A ainsi qu’un compte rendu des premières observations effectuées avec le JWST se trouvent ici. Ces observations se sont poursuivies, et des résultats spectaculaires ont été obtenus. Ils sont décrits dans ce qui suit.
L’Infrarouge Moyen
L’Imageur :
MIRI, conçu et construit en grande partie par le CEA, sous l’égide du CNES, est l’instrument du JWST qui observe dans l’infrarouge moyen. Sa composante imageur a permis d’élaborer une carte détaillée des températures en jeu, tout en fournissant des données inédites sur la morphologie de ce que les astronomes appellent « les Restes de la Supernova » (Supernova Remnant). Une attention particulière a été portée sur les poussières : certaines résultent de l’évolution de l’étoile progénitrice (elles sont donc antérieures à l’évènement) et se trouvent en particulier dans les différents anneaux, tandis que d’autres se sont condensées dans les éjecta pendant l’évènement. A l’aide de l’imageur de MIRI, une destruction des poussières dans certaines zones, et une nouvelle condensation de celles-ci dans d’autres ont pu être observées. Les images obtenues montrent que l’onde de choc initiale, véritable moteur du phénomène, a maintenant atteint les régions extérieures du milieu circumstellaire (voir l’article de Bouchet et al.).
Carte des températures calculées avec un modèle standard de la composition des poussières, sur laquelle sont superposés les contours de l’image obtenue à 5,6 micron (le niveau des contours en mJy/pixel est indiqué sur la figure) (Bouchet et al., 2024).
Images obtenue à 5,6, 10, 18 et 25,5 micron avec l’imageur de MIRI (MIRIm), avec les contours de l’image obtenue avec le MRS à 6,985 micron, qui correspond à la longueur d’onde de l’argon doublement ionisé. Les dimensions du faisceau lumineux pour chaque longueur d’onde sont illustrées en bas à gauche de chaque image (Bouchet et al., 2024).
La Spectroscopie :
Toujours dans l’infrarouge moyen (ou thermique), le spectrographe à moyenne résolution spectrale de MIRI (appelé MRS, pour Medium Resolution Spectrograph) a permis grâce à son excellent pouvoir de séparation spatial de distinguer en détails les éjecta de la supernova, l’anneau équatorial qui les entoure, et le milieu circumstellaire plus lointain. L’anneau équatorial est situé à une distance de 0,7 année-lumière du centre de la supernova, et résulte d’un épisode de l’évolution de son progéniteur il y a quelques 20000 ans. Le milieu circumstellaire plus lointain consiste en particulier en deux anneaux qui formerait un sablier s’il était vu perpendiculairement à son grand axe (voir figure dans l’actualité précitée). Lorsque du gaz en expansion heurte des régions denses, il se refroidit. Les spectres de la lumière émise dans ces différentes régions permettent de mettre en évidence certaines propriétés de ce gaz lorsqu’il rentre en contact avec l’anneau équatorial, et après le choc. Ils ont aussi conduit à l’identification d’éléments chimiques dans les milieux les moins denses, dont la forte ionisation pourrait avoir été produite par la progression d’une succession d’onde de chocs à travers l’anneau, ou par le rayonnement UV associé à l’origine de l’évènement. Le MRS a aussi montré que les grains de poussières les plus petits sont plus facilement détruits que ceux de dimensions supérieures, et a mis en lumière les principaux éléments qui composent les éjecta (voir l’article de Jones et al.)
L’Infrarouge Proche
L’Imageur :
L’extraordinaire résolution angulaire de la caméra NIRCam (Near Infrared Camera) , avec un pouvoir de séparation de 0,05 seconde d’arc dans l’infrarouge proche a permis d’identifier pour la première fois trois régions bien distinctes : (1) de faibles croissants d’hydrogène moléculaire, situés entre les éjecta et l’anneau équatorial, (2) une barre qui est une substructure des éjecta, et (3) une émission continue brillante à l’extérieur de l’anneau. Dans les courtes longueurs d’onde (de 1 à 2,3 micron), les images de NIRCam montrent que le rayonnement provient d’une émission de raies qui révèlent la présence des éléments chimiques qui se trouvent dans les éjecta et dans certaines régions de l’anneau équatorial (que les astronomes appellent les points chauds). Par contre, dans la fenêtre spectrale comprise entre 3 et 5 micron, il s’agit d’une émission continue provenant de poussières dans les éjecta (poussières qui, par ailleurs, pourraient masquer le centre de la supernova), et d’une émission synchrotron dans l’anneau équatorial et son extérieur. Ces observations montrent que le refroidissement et la destruction des poussières sont plus rapides que le refroidissement du rayonnement synchrotron, qui est lui-même plus rapide que la recombinaison de l’hydrogène dans l’anneau. Un sous-produit très important de ces observations réalisées avec NIRCam, est que celles-ci ouvrent une nouvelle fenêtre dans l’étude de l’accélération des particules et de la physique des chocs dans des détails sans précédent, lorsqu’ils sont explorés par l’émission synchrotron dans le proche infrarouge. Ceci permet d’établir une image très précise de la façon dont une supernova évolue (voir l’article de Matsuura et al.).
Image composée à partir de cinq filtres de NIRCam (1,5 et 1.6 micron en bleu ; 2 micron en jaune ; 4 micron en orange; 4,4 micron en rouge). L’intérieur des éjecta est composé essentiellement de fer qui rayonne à 1.6 micron. A l’intérieur des éjecta, on aperçoit une barre alignée approximativement sur la direction Est – Ouest, et 2 croissants apparaissent entre les éjecta et l’anneau équatorial. Des points chauds sont aussi visibles dans l’anneau équatorial délimité par les 2 ellipses, mais on en trouve aussi à l’extérieur de cet anneau. La position des 2 anneaux extérieurs est indiquée par les ellipses en pointillés (Nord vers le haut, Est vers la droite). (Matsuura et al., 2024)
La Spectroscopie :
Pour clore cette série d’observations, le spectrographe NIRSpec (Near Infrared Spectrograph) a fourni la première spectroscopie spatialement résolue de l’éjecta et de l’anneau équatorial entre 1 et 5 micron. Pour la première fois aussi, des cartes en 3-D des émissions du fer à l’intérieur des éjecta ont pu être construites, ainsi que de celles de l’hélium dans le choc inverse (tout choc qui se propage dans une région dense génère un choc inverse) : la première sonde la géométrie de l’évènement et la seconde trace la composition du milieu circumstellaire. La carte 3-D du fer, prépondérant dans les éjecta, révèle une morphologie fortement asymétrique qui ressemble à un dipôle brisé dominé par deux gros amas animés de vitesses élevées (environ 2300 km/s). Ces observations prouvent également que l’intérieur de ces éjecta a commencé à interagir avec le choc inverse. NIRSpec a observé aussi de très nombreuses raies d’hydrogène moléculaire : celui-ci est très probablement excité par un rayonnement ultraviolet extrême, mais pourrait aussi résulter d’une combinaison de collisions et recombinaisons dans les couches des éjecta de basse température. Enfin, plusieurs raies coronales très fortement ionisées ont été identifiées dans l’anneau équatorial : leur existence requiert une température supérieure à 2 millions de degrés qui serait associée au rayonnement observé dans les hautes énergies, en particulier dans les rayons-X (voir l’article de Larsson et al.)
Image obtenue avec NIRSpec dans la région spectrale autour de 1,44 micron : c’est la longueur d’onde du fer que l’on voit dans les ejecta, alors que le fer et l’hydrogène qui sont présents dans l’anneau équatorial rayonnent à 1,427 et 1,460 respectivement. La courbe indiquée en pointillés délimite approximativement la région où le choc inverse est détecté (un seul composant du continuum est présent à cette longueur d’onde). L’anneau équatorial est incliné de 43°, et le Nord est dirigé vers l’observateur (Larsson et al., 2024).
Visualisation 3D de l’hélium présent dans le choc inverse. La position des anneaux extérieurs est indiquée par les ellipses bleu et rouge. L’anneau équatorial est connecté aux anneaux extérieurs par les lignes en pointillés pour aider à la visualisation. (Larsson et al., 2024).
Un Mystère Finalement élucidé
Finalement, pour couronner magistralement cette moisson de résultats, le JWST a permis d’élucider un mystère de longue date. Les neutrinos sont des particules élémentaires, de masse pratiquement nulle, qui sont engendrées par des réactions nucléaires. Tandis que le Soleil produit des neutrinos de basse énergie, les neutrinos de haute énergie sont produits par des cataclysmes cosmiques extrêmement violents tels que les supernovae. L’implosion d’une supernova génère en effet une émission de neutrinos, puisque lors de l’effondrement gravitationnel du cœur de l’étoile, les électrons fusionnent avec les protons, produisant des neutrons et des neutrinos. Ces neutrinos sont hautement énergétiques (99% de l’énergie émise par les supernovae l’est sous forme de neutrinos) : une telle émission a été observée quelques heures avant l’apparition de l’évènement lumineux visible par les observatoires de Kamiokande II, IMB et Baksan (Kamiokande détecta 11 neutrinos, IMB 8 neutrinos et Baksan 5 neutrinos), le temps d’un éclair qui dura moins de 13 secondes.
Les observations de neutrinos constituent une preuve irréfutable que l’évènement a donné naissance à une étoile à neutron (ou à un trou noir), mais où est-elle?
Les neutrinos n’interagissant que très faiblement avec la matière, ils sont immédiatement libérés, c’est pourquoi le pic de neutrinos a été détecté 3 heures avant la contrepartie optique. Une étoile à neutrons peut présenter différents aspects : si elle tourne rapidement sur elle-même et qu’elle possède un puissant champ magnétique, elle projette alors le long de son axe magnétique un mince pinceau de radiations, et un observateur placé approximativement dans la direction de cet axe observera une émission pulsée par un effet de phare, appelée pour cette raison pulsar. Par contre, si elle n’est ni associée à un compagnon, ni entourée de matière circumstellaire, ou qu’elle n’a pas développé une émission pulsée, une étoile à neutrons est extrêmement difficile à détecter car seule l’émission thermique de sa surface est éventuellement décelable. De plus une étoile à neutron a un diamètre d’une dizaine de kilomètres seulement (pour une masse d’environ 3 milliard de tonnes !), ce qui en fait un des astres les plus petits de l’univers (hormis les trous noirs).
Très vite, de nombreuses recherches de cet astre résiduel ont été entreprises. Elles se sont toutes avérées négatives, que ce soit par des calculs de bilan énergétiques basés sur les observations, par la quête de pulses en utilisant des techniques de photométrie rapide, ou par de l’imagerie directe à toutes les longueurs d’onde. Pour expliquer ce manque de détection, les astronomes ont émis plusieurs hypothèses : les poussières environnantes masqueraient l’étoile à neutron ; la force du champ magnétique ne serait pas suffisante pour avoir formé un pulsar ; il y aurait bien un pulsar, mais le faisceau énergétique n’est pas dirigé dans notre direction…
Le JWST a enfin levé le voile : la théorie indiquant que les photons ionisants émis par une étoile à neutron doivent exciter les raies d’émission des éléments lourds qui sont dans l’éjecta, il s’agit donc de rechercher ces émissions. Pour cela, l’équipe qui conduit cette recherche a analysé les données du MRS et de NIRSpec. La présence de raies fortement ionisées a été identifiée grâce à ces deux instruments. Elles sont dues en particulier à la présence d’argon et de souffre, qui sont justement des éléments produits par la combustion nucléaire de l’oxygène et du silicium. Ces raies en émission avaient déjà été détecté mais avec des résolutions (angulaire et spectrale) trop insuffisantes pour permettre de savoir si l’émission provenait des éjecta ou de l’anneau équatorial. Les observations du JWST ont prouvé sans ambigüité possible que l’émission provient d’une source centrale séparée de l’anneau, et qu’il ne s’agit pas d’une lumière diffusée par celui-ci.
Les raies étroites qui ont été observées ne peuvent être excitées que par une source de photons ionisants ou par une onde de choc. Les sources potentielles pourraient être : (1) des photons d’une nébuleuse de vent de pulsar (PWN, pourPulsar Wind Nebula) générée par une étoile à neutron, (2) des photons qui proviennent directement d’une étoile à neutron qui se refroidit, (3) une accrétion sur un objet compact, ou (4) des chocs dans une nébuleuse de vent de pulsar. D’autres possibilités ont été envisagées, mais ont été écartées pour diverses raisons.
Quoiqu’il en soit, toutes les explications envisageables impliquent la présence d’une jeune étoile à neutron, ou d’un trou noir, au centre des éjectas. L’hypothèse du trou noir a été écartée parce que le progéniteur de SN 1987A avait une masse trop faible (inférieure à 20 masse solaire), tout comme le cœur de fer (qui avait aussi une masse inférieure à 2 masse solaire).
Il s’agit là d’une découverte majeure faite grâce aux observations réalisées par les instruments du JWST (voir l’article de Fransson et al.). Elle a d’ailleurs justifié d’uncommuniqué de presseémis par la Revue Science, et repris par la NASA et de très nombreux instituts.
Combinaison d’une image du télescope spatial Hubble de SN 1987A et de la source d’argon compacte. La source bleue faible au centre est l’émission de la source compacte détectée avec l’instrument JWST/NIRSpec. Autour de cette source, on aperçoit les débris stellaires, contenant la plupart de la masse, s’étendant à des milliers de km/seconde. La « chaîne de perles » intérieure brillante est le gaz des couches externes de l’étoile qui a été expulsé environ 20 000 ans avant l’évènement final. Les débris rapides entrent maintenant en collision avec l’anneau, ce qui explique les points lumineux. En dehors de l’anneau intérieur se trouvent deux anneaux extérieurs, vraisemblablement produits par le même processus que celui qui a formé l’anneau intérieur. Les étoiles brillantes à la droite et à la droite de l’anneau intérieur ne sont pas liées à la supernova.
Note :il est coutume, dans l’immense majorité des articles traitant de supernovae, d’utiliser le terme “explosion” pour marquer l’évènement. Ce terme est impropre et prête à une grave confusion. Le mécanisme en jeu dans une supernova comme SN 1987A (dite de Type II), est le résultat d’un effondrement des couches extérieures sur le cœur de l’étoile, puis le collapse du cœur sur lui-même (composé essentiellement de fer). La matière qui s’effondre rebondit alors sur ce noyau dur. Elle est alors expulsée par une puissante onde de choc. C’est ce qui produit le phénomène observé. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une “explosion”, puisqu’il s’agit d’une “implosion” initiale. Par contre, une supernova de Type Ia résulte d’une explosion d’une étoile dans un système multiple.
SN 1987A est une supernova qui a explosé dans le Grand Nuage de Magellan, une galaxie naine proche de la Voie lactée à environ 164500 années-lumière (1,6 milliard de milliards de kilomètres), ce qui en fait la supernova la plus proche observée depuis la supernova dite de Kepler en 1604 (lequel, pour des raisons météo n’a pu l’observer que bien après son apparition – il pleuvait sur Prague !), qui avait eu lieu dans notre Voie lactée, peu après la supernova de Tycho Brahe, qui lui était sur place à l’abbaye de Herrevad, ce qui lui a permis de l’observer en novembre 1572. L’objet n’est pas dans cet article de revenir sur ces évènements historiques, tellement passionnants, mais de souligner le fait qu’il a fallu attendre près de 400 ans pour qu’un terrien puisse observer un tel évènement. J’ai eu moi-même, l’incroyable (inespérée !) chance de voir de mes yeux nus cette supernova, depuis la Cordillère des Andes.
En effet, le Grand Nuage de Magellan n’est visible que depuis l’hémisphère sud. Pour le lecteur qui s’y intéresserait, il convient de souligner que le nom des Petit et Grand Nuage de Magellan ont pris ces appellations car contrairement à ce que l’on peut observer dans l’hémisphère Nord ou le pôle est fléché par une étoile, rien de tel dans l’hémisphère austral. A l’époque où le GPS n’existait pas, les navigateurs utilisaient un sextant pendant la journée (il fallait voir l’horizon) mais gardaient leur route la nuit en fonction des étoiles. Il y avait deux nuages dans le ciel. On ne parlait pas encore de galaxie, on n’en connaissait pas même le concept ! Magellan fut le premier à se rendre compte que pour savoir où était le pôle sud, il suffisait de construire un triangle équilatéral dont deux points seraient le centre de ces nuages et le troisième le pôle. C’était remarquablement ingénieux. Et précis !
Figure 1 – Vue d’artiste de la Supernova SN 1987A et son environnement proche après les observations réalisées avec ALMA (Crédits ESO/NOAO/NRAO/Alexandra Angelich)
Après cette diversion, revenons à la supernova SN 1987A. Les premières observations du phénomène ont été faites quelques heures à peine après que son éclat eut atteint la Terre, dans la nuit du 23 février 1987 par plusieurs astronomes amateurs et professionnels d’Amérique du Sud, d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Très tôt, les premiers neutrinos furent détectés, ce qui fut une première, et confirmait d’une manière spectaculaire les théories en vigueur qui prévoyaient la formation d’une étoile à neutrons. De plus, ces détections laissaient augurer qu’une nouvelle ère de l’astrophysique allait commencer. Force est de constater que nous devrons attendre pour cela de détecter plus de neutrinos naissants de phénomènes astrophysiques.
Nous nous attendions à ce que cette supernova devienne très brillante, mais il faut reconnaître que nos espoirs ont été quelque peu déçus. Très vite les théoriciens ont réalisé que ceci était dû au fait que l’étoile qui s’effondrait était une géante bleue. On nous avait inculqué à l’école que ce genre d’implosion (et non pas d’explosion) ne pouvait provenir que de la fin de vie d’une super-géante rouge. Première anomalie, vite expliquée par les mêmes théoriciens. Mais aussi première découverte. L’évolution de super géante bleue en supernova s’explique par une perte de masse avant son explosion, ce qui peut se traduire par un passage de supergéante rouge à supergéante bleue. Cette théorie a été confirmée par la présence de trois anneaux de gaz autour de SN 1987A.
La seconde découverte, de toute importance, fut d’observer que de la poussière avait pu se condenser dans cet environnement extrêmement violent, 400 jours après l’implosion. La présence de molécules dans les débris a été mise en évidence très vite après l’évènement (100 jours après, environ). S’en est suivie, en août 1988, la découverte d’une condensation de poussières grâce aux observations conduites dans l’infrarouge à l’ESO (l’Observatoire Européen Austral, situé au Chili). Mais plus tard, à partir d’observations réalisées avec le satellite infrarouge Herschel en 2010, puis confirmée par le radio télescope submillimétrique ALMA de l’ESO en janvier 2014, la présence d’une énorme quantité de poussières froides dans les débris (0,25 masse solaire!) a non seulement surpris la communauté astronomique mais a aussi ravivé le débat sur l’origine des poussières dans l’Univers primordial. Mais nous ignorons encore la composition de ces poussières froides. Une des grandes questions de l’astrophysique actuelle avait-elle trouvé une réponse ? D’où proviennent les premières poussières, puisque nous savions que celles libérées par des étoiles cacochymes n’étaient arrivées que fort tard (l’évolution des étoiles prend un certain temps). La quantité de poussières détectées semblait pourtant bien inférieure à celle qui pourrait répondre à la question : ces poussières résultaient-elles de celles détectées en 1988, ou avait-elles une autre origine ? Nous n’en savions rien !
Figure 2 – La morphologie particulière de ces anneaux est une des principales caractéristiques de SN 1987A. Les deux anneaux extérieurs et l’anneau intérieur (plus petit) forment une sorte de « sablier », l’anneau intérieur formant le col. Le télescope spatial Hubble a permis de dater l’éjection de matière les constituant à environ 20 000 ans avant l’explosion. Deux étoiles brillantes se trouvent près des anneaux extérieurs, sans aucun lien avec le système ; les éjectas observés apparaissent en vert. SNR signifie « Restes de la Supernova » (SuperNova Remnant, en anglais).
Des études montrent que la poussière interstellaire est née très tôt dans l’histoire de l’univers, avant même que ne s’enclenchent les processus classiques de formation de la poussière interstellaire, les nébuleuses planétaires. Tous les regards sont tournés vers l’explosion des étoiles massives dont on sait qu’elles ont eu lieu rapidement et SN1987A nous offre un laboratoire idéal pour aborder cette question. Avec MIRI nous espérons enfin savoir si la poussière résiste à l’onde de choc de l’explosion, si de la poussière naît dans une supernova, où et comment.
Quel type de poussière nait dans une supernova ? La question peut sembler anecdotique, mais quand on sait que les molécules naissent à la surface des grains de poussière, c’est l’origine de la complexité dans l’univers qui se joue ici.
En 1991, le télescope Spatial Hubble nous fit découvrir un système de 3 anneaux autour de la supernova (voir figures 2 et 3). L’anneau intérieur (formé de poussières mais surtout de gaz) reste encore très brillant alors que tous les modèles prédisaient qu’à l’heure des observations du JWST (le « James Webb Space Telescope »), il aurait cessé d’être aussi lumineux. C’est sans doute que la destruction des poussières n’a pas été aussi efficace que ce que prévoyait la théorie, et que l’onde de choc n’a pas affecté le gaz. De toutes manières, pour étudier les poussières, il faut observer en infrarouge ! C’est un peu pour cela qu’a été conçu le JWST.
Les étoiles massives donnent naissance à des supernovae lorsque leurs enveloppes et leurs cœurs collapsent, par manque de combustion centrale, et que le fer, dernier élément à avoir été synthétisé, ne peut plus être consumé. L’implosion est suivie d’un rebond des couches externes de leurs atmosphères sur ce cœur de fer. Il en résulte une étoile à neutron, un pulsar, voire un trou noir. Un autre type de supernovae, totalement différent, celles qui sont utilisées pour calculer des distances cosmologiques, et qui nous ont permis de constater que l’expansion de l’univers s’était accélérée 7 milliards d’années après le Big Bang, sont le résultat d’une déflagration. D’elles, il n’en reste plus rien.
Figure 3 – L’onde de choc produite par l’explosion en atteignant l’anneau équatorial intérieur (formé par des poussières – et de gaz- quelques 20000 ans avant l’implosion) a formé au fil des années un magnifique collier de perle! L’intensité lumineuse de ce collier a commencé à décroître à partir de 2014, lorsque l’onde de choc passait au-delà de l’anneau (images HST ; crédit NASA)
L’excellente résolution angulaire et l’extrême sensitivité des instruments du JWST, en particulier MIRI, en font le seul observatoire capable d’observer la distribution des poussières dans le milieu circumstellaire autour de SN1987A et dans les éjectas. D’autre part, l’étoile à neutron (ou le pulsar ?) qui s’est formée au moment de l’implosion de la supernova n’a toujours pas été détectée. Des modèles théoriques prévoient qu’elle pourrait l’être avec des observations effectuées dans l’infrarouge thermique. Si tel est le cas, seul MIRI pourrait nous offrir le luxe de cette découverte !
Le milieu déjà perturbé par le passage de l’onde de choc est maintenant affecté par une onde de choc inverse qui s’approche des régions externes de l’éjecta. S’il est vrai que l’étude de SN 1987A nous a en général permis de confirmer, voire affiner, la théorie, des inconnues demeurent : par exemple, quelle est l’origine des structures circumstellaires observées ? Que pouvons-nous apprendre sur le milieu interstellaire avant même que l’étoile qui a implosé se soit formée ? Quel est le mécanisme responsable de l’émission observée dans l’infrarouge thermique, attribuée à la présence de poussières? Celles qui s’étaient condensées dans l’éjecta peu après l’explosion sont-elles maintenant détruites par cette onde de choc inverse ? Que reste-t-il au cœur de l’explosion ? Pouvons-nous détecter l’étoile à neutrons, le pulsar, qui résulte de l’évènement ? Les réponses dépendent fortement de celle que nous donnerons à une question fondamentale qui, 30 ans après l’explosion, reste toujours très débattue: l’étoile qui a donné naissance à SN 1987A faisait-elle partie d’un système binaire ?
Seule la combinaison d’observations multi longueurs d’onde, des rayons-X aux ondes radio, peut nous permettre de dresser un état des lieux du milieu circumstellaire et de comprendre les mécanismes actuellement en jeu. Le JWST fait partie de cet ensemble avec NIRCam et NIRSpec dans le proche infrarouge, et MIRI dans l’infrarouge thermique. Le HST (Télescope de Hubble) continue à observer la supernova dans les longueurs d’onde visibles, comme le complexe ALMA le fait dans les ondes submillimétriques. Quelques questions se posent : Y aura-t-il des signatures spectrales de NIRSpec sur la dynamique du choc, sur des raies atomiques ? NIRCam va-elle nous révéler de nouvelles structures, et nous permettra-t-elle de quantifier des variations de température ? L’enquête est ouverte et va sans aucun doute poursuivre son cours pendant plusieurs années.
Il reste que le JWST fait donc le pont entre la vision que nous dans le domaine visible le HST et les découvertes extraordinaires réalisées par ALMA aux très grandes longueurs d’onde : en ce sens il est absolument essentiel pour l’étude des phénomènes physiques qui régissent maintenant les restes de SN 1987A !
Du temps d’observation GTO (« Guaranteed Time Observations ») a été attribué aux équipes qui ont construits des instruments, délivré des composants électroniques, des logiciels, ou on fait profiter le projet de leurs compétences techniques ou interdisciplinaires. Dans ce cadre préétabli, SN 1987A a été l’une des cibles prioritaires pour les observations effectuées par MIRI, le seul instrument (conçu et fabriqué au CEA) des quatre embarqués sur l’observatoire qui observe dans des grandes longueurs d’onde (infrarouge thermique). Les premières données sont extraordinaires du point de vue esthétique, mais elles nécessitent un traitement spécifique qui sera fait prochainement fait au CEA, ce qui permettra d’ajouter de la physique à la beauté.
La figure 4 nous montre les premières données obtenues avec le JWST à quatre longueurs d’onde (5.6, 10, 18, et 25.5 micron). Au vu de ces premières images, rien de très nouveau, apparemment, que nous ne connaissions déjà. Sinon le fait que l’émission dans la région Nord-Est de l’anneau domine toujours et encore la luminosité globale, alors que les modèles théoriques prévoyaient qu’elle aurait dû disparaître). Ces premières images, non encore traitées, mais déjà spectaculaires, nous disent surtout qu’une plus profonde analyse devrait nous permettre de rajouter à l’esthétique une étude scientifique appropriée. Le département d’Astrophysique du CEA, auquel appartient le Centre d’Expertise JWST/MIRI (MICE) au sein de l’IRFU a déjà commencé à s’atteler à la tâche.
Figure 4 – Ces premières images de MIRI obtenues le 18 juillet 2022 aux longueurs d’onde de 5,6, 10, 18, et 25,5 micron n’ont pas encore été traitées. Le Département d’Astrophysique du CEA s’y emploie activement !
Le télescope Spatial a été lancé par une fusée Ariane 5 ECA depuis la Centre Spatial de Kourou en Guyane le 25 décembre 2021 à 13h20 (heure de Paris). L’observatoire a atteint son orbite autour de L2 le 24 janvier 2022 à 20h04, après que tous ses composants se sont déployés d’une manière parfaite (écran solaire, miroir secondaire, déploiement des segments du miroir primaire…). Les étapes suivantes consistaient à aligner chaque segment qui compose le miroir primaire de manière à obtenir une seule image au foyer du télescope, puis à attendre que les températures permettent aux divers instruments de fonctionner, pendant que les experts opticiens “alignaient” au plus fin tous les segments du miroir primaire. La dernière étape était la “Recette en vol” (ou “Commissioning”), consistant à s’assurer du parfait fonctionnement de tout l’observatoire et des quatre instruments à bord. Toutes ces étapes ont été franchies avec un succès extraordinaire et le 12 juillet 2022, nous avons pu enfin visualiser les images à couper le souffle du Télescope James Webb. Une nouvelle vision de l’Univers s’ouvre à nous avec de nombreuses découvertes à la clé ! Ce site officiel français a l’intention de vous les faire découvrir.
Le James Webb Space Télescope (JWST) est un observatoire spatiale qui observe l’univers dans l’infrarouge. Il a été développé par la NASA en coopération avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’Agence Spatiale Canadienne (ASC). La France est présente dans l’aventure du JWST, notamment à travers sa participation au développement de l’instrument MIRI, l’un des 4 instruments à bord du satellite. Pour l’exploitation scientifique de ce fabuleux télescope spatial, la communauté française des astrophysiciens s’appuye sur le Centre d’Expertise (MICE) qui a été mis en place au Département d’Astrophysique du CEA, à Saclay, avec la collaboration de l’Institut d’Astrophysique Spatial (IAS), du LESIA de l’Observatoire de Paris et du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM).
Le James Webb Space Telescope (JWST) est la mission phare des années 2020 – 2040 pour faire avancer la connaissance dans de nombreux domaines de l’astrophysique. Quatre thèmes ont été mis en avant :
-1) Première lumière et ré-ionisation de l’Univers à la sortie de la période dite ‘âge sombre’ période qui se situe environ 300-400 millions d’années après le big bang et qui est vierge de toute observation, -2) Assemblage des galaxies, -3) Naissance des étoiles et des systèmes protoplanétaires, -4) Planètes et origine de la vie.
Suite à sa forte implication dans le consortium qui a construit l’instrument MIRI (Mid InfraRed Instrument) du JWST, l’équipe française a accès à du temps d’observation garanti (GTO). Le consortium européen dispose de 450 heures de temps garanti. Le département d’astrophysique du CEA (DAp) et l’UMR AIM du CNRS qui lui est associée, coordonnent le programme d’étude des exoplanètes (caractérisation de leur atmosphère; 110 heures), et l’étude de la Supernova SN 1987A.
Pour permettre à la communauté scientifique d’avoir très tôt des données d’observations afin de préparer la réponse aux appels à proposition d’observations en temps ouvert, le directeur du STScI a décidé que 500 heures de temps discrétionnaire à sa disposition seraient consacrées à des programmes intitulés ‘Early Release Science’ (ERS). Les observations seront faites dans les 5 premiers mois d’observations du JWST. Les données seront immédiatement publiques. Suite à un appel d’offre, treize programmes ont été sélectionnés. La France est très fortement impliquée dans les 2 programmes dédiés aux exoplanètes.-
L’instrument MIRI est le seul des quatre instruments qui opère dans le domaine de l’infrarouge dit « thermique ». Observant dans les longueurs d’onde entre 5 et 28 micromètres, il sera le plus à même pour observer le gaz et les poussières dans des objets beaucoup plus froids que des étoiles comme notre Soleil. Il permettra par exemple de voir des étoiles jeunes encore profondément enfouies dans le nuage de gaz et de poussières dans lequel elles se forment. MIRI sera également le complément indispensable à NIRCam pour identifier les premières galaxies de l’Univers. L’instrument MIRI est réalisé par un consortium de laboratoires européens coordonnés par Gillian Wright de l’Observatoire Royal d’Edimbourg et par le centre NASA JPL qui fournit les détecteurs et leur électronique, ainsi que le système de refroidissement spécial à l’instrument. Dix pays européens ont participé à la réalisation de MIRI (UK, France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Suisse, Suède, Danemark, Irlande.
La France, sous l’égide du CNES, garant vis à vis de l’ESA de la contribution nationale et responsable formel de la contribution française a largement contribué à l’instrument MIRI. En effet, la France a été en charge de la conception, de la réalisation, des tests et de la livraison de l’imageur MIRIm (hors détecteur fourni par la NASA). Cette contribution a été réalisée sous la maîtrise d’œuvre du CEA ; trois autres laboratoires français ont participé à MIRIm : – le LESIA (Meudon) : Coronographes. – l’IAS (Orsay) : Conception du simulateur de télescope, – et le LAM (Marseille) : Réalisation des essais en vibration.
D’autres pays européens ont contribué à MIRIM : – la Belgique – Centre Spatial de Liège : Réalisation des miroirs, – l’Allemagne – Max Planck Institute : Fourniture du mécanisme de la roue à filtre, – La Suède – University of Sweden et l’Irlande: Réalisation des filtres optiques.
La livraison du modèle de vol de MIRIM par le CEA a eu lieu en 2012, soit 9 ans avant le lancement fin 2021. L’imageur MIRIM propose trois modes d’observation: «imagerie» pour photographier le ciel, «spectrographie» pour décomposer la lumière et y trouver la signature d’éléments et de molécules cosmiques, et «coronographie» pour éteindre la lumière d’une source très lumineuse, que ce soit une étoile (recherche d’exoplanètes) ou un noyau de galaxie, pour mieux observer son voisinage.
Un concept optique original comprend un banc optique à 5 miroirs (aluminium, usinage diamant), une roue à filtres permettant de choisir entre différents traitements de la lumière reçues par le Télescope et une fenêtre d’entrée supportant la fente du spectrographe ainsi qu’un masque (Lyot) et 3 filtres à 4 quadrants pour la fonction coronographie dite à Masque de Phase.
Le modèle de vol de l’imageur MIRIM a été assemblé et testé au CEA Paris-Saclay en 2008 et 2009 ; un banc de test qui permet de reproduire les conditions de vide et de froid que rencontre MIRIM dans l’espace a été développé spécialement pour l’occasion. En 2010, MIRIM a été livré au Rutherford Appleton Laboratory en Angleterre pour être couplé avec l’autre partie de MIRI, le spectromètre MRS, puis testé dans une chambre à vide suffisamment grande pour l’instrument complet. En 2012, MIRI a été envoyé au Goddard Space Center de la NASA (GSFC), près de Washington, où il a été couplé avec les trois autres instruments du JWST. Trois séries de tests cryogéniques ont suivi entre 2012 et 2016. Les 18 hexagones du miroir primaire du télescope ont aussi été assemblés au Goddard Space Center (NGSFC) de novembre 2015 à février 2016. Les instruments ont été montés à l’arrière du miroir primaire du télescope et l’ensemble a été envoyé en 2017 à Houston pour être testé, car la station de test au NGSFC n’était pas assez grande pour accueillir le télescope. L’équipe CEA était sur place pour les tests au moment où l’ouragan Harvey s’est abattu. Plus de peur que de mal; juste quelques nuits au laboratoire sans pouvoir regagner l’hôtel et une voiture complètement noyée!
Une fois les tests finis, nous avons «lâché» MIRI pour son voyage dans les locaux de la compagnie Northrop Grumman, en Californie, où il est arrivé début 2018. Là, le télescope a été couplé avec le satellite et les grands écrans thermiques (parasol), qui vont empêcher les rayons du Soleil, de la Terre et de la Lune d’atteindre le télescope. Celui-ci pourra alors atteindre passivement une température d’environ 45K (-228℃), nécessaire pour ne pas gêner les observations dans l’infrarouge.
Enfin, fin septembre 2021, le JWST a quitté la Californie pour Kourou où il est arrivé après un voyage en bateau de 16 jours qui l’a amené à passer par le canal de Panama (bloqué quelques mois plus tôt!).
Après un lancement réalisé bien au delà des espérances (grâce à l’action du CNES, aux performances d’Ariane 5, et la maîtrise des agents à Kourou), les tests des performances de MIRI sur le ciel se sont extraordinairement bien déroulés. Sur la figure ci-dessous on peut voir le gain en résolution angulaire et en sensibilité apporté par MIRI par rapport à son prédécesseur.
Une petite partie du temps d’observation est réservée aux
astrophysiciens ayant participé au développement instrumental (450
heures pour le consortium européen MIRI). Dans ce cadre, l’équipe du CEA
coordonne les observations qui seront consacrées aux exoplanètes, et à
la Supernova 1987A.
L’essentiel du temps d’observation sera « ouvert » : chaque année durant les 10 à 15 années de durée de vie du JWST, un appel pour l’utilisation de l’observatoire est programmé. Le premier appel a eu lieu en 2020. Plus de 1000 demandes ont été déposées, impliquant plus de 4000 astrophysiciens à travers le monde. Le nombre d’heures d’observation demandées est très supérieur (4 à 5 fois) au nombre d’heures disponibles et la sélection a été faite par des comités de scientifiques. Il est satisfaisant de voir que MIRI est le deuxième instrument le plus demandé. Ses promoteurs (en France, Pierre-Olivier Lagage) ont bien fait d’insister pour qu’il « monte » à bord du Webb ! En effet, cet instrument n’était pas initialement prévu pour être incorporé dans le JWST. C’est grâce à l’action soutenue d’un consortium Européen qu’il a finalement été accepté comme le quatrième dans la panoplie qu’offre maintenant le JWST.
La Saturne Chaude WASP-39b a déjà fait parler d’elle à de nombreuses reprises. Après de nombreuses observations au sol et depuis l’espace avec Hubble et Spitzer, elle a été l’une des premières cibles du James Webb Space Telescope (JWST). En novembre 2022, l’observatoire spatial observe l’exoplanète dans le proche infrarouge, permettant aux scientifiques de découvrir la molécule de dioxyde de carbone (CO2) pour la première fois de manière sans équivoque dans son atmosphère (cf. article du 26 août 2022). Peu de temps après un second article y révèle la présence de dioxyde de souffre (S02), constituant la première preuve d’une photochimie complexe ayant lieu dans les exoplanètes à haute température (cf. article du 26 décembre 2022). En 2023, une équipe de chercheur pointe de nouveau le JWST vers WASP-39b en utilisant cette fois-ci MIRI, l’instrument en infrarouge moyen, afin d’élargir le spectre dans l’infrarouge lointain. Cette nouvelle étude publiée dans la revue Nature confirme la présence du SO2, en mesurant précisant son abondance et ainsi mieux comprendre la photochimie qui façonne l’atmosphère de WASP-39b.
L’étude de WASP-39b entre dans une nouvelle ère avec le JWST
Figure 1 – Les spectres obtenus par les trois instruments proche infrarouge à bord du JWST, NIRSpec, NIRCam et NIRISS, informent les scientifiques sur la composition chimique de l’atmosphère de la géante gazeuse WASP-39b Crédit : NASA, ESA, CSA, J. Olmsted (STScI).
WASP-39b est une géante gazeuse de masse équivalente à Saturne dont le diamètre surpasse d’un tiers celui de Jupiter, lui attribuant le statut de « Saturne Chaude ». Ce gonflement extrême est dû à sa température élevée d’environ 900°C liée à sa forte proximité avec son étoile (distance d’environ un huitième de celle Soleil-Mercure). Du fait de son atmosphère étendue et de transits fréquents (passage de la planète devant son étoile dans l’axe de visée de nos télescopes), cette planète offre un terrain propice à l’observation de son atmosphère et un sujet idéal pour l’étude des atmosphère exoplanétaires en spectroscopie de transmission. Les télescopes au sol et spatiaux, avec Hubble et Spitzer, ont permis de révéler la présence de vapeur d’eau (H20), de monoxyde de carbone (CO), de sodium (Na), et de potassium (K).
Avec l’arrivée de JWST, cette étude est entrée dans une toute nouvelle ère, avec des observations dépassant considérablement les précédents relevés. En 2022, le JWST pointe ses instruments dans le proche infrarouge (de 1 à 5 µm). Cette nouvelle analyse a permis la détection sans équivoque du dioxyde de carbone (CO2) ainsi que le dioxyde de soufre (SO2) à la liste des gaz détectés (cf. Figure 1). La présence de ce composé soufré, lié à la photochimie, suggère que ce phénomène, jusqu’alors inobservé dans une exoplanète, est un processus clé dans les atmosphères à haute température. Néanmoins, cette dernière détection se basait sur une seule raie moléculaire du SO2 (à 4,05 μm) avec une amplitude réduite dans le spectre de transmission de WASP-39b. Il était crucial d’étendre la gamme spectrale d’observation pour analyser d’autres bandes d’absorption du SO2, permettant ainsi de mieux contraindre son abondance.
MIRI confirme la présence du SO2 et fournit une mesure plus précise de son abondance
Figure 2 – Spectre obtenu avec les données du spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI. Les croix jaunes représentent les données, et les lignes colorées, aux meilleurs ajustements de divers modèles d’atmosphères planétaires. Les régions ombrées colorées représentent les incertitudes respectives à chaque modèle de 1σ. Les modèles sont unanimes sur la présence du SO2 aux longueurs d’onde caractéristiques à 7,7 et 8,5 μm. Au-delà de 10 µm, il semble avoir une diminution du spectre probablement dû à une autre source de bruit du détecteur ou à un artefact qui n’est pas encore bien compris. Crédit : Image tirée de l’article de Powell et al. 2024
C’est désormais chose faite ! En février 2023, WASP-39b est de nouveau observé par le JWST mais dans le moyen infrarouge cette fois-ci, par le spectromètre basse résolution (LRS) de MIRI, entre 5 à 12 µm. Cette étendue spectrale permet l’analyser de deux raies moléculaires caractéristiques supplémentaires de la molécule S02 : à 7,7 et 8,5 μm (Figure 2). En ajustant plusieurs modèles d’atmosphères planétaires, avec des compositions différentes, les chercheurs ont ainsi confirmé la présence du dioxyde de souffre dans l’atmosphère de WASP-39b et d’en contraindre l’abondance à 0,5 à 25 ppm (plage de 1σ), en accord avec des résultats antérieurs. Cette nouvelle étude démontre que la photochimie façonne l’atmosphère de WASP-39b sur une large plage de longueurs d’onde.
Cette image montre la fusion de galaxies au centre. Les noyaux des galaxies, colorés en bleu, sont au-dessous du centre. Ils sont entourées de flambées d’étoiles en rouge. On reconnaît la forme d’une magnifique spirale dans la galaxie du bas, mais déformée sous l’effet de la gravité de sa voisine avec laquelle elle est en interaction. On peut voir en arrière-plan de nombreuses galaxies minuscules qui sont bien plus éloignées que cette paire de galaxies.
L’image prise par le JWST montre une paire de galaxies qui fusionnent, connue par les astronomes sous le nom de II ZW 96. Ces galaxies sont à environ 500 millions d’années-lumière de la Terre et se trouvent dans la direction de la constellation du Dauphin, près de l’équateur céleste. En plus du tourbillon endiablé des galaxies qui fusionnent, on aperçoit sur le fond de cette image un bestiaire d’autres galaxies.
Les deux galaxies sont en train de fusionner et ont donc une forme chaotique et perturbée. Les cœurs brillants des deux galaxies sont reliés par des vrilles brillantes de régions de formation d’étoiles, et les bras spiralés de la galaxie inférieure ont été déformés par la perturbation gravitationnelle de la fusion des galaxies. Ce sont ces régions de formation d’étoiles qui ont fait de II ZW 96 une cible si tentante pour le JWST : la collision a provoqué une flambée d’étoiles d’une si puissante intensité que cette galaxie rayonne autant que 100 milliards de soleils dans le domaine des infrarouges lointains. D’où son appartenance à la classe des galaxies lumineuses infrarouges, connues sous l’acronyme de LIRG pour Luminous InfraRed Galaxies.
Cette observation est tirée d’une collection d’observations de galaxies lumineuses infrarouges et de la classe encore plus lumineuse, les galaxies “ultra-lumineuses” infrarouge (ULIRG). Le JWST a utilisé deux de ses instruments de pointe : NIRCam (la caméra infrarouge proche), et MIRI, (la caméra infrarouge moyen développée en France).
Petite anecdote: Cette nouvelle image du JWST a été présentée pour la première fois avec toutes les explications à l’appui, à la vice-président des Etats-Unis Kamala Harris et au président français Emmanuel Macron lors d’une visite au siège de la NASA à Washington mercredi 30 novembre 2022. La vice-président Harris et le président Macron ont également prévisualisé une toute nouvelle image composite des piliers de la création.
NGC 7469 est une galaxie spirale lumineuse, vue de face depuis la Terre, qui se trouve à environ 220 millions d’années-lumière de la Terre dans la constellation de Pégase. Son diamètre est d’environ 90 000 années-lumière.
Cette galaxie spirale avait été étudiée récemment dans le cadre du Relevé astronomique des galaxies infrarouges lumineuses dans toutes les régions du ciel (Great Observatories All-sky LIRGs Survey, GOALS), réalisé avec les grands observatoires de la NASA. Il s’agit de quatre télescopes spatiaux lancés entre 1990 et 2003 : le Télescope Spatial Hubble (HST), l’Observatoire Compton des rayons gamma (CGRO), l’Observatoire Chandra pour les rayons-X (CXO), et le télescope Spatial Spitzer pour l’infrarouge (SST).
Elle vient maintenant d’être observée par le JWST pour un programme « Diffusion Scientifique Anticipée » (Early Release Science, ERS #1328), qui vise à étudier la physique de la formation des étoiles, la croissance du trou noir et ses effets sur la formation d’étoiles (rétroaction) dans quatre galaxies infrarouges lumineuses proches.
NGC 7469 abrite un noyau galactique actif (AGN), qui est une région centrale extrêmement brillante dominée par la lumière émise par la poussière et le gaz lorsqu’il tombe dans le trou noir central de la galaxie. Cette galaxie offre aux astronomes l’occasion unique d’étudier la relation entre les AGN et l’activité de formation d’étoiles, car cet AGN est entouré d’une flambée d’étoiles qui prend la forme d’un anneau à un rayon de 1500 années-lumière autour de lui. Bien que NGC 7469 soit l’un des AGN les mieux étudiés dans le ciel, la nature compacte de ce système et la présence d’une grande quantité de poussière ont rendu difficile pour les scientifiques d’obtenir la résolution et la sensibilité nécessaires pour étudier cette relation dans l’infrarouge. Maintenant, avec le JWST, les astronomes peuvent explorer l’anneau stellaire de la galaxie, l’AGN central, et le gaz et la poussière entre les deux.
En utilisant les instruments MIRI, NIRCam et NIRSpec pour obtenir des images et des spectres de NGC 7469 dans des détails sans précédent, l’équipe de GOALS a découvert un certain nombre d’informations nouvelles sur cet objet. Cela comprend les très jeunes amas de formation d’étoiles jamais vus auparavant, ainsi que des poches de gaz moléculaire très chaud et turbulent, et des preuves directes de la destruction de petits grains de poussière dans un rayon de quelques centaines d’années-lumière autour du noyau. Ceci prouve que l’AGN a un impact sur le milieu interstellaire environnant. De plus, un gaz atomique hautement ionisé et diffus semble sortir du noyau à environ 6,4 millions de kilomètres à l’heure, ce qui fait partie d’un « vent galactique » qui avait déjà été identifié, mais qui est maintenant révélé avec le JWST avec des détails étonnants. Avec l’analyse des riches ensembles de données du JWST toujours en cours, d’autres secrets de ce laboratoire local où l’on peut étudier en détail la relation entre un noyau actif et les flambées d’étoiles (starburst) ne manqueront pas d’être bientôt dévoilés.
Cette image montre la galaxie spirale lumineuse NGC 7469, dominée par une région centrale brillante. La galaxie a des teintes bleu-violet avec des régions orange-rouge remplies d’étoiles.
Beaucoup d’étoiles et de galaxies remplissent la scène de fond. Son compagnon, la galaxie IC 5283, est partiellement visible dans la partie inférieure gauche de cette image.
Une caractéristique marquante de cette image est l’étoile à six branches qui s’aligne parfaitement avec le cœur de NGC 7469. Contrairement à la galaxie, ce n’est pas un véritable objet céleste, mais un artefact d’imagerie connu sous le nom de pic de diffraction, causé par l’AGN brillant non résolu. Les pics de diffraction sont des motifs produits sous forme de courbures de lumière autour des bords tranchants d’un télescope. Le miroir principal du JWST est composé de segments hexagonaux qui contiennent chacun des bords contre lesquels la lumière peut se diffracter, donnant six pointes lumineuses. Il y a aussi deux pics plus courts et plus faibles, qui sont créés par diffraction de la jambe verticale qui aide à soutenir le miroir secondaire.
Cela indique que la source de lumière très puissante est ponctuelle, et confirme ainsi qu’il s’agit d’un noyau actif avec en son centre un trou noir supermassif.